Billets de campagne 2024 #J-22

À 23 jours du résultat d’une campagne électorale éclair, Magcentre vous propose, avec la plume de Joséphine, de décrypter sous la forme d’un compte à rebours, cette échéance qui menace les fondements mêmes de nos valeurs républicaines.

La politique, les naïfs et les idéalistes

Samedi 6h30 : Faire de la politique sous quelque forme que ce soit, ce n’est pas écrire une copie de philo de premier trimestre de Terminale.

Depuis cette nuit, on tombe un peu des nues à voir les réactions au sujet des écharpages à l’intérieur du Nouveau Front Populaire, et notamment à LFI. A croire que pas mal de gens vivent à tel point coupés des réalités et de l’Histoire, qu’ils redécouvrent la politique à chaque élection.

Oui, les alliances, ce sont des compromis, des coups de bluff, des pressions, des sourires entendus entre gens qui se détestent pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Tomber dans le piège de se pincer le nez, dégoûté face à cette « tambouille électorale » et à cette volonté pour les partis de garder des sièges et les financements qui vont avec, c’est vraiment jouer au vierge effarouché. Si ces politiciens étaient d’accord, ils seraient dans le même parti, et sinon, et bien pas d’autre choix que de s’allier et de jouer le jeu de la frustration pour construire quelque chose. Sinon, on assume de choisir des partis de témoignage qui portent une idée pour la faire connaître dans l’espace public, sans volonté de prendre un exécutif, comme LO ou le Parti Animaliste, mais là ce n’est pas le propos du Nouveau Front Populaire. Chaque parti de gauche en France est réduit à cela depuis des années, à un témoignage. Seule une dynamique unitaire permettra d’espérer atteindre une majorité, pour coucher le RN mais surtout, surtout, surtout, pour améliorer la vie des personnes en situation de précarité, pour les services publics, pour la redistribution plus équitable des richesses, pour les libertés publiques. Aussi simple que ça.

Oui, dans les partis il y a des clans, des courants, des règlements de compte, des ambitions déséquilibrées, des tueurs, des porte-flingues, des manœuvres à trois bandes, des mises à l’écart injustes et des gusses qui restent indéboulonnables. Sans même parler de l’intox habituelle dans ces phases de reconfiguration politique bouillonnante où la vérité est très difficile à établir, avec une profusion d’informations contradictoires, sans le temps de l’analyse. C’est comme ça, imparfait et pas spécialement moral ni rationnel. Logique, donc, que depuis quelques jours, la dynamique d’union n’ait pas effacé les tensions internes, d’autant plus fortes que le timing est serré. Et ce dans chacun des partis – PS, EELV, LFI, NPA –, sauf peut-être le PCF, très compact, mais exsangue. C’est triste, rageant, souvent dégueulasse et même les meilleurs statuts de parti n’évitent pas cela – hein Eric Ciotti !? – . Mais c’est la nature même des organisations, y compris non politiques. S’en offusquer avec des trémolos ne semble pas l’attitude la plus mature. Et puis, au final, ce seront les électeurs qui trancheront sur les cas – différents en nature mais représentatifs de la crispation – de Quatennens et Hollande et de la pertinence de leur présence.

Oui, les politiques sont de drôles de personnes. Ils donnent beaucoup de temps et d’énergie, ne gagnent pas tant, passent leur semaine à faire des trucs hyper chiants comme des réunions, répondre à des milliers de messages, écouter des gens avec leurs problèmes minuscules, parler à des journalistes qui ne rapporteront pas le bon truc, regarder d’autres politiques dire n’importe quoi… Bref, ils l’ont choisi, mais la rançon de la micro-gloire est substantielle. Oui, il y a des narcissiques, des névrosés, des glandus, des médiocres, des ambitieux, des traîtres etc, mais il y a essentiellement des humains mis sous des pressions délirantes alors oui, ils craquent de temps en temps, se font dépasser par l’orgueil, la colère, la rancœur, la volonté de faire la petite punchline qui fait plaisir pour calmer tel ou tel autre politicien tout aussi stressé. Que celui qui n’a jamais été cassant avec un collègue casse-couilles à la machine à café jette le premier tweet.

Oui, les programmes communs et les processus d’alliance électorale entre appareils produisent des choses imparfaites, balayées d’un revers de soutane par les idéalistes et naïfs qui ne peuvent accepter autre chose que leur hiérarchie des priorités, leurs modalités de débat, leurs contenus idéologiques cohérents, leurs vœux pieux sur la vie politique, une sorte de club de gentlemen où l’on joue entre esprits de bonne compagnie. Ce sont des Milton Friedman des idées en quelque sorte, considérant qu’il faudrait produire des programmes dans un espace libre et non faussé et ensuite à chaque individu de choisir lequel il entend consommer, et que le meilleur programme gagne. Sauf que là encore, c’est d’une maturité intellectuelle toute relative. L’espace politique n’est pas libre et il est faussé par la configuration médiatique – essentiellement aux mains d’intérêts financiers et industriels -, le producteurs de programmes et les électeurs ne sont pas des êtres purement rationnels parfaitement et symétriquement informés. Pour le dire autrement et plus vite, la politique c’est aussi le bordel, l’urgence, les passions, la désinformation, la mauvaise foi et l’orgueil. Orgueil que l’on voit également à l’œuvre chez les gens soi-disant de gauche qui conspuent le Nouveau Front Populaire pour X raison – trop soc-dem ou trop radical –, prennent leurs distances avec un macronisme désormais grillé mais appellent à faire barrage au RN pour conserver un semblant de dignité…attendant avec gourmandise telle ou telle dégueulasserie qui leur permettra d’exulter d’un « je l’avais dit ! ». C’est personnellement mesquin, politiquement pas à la hauteur et au final, c’est le RN qui gagne.

