Législatives : le paysage électoral est désormais éclairci

La liste officielle des candidats pour le scrutin du 30 juin a été publiée dimanche soir. Le paysage électoral actuel va être profondément modifié sans doute au détriment de la majorité présidentielle et peut-être de LR. Mais quelle sera la percée du RN qui avait déjà fait élire trois députés en 2022 ?

Les élections législatives sont programmées les dimanches 30 juin et 7 juillet.



Par Jean-Jacques Talpin avec Jean-Luc Bouland


Bien malin qui peut prédire quel sera le paysage électoral au soir du scrutin du 30 juin et surtout le 7 juillet à l’issue du second tour des élections législatives. Certes les sondages qui s’appuient sur les résultats des dernières européennes prédisent une poussée de l’extrême droite même si les pronostics sont bien difficiles à établir pour 577 scrutins différents. De là à envisager une assemblée nationale tripartite – extrême droite, gauche unie, bloc central – il n’y a qu’un pas qu’espèrent franchir au moins ceux qui redoutent un Premier ministre issu du RN et une assemblée à sa botte. Certes le processus – difficile – d ’union de la gauche au sein du Nouveau Front Populaire a quelque peu rebattu les cartes même si les purges au sein de LFI et les réticences de nombreux sociaux-démocrates à cette alliance « contre nature » peuvent aussi jouer un rôle de repoussoir contre la bannière NFP. De même, rien n’annonce encore l’effondrement des troupes de la majorité présidentielle (créditée de 20% dans les sondages). Et cela d’autant plus que dans la région Centre-Val de Loire la majorité macroniste dispose de quelques atouts et de quelques « têtes » : Guillaume Kasbarian (actuel ministre du logement) en Eure-et-Loir, le médiatique (trop ?) Richard Ramos du Modem et Stéphanie Rist (Renaissance) dans le Loiret, les deux centristes Marc Fesneau dans le Loir-et-Cher, ministre de l’Agriculture et Philippe Vigier, ancien ministre en Eure-et-Loir. Difficile également de mesurer le poids du RN, ce parti avec peu d’ancrage local et qui a donc fait un recours important aux parachutages pour ce scrutin législatif. S’il devait conserver ses trois sièges actuels (2 dans le Loiret et un en Loir-et-Cher), il pourrait profiter des divisions chez LR ou dans la gauche pour gagner plusieurs sièges dont au moins un à Pithiviers dans le Loiret où son candidat avait été battu de 3 voix en 2022. Mais le RN devrait peu profiter de la trahison d’Éric Ciotti dont le ralliement sans panache au RN a fait long feu dans la région. De son côté LR en perdition peut aussi nourrir quelques espoirs de stabilité avec ses rares poids lourds : Olivier Marleix en Eure-et-Loir, président dépassé du groupe LR à l’Assemblée nationale, ou Nicolas Forissier dans l’Indre.

Rappel de la carte des élections législatives de 2022 et la liste des députés sortants en région.


Voici une petite revue en détail du scrutin de fin juin

Cher : la majorité en sursis

Dans ce département du sud de la région la majorité présidentielle compte deux députés sortants : François Cormier-Bouligeon (Renaissance) et Loïc Kervran (Horizons) qui tous deux repartent au combat dans un contexte difficile même si le RN a choisi la solution des parachutages avec notamment l’avocat parisien médiatique (CNews évidemment !) Pierre Gentillet. Mais dans le Cher la majorité ne devrait pas compter sur le gentleman agreement avec le LR qui sera présent sous ses propres couleurs. Pour la gauche, le communiste Nicolas Sansu (suppléé par la socialiste Irène Félix présidente de l’agglomération de Bourges) devrait (logiquement) avoir un boulevard devant lui.

Eure-et-Loir : des incertitudes

Guillaume Kasbarian, nouveau député LREM élu en 2022, va-t-il sauver son poste ? Parmi ses atouts : une surface médiatique importante, un poste de ministre du Logement avec un projet de réforme qui a séduit un électorat du centre et même plus, après une loi « anti squat » bien accueillie par les propriétaires immobiliers. Il fera face à un écologiste alors que la candidature de Stéphane Cordier, responsable socialiste du département, a été rejetée par le NFP. Le RN sera quant à lui représenté par une étudiante de 22 ans, « touriste de la politique » après avoir travaillé avec le RN en Loir-et-Cher et dans le Loiret.

