Billets de campagne 2024 #J-25

À 25 jours du résultat d’une campagne électorale éclair, Magcentre vous propose, avec la plume de Joséphine, de décrypter sous la forme d’un compte à rebours, cette échéance qui menace les fondements mêmes de nos valeurs républicaines.


11h : LR, petit ange disparu trop tôt

Bon, l’internet semble rétabli à Tours, les ténors et sopranos de la droite sortent peu à peu de leur silence au sujet des déclarations d’Eric Ciotti, lui qui a proposé à la semi-surprise générale une alliance entre LR et le RN. Alliance du reste confirmée par un Jordan Bardella exultant… et quelque peu optimiste, les dizaines de députés des Républicains annoncés comme quittant le navire ne sont en réalité qu’une petite douzaine. L’OPA parait ratée pour l’instant. En-tout-cas entre appareils.

Car de ce que j’ai pu lire et entendre des responsables et militants de la droite historique, il semble qu’il y ait une coupure profonde entre une majorité de cadres du Parti et la masse de leurs sympathisants et électeurs. Les premiers restent fidèles à la mythologie gaulliste et refusent tout rapprochement, à l’image de Marion Nicolay-Cabanne – ancienne première adjointe à Tours – , Fabrice Boisgard – patron des LR37 et lieutenant de Philippe Briand – ou Jean-Gérard Paumier, sénateur d’Indre-et-Loire qui ont dénoncé les propos d’Eric Ciotti et appelé à sa démission, sans ambiguïtés. Les seconds semblent globalement dégoûtés par ces 15 dernières années et voient dans le RN une rupture possible : « Il y 90% de votants de droite qui en ont marre de la tambouille des LR, donc on vote RN. Même si je suis petite-fille d’immigrés (…) Augis est adhérent Horizons… Paumier ne veut pas se tremper mais à ce petit jeu de vouloir être Macron compatible ou rester sur le bon RPR qui a perdu tous ses fondamentaux, la droite tourangelle perd tout. Un concours d’ego ».

D’autres cadres LR ont choisi de ne pas choisir, notamment ceux aux discours droitiers les musclés, par exemple Olivier Lebreton et Cécile Chevillard, qui se replient prudemment sur les municipales de 2026, dans un tempo qui ne semble pas des plus heureux. Détail cocasse, ils maintiennent la réunion de lancement de leur club pour le 18 juin, en un clin d’œil à De Gaulle qui aurait probablement apprécié aussi en hommage une clarification au sujet du lepenisme, historiquement anti-gaulliste radical depuis la guerre d’Algérie. Notons que le patron de LR-Tours, Jérôme Tébaldi, a préféré un bien consensuel hommage à Françoise Hardy, se demandant peut-être comment dire adieu à son parti…

Cela étant dit, les LR37 évitent le naufrage moral qui a cours dans le Loir-et-Cher où des accords ont été signés avec le RN, il est vrai, bien mieux implanté qu’en Touraine. Reste à voir ce que ça donnera électoralement.

15h : Le complexe de supériorité du PS

Côté PS, la situation est tout aussi compliquée. Les vieilles habitudes d’un PS « sûr de lui et dominateur » ont vite repris. À Blois, prenant tout le monde de vitesse, Marc Gricourt s’est désigné comme candidat naturel avant tout accord et investiture, à l’ancienne. Certains de ses porte-flingues, bravaches sur les réseaux, avancent que c’est la ligne Glucksmann qui a triomphé dans le Front Populaire, que Mélenchon le pro-Poutine est hors-jeu, que la plupart des députés LFI sortants sont juste des profils fantaisistes sortis d’on ne sait où – ohlala oui, il y a même une femme de ménage, vous imaginez l’horreur ?? – , qu’il ne faut pas taper sur le PS qui s’allie avec LFI car finalement ces derniers ne vont avoir que 100 candidats donc ça va – chiffres manifestement faux, l’accord tombé vers midi en donne 230 à LFI et 175 au PS – … C’est également un peu l’impression qui se dégage dans le Loiret, terre peu Unioniste, où le PS semble aligné sur une alliance a minima, en barrage à l’extrême-droite, sans substance programmatique notoire, prêts à reprendre les habitudes centrifuges dès le soir du second tour passé, offrant à la droite et aux simples électeurs, la suite du bien triste spectacle qui a cours depuis 2022.