Et puis, tout ça fait oublier le principal de cette séquence folle : c’est Macron qui a décidé de jouer avec les institutions en organisant en catastrophe une élection sous les conseil éclairés de dix bras cassés, espérant un marasme à gauche pour rejouer une troisième fois le coup de « Jupiter ou le RN ». C’est Macron qui se retrouve selon les premiers sondages avec nettement moins de 100 sièges. C’est le RN qui se retrouve en position de prendre l’exécutif s’il obtient une majorité. Et ce sont les partis de gauche contre toute attente qui ont réussi à proposer une union, un programme et des investitures uniques en 130 heures de temps. Et là, la priorité pour certains serait de commenter et geindre sur la nature profonde de la politique ?

Donc au boulot, chacun dans sa circo, comme il le peut, quand il le peut. Et si vous avez un coup de mou, pensez à Gaby Attal le 7 juillet qui jettera à Macron à 20h 05 un « putain je te l’avais dit ! ».

cl JK

Samedi 10h : Manif contre l’extrême-droite à l’appel des syndicats. Dans les 2 500 personnes à Tours, petite déception vu les enjeux pour le monde du salariat. Et toujours la question en interne pour les centrales de savoir s’ils intègrent le Nouveau Front Populaire, contre leur tradition « d’apolitisme » qui prévaut depuis plus de 30 ans. Les responsables rencontrés semblent favorables à une prise de position claire. Pas juste en négatif pour appeler à barrer la route au Rassemblement National qui aura tôt fait d’entamer les droits syndicaux et les pouvoirs de ses représentants, d’autant plus après 10 ans d’un gouvernement technocratique qui entend se passer des corps intermédiaires et de la démocratie sociale pour mettre au pas les salariés et grapiller des sacro-saints points de PIB. Rester com-pé-ti-tifs. Et ce alors que la macronie et la droite n’hésitent plus à réclamer un nouveau tour de vis sur le droit de grève, excluant les jours de départs en vacances ou lors de grands événements.  « Il faudra faire un appel en positif, un appel à voter pour le Nouveau Front Populaire ». Les syndicats de patrons, eux, n’ont pas ce genre de dilemme, à la guerre comme à la guerre.

A lire: Billets de campagne 2024 #J-23

Commentaires

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  1. Assez d’accord avec l’idée que face à la menace majeure qui est devant nous, il n’y a plus de place pour les « chochotteries », laissons ça aux chroniqueurs des chaines d’info en continu et à ceux qui ont peur de se mouiller, le front populaire est la seule issue pour barrer la route à l’extrême droite, les macronistes sont déjà morts comme force politique. Même Hollande a compris ça. Pour ce qui est des syndicats, ma fille qui est de nationalité britannique m’expliquait récemment que lorsqu’on a une carte syndicale du labour union, on vote également dans les instances du parti travailliste. Nous on a la charte d’Amiens qui suppose la neutralité politique des syndicats, mais on n’a pas connu de telle situation depuis la libération, alors il me semble qu’à situation exceptionnelle, une position exceptionnelle peut se justifier.

  2. Laissons nos “égo narcissiques ” ( celui là me plaît, me plaît pas) d’autant plus que Macron, à un “grand industriel familier du pouvoir” qui lui demande si ce n’est pas trop dur ( à Oradour) répond avec le sourire : “Mais pas du tout , je suis ravi . Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes . Maintenant on va voir comment ils s’en sortent” *.
    Hormis le fait que c’est nous qui sommes et risque d’être blessés par les éclats de sa grenade, ces paroles indiquent bien que nous avons là une personne déséquilibrée qui utilise sa fonction pour vivre son mal-être.
    * Le Monde de vendredi.

  3. La France Insoumise c’est comme en Iran c’est le guide suprême qui choisit les candidats ! Avec l’alliance avec les Insoumis la NUPES aura la défaite et le déshonneur ! De toute façon Mélenchon s’en fout il a fait une croix sur les législatives son agenda c’est les présidentielles et pour ça il veut virer en tête de la NUPES ! Mettre 17 candidats LFI en Bretagne terre socialiste c’est du suicide !

  4. @Charles : Mélenchon a été désigné par l’avenir en commun pour porter le programme que cette assemblee à rédigé il y a quelques années. Votre comparaison avec l’Iran est outrancière, du moins mal informée.
    Un accord au National à été trouvé avec des équilibres liés entre partis en s’appuyant sur les résultats aux derniers scrutins. Le propre d’un accord est de créer des insatisfaits.
    Du reste, on parle du Nouveau Front Populaire, pas de la Nupes. Dommage d’avoir tant de certitudes…avec autant d’imprecisions.

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