Député sortant et président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix est de nouveau dans le jeu et devrait logiquement retrouver son siège, comme son père avant lui. La surprise du scrutin vient en fait du retrait du député sortant Luc Lamirault (Horizons) qui sera remplacé par Anna Stépanoff pour la majorité présidentielle. Mais elle devra mener un combat difficile car le RN sera représenté par Christophe Bay issu du premier cercle de Marine Le Pen et ancien directeur de campagne du RN lors de la présidentielle de 2022. Dans la 4ᵉ circonscription, Philippe Vigier, ancien député et ministre Modem, repart au combat face à une socialiste et surtout face à Roger Pécout du RN, ancien directeur de cabinet du maire de Châteaudun dont le candidat bénéficie du soutien de LR qui ne présente pas de candidat. Ce candidat d’extrême droite suppléé par une des têtes montantes du RN dans la région et même au-delà : Aleksandar Nikolic, récemment élu député européen.

Indre : le fils Sapin en embuscade

Dans ce département, la répartition des rôles pourrait être confortée avec un député Horizons, François Jolivet (supplée par le président du Modem 36) et le LR Nicolas Forissier, député sortant, ancienne tête de liste de droite aux élections régionale et actuel chef de file de l’opposition au conseil régional du Centre. Mais la surprise pourrait venir de Clément Sapin, candidat du Nouveau Front Populaire, conseiller municipal d’Argenton-sur-Creuse et directeur artistique du festival Debussy. Mais il est aussi le fils de Michel Sapin qui goûte une retraite bien méritée après avoir été président du conseil régional du Centre, maire d’Argenton et ministre sous François Mitterrand, Jacques Chirac et François Hollande. À l’extrême droite le candidat Marc Siffert, devra faire oublier son parachutage depuis la mairie du Plessis-Robinson où il est élu.

Loir-et-Cher : l’absence des socialistes

L’éviction de Marc Gricourt, socialiste et premier vice-président de la Région, qui souhaitait concourir pour la gauche pourrait favoriser la majorité présidentielle et notamment Marc Fesneau, actuel ministre de l’Agriculture qui se représente (élu avec plus de 56% des voix en 2022). Les socialistes n’ont d’ailleurs aucun candidat investi dans les trois circonscriptions du département. Il est vrai que l’élection de Marc Gricourt « sans amertume mais pas sans appréhension » aurait aussi entraîné une succession ouverte à la mairie de Blois voire à la région. Pourtant cette éjection pourrait laisser des traces dans l’électorat socialiste. La circonscription de Blois sera donc occupée par le lfiste Reda Belkadi déjà candidat en 2022 (43,5% des voix) (et 26e sur la liste de Manon Aubry aux Européennes) alors que la circonscription de Vendôme est réservée au jeune écologiste Noé Petit qui mènera le combat contre le député sortant Renaissance Christophe Marion en danger. Quant à la Sologne, elle devrait sans doute conserver sa fidélité au député RN élu en 2022 Roger Chudeau. Le RN sera mené à Blois par Marine Bardet qui se prépare déjà à être candidate à la mairie de Blois en 2026.

Indre-et-Loire : des sièges de toutes les couleurs…

Dans ce département comme dans toute la région, le RN est arrivé sensiblement en tête lors des européennes, même si la gauche et Renaissance font de la résistance sur le territoire de la Métropole de Tours. À Tours, ville qui a placé Raphaël Glucksmann en tête aux européennes, le député sortant écologiste Charles Fournier semble bien parti pour conserver son siège. Et cela d’autant plus que les oppositions semblent fragiles avec le non départ de Philippe Chalumeau ancien député LREM, avec un candidat LR peu connu tout comme pour le RN. L’opposition pourrait venir du centre avec un candidat UDI et surtout avec Benoist Pierre (ex Horizons, désormais Renaissance) qui vise clairement la mairie de Tours en 2026. Mais Charles Fournier devra aussi tenir compte de la dissidence d’Alan Dayan, ancien socialiste et ancien adjoint du maire PS Jean Germain qui se présente lui aussi en galop d’essai avant les municipales de 2026.

…mais des combats incertains !