À Tours, avec l’équipe municipale plurielle, les socialistes sont plus mesurés, notamment avec un secrétaire départemental loyal envers l’union. Mais on sent de plus vieilles gloires du PS, politiciens professionnels, ronger leur frein en arrière-plan, considérant probablement qu’il est temps de rebattre les cartes et d’établir un rapport de force avec les partenaires de gauche, à la manière de François Bonneau dans sa gestion des alliances aux régionales. Les mêmes qui expliquaient en 2022 que « non non le PS n’a pas vraiment fait 1,75% à la présidentielle, que c’est un trompe-l’œil, qu’il y a un effet vote utile et que c’est purement contextuel », considèrent désormais les presque 14% de Glucksmann comme monnaie sonnante et trébuchante, balayant sous le tapis le vote utile, le vote macroniste et le vote anti-Nupes qui a participé au score du co-leader de Place Publique. D’autres socialistes dissidents enfin, comme Alain Dayan, ancien de la germanie (Jean Germain ndlr), usent du contexte pour taper sur la majorité d’Emmanuel Denis, en total hors sujet, comptant bien dynamiser leur confidentiel lancement de campagne de 2026.

Bref, cela ressemble pour une partie des cadres du PS à l’opération de rééquilibrage tant attendue, avec des Écologistes et un PCF en encéphalogramme plat et une LFI qui malgré ses progrès aux européennes, son score de 2022, sa mise à l’écart aux sénatoriales, sa main tendue aux autres forces, a l’impression d’avoir été roulée dans la farine. Tout se passe comme si ces gens ne jouaient pas la victoire ou une union sincère mais plutôt au poker pour récupérer peu à peu des places et espérer rebasculer en tête en 2027, méprisant leurs alliés et incapables d’être lucides sur le naufrage politique du PS depuis 2005 et son incapacité à trouver des militants ou à mobiliser les électeurs seuls.

Un des enseignements de cette séquence, même si ce n’est pas un scoop, c’est que le PS et LR crèvent depuis des années de cadres peu représentatifs des électeurs, renvoyant une image catastrophique de petites carrières de politicien ou de club de gentlemen faisant mumuse à la politique. Pourtant, leur terrain de jeu oublie qu’il en va de nos salaires, de nos conditions de travail et de nos services publics. Et le scrutin qui vient sera aussi l’occasion de départager les lignes du PS, entre la ligne des éléphants pro-Glucksmann et la ligne d’Olivier Faure, unioniste et ayant choisi de rompre avec le hollandisme.

Le péril du RN est là. Mais il y a aussi le péril de saboter l’union des gauches et d’avoir pendant 30 ans un scénario à la hongroise : une bipolarisation entre la droite libérale et la droite populiste, la gauche étant réduite à gérer quelques grands centres urbains. Cette union n’est pas un artefact politique à but électoral, elle doit être enfin la première pierre posée pour construire un programme commun et trouver des méthodes et dispositifs démocratiques de désignation de candidats et de débattre des lignes possibles, sans hystérie et sans se lancer des outrances au visage.

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Commentaires

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  1. Narcisse, en train de se noyer, entraine dans son plongeon celles et ceux de quelques barques qu’ils soient ( mention spéciale quand même au LRistes et PSiste) qui veulent d’abord se plaire à eux-mêmes.
    Et pendant ce temps là c’est nous qui ramons, quelle galère!

  2. A voir ce qui se passe, j’émets l’hypothèse que si les morts pouvaient vraiment se retourner dans leurs tombes, certains cimetières ressembleraient à des champs de taupinières!

    PS:Attention aux connotations négatives envers une femme de ménage qui entre en politique…Combien de nos hommes politiques qui ont marqué notre histoire venaient du monde ouvrier…Quelle différence ?

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