Depuis les élections législatives de 1986, les partis de droite font de l’insécurité, combinée à l’immigration, un thème favori de leurs campagnes électorales. Repris par de nombreux médias complaisants, les discours de l’extrême droite associent immigrés (et jeunes issus de l’immigration) à la délinquance. Pourquoi ce lien semble-t-il si efficace ?
Par Jean-Paul Briand
Cette volonté répétée et discriminatoire de stigmatiser l’immigration à des fins électorales détruit la cohésion sociale et légitime des comportements xénophobes et racistes parfois d’une extrême violence. Cet anathème délétère, fonds de commerce de l’extrême droite, parasite les représentants des autres partis qui désormais reprennent à leur compte cette problématique clivante et malsaine.
L’immigration mérite un débat sans parti pris, raisonné et éclairant
Les liens entre immigration et délinquance sont loin d’être évidents et très peu étudiés puisque la loi du 6 janvier 1978 interdit les statistiques ethniques. Majoritairement les migrants quittent un pays où leurs situations économiques sont très difficiles. Logiquement ils sont enclins à être le moins possible délinquants pour ne pas se faire remarquer et risquer d’être expulsés. Une partie des migrants présente peut-être une probabilité plus élevée de commettre un vol, une infraction pour survivre lorsqu’ils n’ont pas accès au marché du travail. Ce n’est pas l’origine étrangère qui favorise alors la possible délinquance d’un migrant mais son extrême précarité économique et administrative. Une toute récente enquête auprès de 8 923 personnes montre que le pouvoir d’achat, l’immigration, la protection de l’environnement et le système de santé, sont dans cet ordre, les quatre principales préoccupations des Français. L’immigration est donc bien une inquiétude. Elle mérite un débat sans parti pris, raisonné et éclairant à la hauteur des enjeux et des craintes qu’elle suscite. Pour autant faut-il associer et centrer cette discussion sur l’insécurité et la délinquance ?
Les médias participent à l’exacerbation d’un besoin sécuritaire
Les statistiques données par le ministère de l’Intérieur montrent que les coups et blessures volontaires, les violences sexuelles et les escroqueries sont globalement en hausse sur l’ensemble du territoire français. Malheureusement l’interprétation de ces données statistiques pose problème. Ces chiffres mesurent essentiellement l’activité de la police. Plus elle est active, plus elle enregistre de délits et plus les hommes politiques, ceux qui y ont intérêt, exploitent ces faits. C’est ainsi que s’installe un sentiment d’insécurité. Les organes d’informations de droite, avec ceux qui subissent la tyrannie de l’audimat (les faits divers, le sensationnel, la criminalité sont des sujets qui plaisent) l’amplifient. Ces médias participent ainsi à l’exacerbation d’un besoin sécuritaire : plus de police et de pouvoirs pour celle-ci, plus de sévérité pour la justice, plus d’emprisonnements, plus de caméras de surveillance, etc.
Le migrant est le bouc émissaire idéal
Comme tout sentiment, le « sentiment d’insécurité » est subjectif et dépend de notre perception de la réalité. Depuis les travaux du sociologue Sébastian Roché, on sait le lien étroit entre la hausse des incivilités et la progression de ce sentiment d’insécurité. Ces incivilités ne sont pas comptabilisées par les services de police car elles ne sont pas nécessairement illégales au sens juridique. Elles participent pourtant à cette impression de menace qui affecte plus particulièrement certaines catégories de population. D’après Laurent Mucchielli, auteur de « Insécurité, sentiment d’insécurité : les deux veines d’un filon politique », « le sentiment d’insécurité exprime autre chose que la seule expérience de la victimisation. Il exprime d’abord une vulnérabilité. La peur est ainsi liée à l’âge (les personnes âgées), au sexe (les femmes) et au niveau social (la précarité) ». Les habitants de certaines zones, là où il y a le plus de délinquance du quotidien, d’incivilités, dans les quartiers populaires notamment, ressentent plus particulièrement ce sentiment.
Ce ressenti inquiétant permet la désignation d’un responsable symbolique, « le migrant », cause de tous nos maux et bouc émissaire idéal pour les partis fascisants. C’est simpliste mais ça marche quand on observe la progression mortifère des partis xénophobes et racistes. Il ne tient qu’à nous que cette avancée des obsédés par la haine de l’immigré ne soit pas inéluctable…