Les élections législatives provoquent une tension palpable chez les élus locaux. Au Conseil départemental du Loiret, les débats se sont animés autour de la récente percée de l’extrême droite et des alliances politiques en vue du scrutin. Discussions qui ont viré au médiocre et lassant affrontement idéologique.
Par Mael Petit
Alors que les résultats des élections européennes suivis de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron entrainent une vague d’inquiétude dans toutes les strates du pays avec la sombre perspective de voir l’extrême droite accéder au pouvoir, cela n’empêche toutefois pas la vie locale de se poursuivre notamment au sein des collectivités. L’actualité nationale de ce mois de juin se déplace naturellement dans les hémicycles territoriaux. C’était le cas ce jeudi 13 juin lors de la première journée de session du Conseil départemental du Loiret qui, s’il a de nombreuses préoccupations en tête, à commencer par une situation financière toujours plus préoccupante, s’est autorisé à commenter l’actualité qui tend fortement les élus loirétains. Les problématiques locales qui animent habituellement la collectivité ont donc été reléguées un temps au second plan.
LFI et extrême droite sur le même plan
Et pour cause, le président du département Marc Gaudet « ne pouvait passer sous silence » le coup de tonnerre politique du 9 juin dernier. « Avec ce score sans précédent depuis plus de 80 ans des partis d’extrême droite française lors d’un scrutin … les Français se tournent vers l’appel des Sirènes aux idées simplistes mais parfois dangereuses », s’inquiète-t-il tout d’abord. Pour établir son analyse de la situation et décrire le choix que devront faire les Français les 30 juin et 7 juillet prochain, le président UDI a sans nul doute suivi la veille la conférence de presse du président de la République. À qui il reprend une rhétorique similaire et un discours consistant à renvoyer dos à dos extrême droite et LFI qualifiée d’extrême gauche « qui inquiète tout autant » Marc Gaudet. Une position qui a rapidement chatouillé une opposition à laquelle il est reproché son union avec le parti Mélenchoniste coupable, selon le sénateur LR Hugues Saury, d’actions – notamment le drapeau palestinien brandit à l’Assemblée nationale – menant aujourd’hui le pays « en Absurdie ». Des attaques auxquelles Mathieu Gallois (PCF) s’est empressé de répondre en parlant « d’actes isolés pour alerter sur l’inaction du gouvernement en Palestine ». « Il faut cesser ces caricatures dans les discours et les postures. Les résultats de ces élections sont la conséquence de politiques nationales successives de droite et de gauche qui ont abimé notre pays et particulièrement les zones rurales, poursuit l’élu orléanais. La gauche s’unit aujourd’hui pour faire barrage à l’extrême droite mais je peux rappeler votre manque de clarté et les nombreuses tergiversations de la droite lors des dernières législatives au moment de faire pareil ».
Léon Blum encore invoqué
Si les échanges parfois sous forme de règlement de compte ou concours de punchlines dignes d’une politique spectacle en amuseraient plus d’un, ils ne sauraient faire oublier qu’ils traduisent au fond les sentiments de peur et d’impuissance qui traversent nombre d’élus face à la déferlante vague brune annoncée dans deux semaines. Si les partis de gauche ont fait le choix de s’unir dans une “réconciliation” de la dernière chance, il est vrai que ce nouveau Front populaire annoncé à la hâte souffre autant d’une opacité programmatique notable que de désaccords de fond entre insoumis et socialistes qui persistent encore aujourd’hui. Les “actes isolés” ou autres déclarations personnelles LFIstes, notamment sur le 7 octobre et le conflit israélo-palestinien, ont dérangé même à gauche. Un style insoumis qui rebute le président du département. « Quand j’entends un député LFI (François Ruffin) dire que le président est un taré ; cette extrême-là, je n’en veux pas », assène-t-il tout en évoquant l’ancien président du Conseil Léon Blum à l’image d’Emmanuel Macron la veille. Pas un mot en revanche sur le timing inconsidéré de cette dissolution ni même sur la durée de cette campagne éclair à l’heure où l’extrême droite caracole en tête des sondages. « Quand vous évoquez Léon Blum dans le département de Jean Zay en pensant qu’il ne serait pas aujourd’hui dans le camp de la gauche, c’est un peu déplacé », euphémise Baptiste Chapuis. L’élu socialiste réfute l’idée d’assimiler extrême droite et extrême gauche en s’étonnant « qu’on puisse mettre agressions homophobes ou ratonnades sur le même plan qu’un drapeau à l’assemblée ».
Ariel Lévy (LR) très tendu à l’approche d’une seconde claque
La guerre des mots aurait pu s’arrêter là mais c’était sans compter sur un Ariel Lévy (LR) échaudé sans doute par le triste spectacle offert par sa famille politique mercredi à Paris après la sortie affligeante d’Éric Ciotti annonçant son rapprochement avec le RN. « Nous sommes fatigués de vos leçons de bien-pensance. Nous n’avons plus à prouver notre distance vis-à-vis de l’extrême droite. Vous tous à gauche avez décidé de rejoindre l’extrême gauche. Honte à votre famille qui se renie pour des postes. LFI est synonyme d’apologie du terrorisme, soutien aux dictateurs et de violence des black blocks », s’emporte Ariel Lévy. Celui qui sera de nouveau candidat dans la 4e circonscription du Loiret perd ses nerfs usant de raccourcis pas loin de faire dégoupiller un Baptiste Chapuis lui reprochant son « silence assourdissant » au moment de sa claque subit aux législatives 2022. Plafonnant à 15% au premier tour, ce dernier avait qualifié de « peste ou choléra » le choix offert au second tour aux électeurs entre RN et Nupes. Depuis l’annonce de la dissolution et du retour aux urnes, le président des LR dans le Loiret fait partie des responsables qui s’activent en coulisse pour définir quels candidats sont les mieux armés pour éviter une nouvelle déculottée. Lui-même retournera d’ailleurs au casse-pipe dans une circo promise à Thomas Ménagé, un des lieutenants de Marine Le Pen.
Au milieu des accusations, le maire de Chécy Jean-Vincent Valliès fut peut-être l’un des rares à la hauteur des enjeux à venir. En rappelant, s’il le fallait encore, que ces attitudes immatures sont à la racine du rejet des partis historiques exprimé par les Français. Avant d’affirmer « sans honte » qu’il « voterait LR s’il le fallait ». On attend encore la réponse de la droite sur ce sujet.
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