Entretien avec… Olivier Barde-Cabuçon, l’auteur aux intrigues qui traversent les époques

Olivier Barde-Cabuçon est l’auteur de la série du Commissaire aux morts étranges, romans policiers historiques publiés par Acte Sud. Il publie également dans la série noire de Gallimard. Il était le parrain de l’édition 2024 du Salon du livre de Montargis. Magcentre en a profité pour avoir un entretien avec cet écrivain à succès, en un tour d’horizon de son œuvre.

Entretien les yeux dans les yeux avec Olivier Barde-Cabuçon – Photo Gallimard, Francesca Mantovani


Propos recueillis par Izabel Tognarelli


Votre premier roman « Les Adieux à l’Empire » porte sur l’époque napoléonienne : comment ce roman est-il survenu dans votre vie ?

J’écris toujours sur les périodes et les sujets qui me passionnent. J’ai une passion d’enfance et d’adolescence pour le Premier Empire. Tout naturellement, j’ai écrit cette fresque historique qui se déroule sur sept années. Elle raconte le destin de trois hommes et une femme, emportés dans la tempête napoléonienne.


Ensuite viennent la Belle Époque et la psychanalyse, avec « Le détective de Freud ».

Ma mère est le fil rouge de tous ces romans. Elle m’a légué sa passion pour l’histoire et s’intéressait beaucoup à la psychanalyse. Elle était jungienne. Je me suis donc intéressée à la Belle Époque et aux Années folles. La Belle Époque préfigurait les Années folles. Elle a été stoppée par la Première Guerre mondiale, mais on y trouve déjà l’explosion des arts et l’émancipation féminine.


On remarque au travers de vos livres que vous décrivez finement les vêtements féminins.

La mode a une portée symbolique importante. Jusqu’à la Belle Époque, les corps des femmes étaient emprisonnés dans des carcans qui déformaient leurs silhouettes. On raccourcit les robes et on commence à laisser aux femmes leur liberté de mouvement. Dans « Humeur noire à Venise », une enquête du commissaire aux morts étranges, j’évoque les chaussures à très hauts talons que portaient les Vénitiennes. Il était très difficile de marcher avec : les maris restreignaient ainsi leurs épouses dans leurs possibilités de se déplacer.


La série du Commissaire aux morts étranges se passe au XVIIIe siècle : il n’est pas courant qu’un romancier se passionne pour trois époques différentes.

Et pour la psychanalyse ! « Le Détective de Freud » a pour toile de fond la dissension entre Freud et Jung en train de s’amorcer. J’ai lu toutes les lettres entre Freud et son disciple adoubé et futur successeur : le disciple va rompre avec le maître. La relation entre disciple et maître m’a toujours fasciné. Comme un enfant avec ses parents, il faut une rupture pour exister. En général, ceux qui restent disciples toute leur vie n’évoluent guère.

Olivier Barde-Cabuçon, auteur de romans policiers historiques – photo Olivier Barde-Cabuçon


Avec votre troisième roman commence votre série du c
ommissaire aux morts étranges.

Louis XV a été un roi détesté. C’est la fin d’un certain angélisme historique : sous son règne ont été semés les germes de la Révolution. Le XVIIIe siècle est celui des Lumières, mais elles n’éclairent pas grand monde : les encyclopédistes ont vendu 500 ouvrages par souscription. Néanmoins, ces lumières apparaissent et avec elles quelque chose de fondamental : l’opinion publique et l’esprit critique amenés par les philosophes.


Comment vous documentez-vous avant d’écrire ?

Pour « Casanova et la femme sans visage », j’ai lu les « Mémoires de ma vie », de Casanova. J’y ai trouvé un fripon, un escroc, mais sympathique. À la fin de sa vie, il n’est plus grand-chose et revit son passé tumultueux et fastueux. Il écrit pour lui, pas comme on écrit aujourd’hui ses mémoires. Il révèle ses forfanteries et son écriture, par ailleurs très belle, est aussi très tranquille. C’est un fin lettré, traducteur de latin ; c’est aussi un escroc ésotérique, un gigolo. J’ai eu envie de le situer dans une enquête policière : ainsi est née la série du Commissaire aux morts étranges et le duo du commissaire et de son père, avec un conflit intergénérationnel puisque l’un a 25 ans et l’autre la cinquantaine. Par la suite, je me suis tellement attaché à ce duo que j’ai écrit neuf romans.


Dans l’intervalle sont parus « Le Cercle des rêveurs éveillés » et « Hollywood s’en va en guerre ».

Je ne vais pas dire que j’en avais marre de cette série, mais j’avais envie d’autre chose. Avec Le Cercle des rêveurs éveillés, je suis retombé dans le merveilleux Paris des Années folles, l’émancipation féminine, les grands noms de la mode – Schiaparelli, Chanel, etc. –, les parfums, les artistes, notamment Tamara de Lempicka que je décris. J’aime bien avoir un personnage secondaire « réel ». Comme dans « Le Détective de Freud », un psychanalyste mène l’enquête, cette fois-ci accompagné d’une Russe à l’identité trouble. En toile de fond, on voit se dessiner le fascisme. Il y a toujours une part d’atemporalité dans les romans historiques, c’est ce qui me passionne.


De même « Hollywood s’en va en guerre » se dessine avec pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale.

Ce roman se déroule en 1941, dans une Amérique profondément isolationniste. L’année précédente s’est créé le mouvement America first. J’ai terminé de l’écrire au moment du retrait des troupes américaines d’Afghanistan et le retour d’America first. Ce roman policier brosse le tableau d’Hollywood, à une époque où le monde du cinéma américain s’était engagé contre le nazisme.

Pour en revenir à votre série des morts étranges, le moine prend de plus en plus le pas sur le commissaire. Seriez-vous victime du même syndrome qu’Agatha Christie et Maurice Leblanc : brûlez-vous d’envie de tuer le personnage auquel vous devez votre succès ?

Jamais ! Dans les duos d’enquêteurs – je pense à Sherlock Holmes et le Dr Watson, à Hercule Poirot et à Hastings – l’un prend le pas sur l’autre, mais ils ont besoin l’un de l’autre. Effectivement, dans ma série, le moine hérétique va prendre peu à peu le dessus. Pas forcément dans la résolution de l’intrigue, mais sa personnalité débridée, fantasque, érudite, le rend attachant : elle focalise sur lui la sympathie des lecteurs et lectrices.


Y aura-t-il un autre épisode de cette série ?

Oui, je vais à présent publier alternativement chez Acte Sud, pour le Commissaire aux morts étranges, et continuer chez Gallimard en reprenant le personnage de Vicky Malone de « Hollywood s’en va en guerre ». Le prochain épisode se situe peu après Pearl Harbor, dans une Amérique entrée cette fois-ci en guerre. Vicky Malone sera de nouveau en duo avec le vieux fédéral Arkel.

Magcentre souhaite beaucoup de succès à ce prochain opus !


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