Dans la 2e Daniel Labaronne ancien député et maire PS de Bléré représentera la majorité Ensemble/Renaissance dans une bataille incertaine (malgré le poids de sa suppléante Brigitte Pineau maire de Vouvray) contre Corine Fougeron du RN et Christelle Gobert de LFI. Dans l’ancienne cité cheminote et communiste de Saint-Pierre-des-Corps Henri Alfandari part avec de bonnes chances sous le pavillon Ensemble/Horizons. Mais il devra batailler contre l’imprévisible maire de Saint-Pierre, qui a gagné par surprise la ville en 2020 sous les couleurs de la droite. Dans la 4e circonscription, le combat sera rude entre la sortante Fabienne Colboc (proche de Gabriel Attal) et le socialiste Laurent Baumel, ancien frondeur sous François Hollande. Dans la 5ème, la députée Modem Sabine Thillaye s’opposera à un candidat LR proche de Philippe Briand (puissant patron de la droite en Touraine), contre le délégué du RN en Touraine et contre une communiste cheminote.

Loiret : une majorité confortée…

C’est le département où la situation semble presque la plus simple avec une emprise du RN qui devrait encore être confortée fin juin après les 34% enregistrés aux européennes. C’est dire que les deux députés sortants de l’extrême droite – Thomas Ménagé à Montargis et Mathilde Paris – pourraient être rejoints par de nouveaux collègues. Et pourtant en 2022 dans ce département traditionnellement acquis à la droite, la majorité présidentielle avait enlevé trois sièges : Stéphanie Rist et Caroline Janvier (LREM) ainsi que Richard Ramos (Modem). Dans la 1re circonscription Stéphanie Rist qui s’est imposée sur les dossiers médicaux retrouvera comme en 2022 la PS Ghislaine Kounowski qui portera les couleurs de la gauche. L’un des atouts de Stéphanie Rist est de n’avoir en face d’elle aucun candidat de la droite républicaine. Serge Grouard, non LR mais toujours influent, aurait interdit à ses proches de batailler contre Mme Rist, sans doute pour favoriser un ticket Grouard-Rist aux prochaines municipales.

…ou une vague bleu marine ?

Dans la 2e circo, Caroline Janvier (Ensemble/Renaissance) bataillera comme en 2022 contre Emmanuel Duplessy (Front Populaire) qui avait empoché 44% des voix et contre la conseillère régionale Élodie Babin (19% en 2022). Dans la 3e face à la députée RN Mathilde Paris, l’espoir sera porté par Constance de Pélichy, ex-LR et maire de La Ferté-Saint-Aubin qui bénéficie aussi de la bienveillance de la majorité présidentielle qui ne lui oppose pas d’adversaire. Pour le Front Populaire le représentant LFI, Kevin Merlot, a été « purgé » et remplacé par un « illustre inconnu » selon ses propos. A Montargis Thomas Ménagé, jeune député RN le mieux élu de France (63% en 2022) part largement favori face à Ariel Lévy jeune (lui aussi) espoir LR de la droite départementale qui fera face à deux autres adversaires, Mélusine Harlé (ex LREM) et Bruno Nottin (PCF/NFP), finaliste il y a deux ans. Provocateur, le député Modem Richard Ramos a décidé de soutenir Ariel Lévy et non Mme Harlé. Dans la 5ème le sortant Renaissance Anthony Brosse dont le siège n’a tenu qu’à trois voix d’avance sur le RN aura cette fois un adversaire de taille, Jean-Lin Lacapelle, ancien conseiller régional du FN considéré comme un « dur parmi les durs ». Enfin dans la 6e Richard Ramos (Modem) espère bénéficier de son marketing personnel et médiatique pour conserver son siège afin de l’emporter sur le socialiste Christophe Lavialle.

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Dans le Cher, ce sera entre anciens, classe biberon et parachutages

Commentaires

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  1. Est ce que vous pourriez préciser que “dur parmis les durs” pour Jean -Lin Lacapelle le candidat RN de la 5eme veut dire militant du GUD (groupucule néonazi) et en lien avec les escrocs (eux aussi néonazis) de la “GUD connection”

  2. Je prends le pari d’une victoire de Constance de Pelichy dans la 3ème du Loiret, ce qui serait le contre exemple de la tendance nationale, avec une députée sortante RN débarquée par une personnalité de droite éthique et modérée.

  3. D’accord avec Gérald. La précision sur les idées neonazis du candidat RN dans la 5eme serait utile.
    D’autant que le RN OSE le parachuter chez nous avant que J. Bardela annonce son intention de dissoudre le GUD…
    On doit vraiment avoir l’air stupide à manger du foin ici, je ne vois que ça…

  4. Je prends aussi le pari bien volontiers. Je connais personnellement Constance et il ne fait aucun doute qu’elle a une réelle carte à jouer. Verdict le 30 juin pour le 1er tour. Affaire à suivre pour le moment.

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