Le piano s’est donc installé en ville, au Cercil et à l’Institut pour ce premier jour, place du Martroi et à la librairie Jaune Citron pour les lieux de rencontres du public. Klezmer, classique et improvisations tendance jazz pour les concerts payants. Belles prestations pour différents publics.
Par Bernard Cassat
Photos Marie Line Bonneau et Valérie Thévenot
Denis Cuniot cl Valérie Thévenot
Dans la cour du Cercil, sous le tilleul, un piano. Et derrière, la baraque du camp de Beaune la Rolande « où mon grand-père a...», nous dit Denis Cuniot. Trop ému pour finir sa phrase, il a préféré jouer, gardant dans son premier morceau une émotion intense, celle que les musiciens klezmer savent faire surgir avec une rare intensité. Le klezmer, c’est peut-être ça d’abord : canaliser l’émotion, lui donner un pouvoir quasi thérapeutique. Et pendant toute la prestation de cet « inventeur » du piano klezmer, c’est bien d’une manière de jouer qu’il s’agit., d’un esprit. Les morceaux viennent tous de cette Mittel-Europa si riche musicalement, avec des fortes communautés juives. Morceaux populaires, danses pour le bal, chansons qui rassemblent. Emotion, énergie, malice, douleur sourde de l’histoire dans les doigts du pianiste, mais aussi insouciance de l’instant, joie du jeu avec les notes. Passer du murmure chuchoté à l’oreille à la fanfaronnade martelée avec joie. Comme un pianiste de bar par moment, comme un concertiste à d’autres, mais toujours en maniant fortement ces émotions qui vont droit au cœur. Démonstration profonde du pouvoir du piano, en ouverture du Grand PianO Festival. Quoi de mieux ?
Du souffle au bout des doigts. Photo Marie-Line Bonneau
L’Institut a ensuite accueilli une création étonnante. Deux concertos pour piano et orchestre, le n°23 de Mozart et le n°2 de Chopin, arrangés pour une formation étonnante, un piano (Daniel Ben Zakoun), une flûte (Pierre Baranger), un cor (David Harnois), une clarinette (Alain Laloge), un hautbois (Christophe Patrix) et un basson (Philippe Recard). Ces transcriptions de Christophe Patrix transformaient l’orchestre complet en formation de chambre. Elle trouvait admirablement sa place dans ce lieux si particulier. Mozart transcrit reste Mozart, son énergie, son ampleur intacte, et la profondeur, la sagesse qui domine cette œuvre, même jouée sans cordes. Magnifique moment.
Le concerto de Chopin, très connu lui aussi, a mis à l’épreuve les possibilités des interprètes. Sa complexité a pourtant été dominée dans une interprétation magnifique. La très belle ovation du public en fin de concert l’a prouvé. Les musiciens hors pairs ont régalé un public de connaisseurs de musique classique. Et c’est aussi l’objet du Grand PianO Festival, puisqu’il cherche tous les publics.
Thomas Enhco. Photo Marie-Line Bonneau
Changement de lumières, changement de piano, changement de pianiste. Thomas Enhco est entré seul sur scène. Réfléchi, concentré. Pendant une heure et demi, il a tenu en haleine son public. A partir de phrases de Mozart (lui aussi!) ou de Bach, il peut construire tout un développement. On reconnaît les thèmes, ils se perdent, reviennent. Mais lui ne se perd pas. Une belle énergie dans le premier tiers, un peu plombée par Plaisir d’amour. Ou plutôt Can’t Help Falling in Love, façon Elvis. Et puis un magnifique morceau romantique pour sa mère présente dans la salle. Il faut dire que Thomas a des aïeuls hautement musiciens. Et ça se sent. Sa culture est immense, classique pour beaucoup. Il est capable d’improviser sur le chant des partisans façon Gainsbourg, non, façon Debussy, non plutôt façon César Franck. Enfin, façon Enhco, finalement… Il a besoin d’un thème pour développer son propos, ses impros. Mais finalement, le plus beau moment, c’était peut-être le premier morceau. Il s’était promené dans la cathédrale avant le concert, avait entendu les cloches. C’est sur ce son qu’il a improvisé et c’était vraiment jazz. Une énergie main gauche et la droite qui la nourrit, la développe. Thomas est capable d’interrompre brusquement ce rouleau compresseur musical pour quelques haïkus dans l’aigu, puis de reprendre là il avait tout laissé. Virtuose brillantissime. Le public l’a rappelé deux fois.
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