Billets de campagne 2024 #J-27

A 27 jours du résultat d’une campagne électorale éclair, Magcentre vous propose, avec la plume de Joséphine, de décrypter sous la forme d’un compte à rebours cette échéance qui menace les fondements mêmes de nos valeurs républicaines.

Lundi 10 juin

8 h Macron, le cynisme et l’irresponsabilité 

La stratégie de Macron est claire : user de l’urgence provoquée par la dissolution et les délais très courts avant les législatives. Il s’agit de profiter de la désorganisation de la gauche et de l’acharnement que subit LFI depuis des mois pour rendre toute union quasi-impossible, les cadres des partis de gauche ayant joué à ce jeu de massacre sciemment depuis 2022, hystérisant les postures politiques et alimentant les rancœurs, sans jamais se donner les moyens de construire un accord programmatique et méthodologique sur le long terme.
 
Soit il y a une Nupes-bis et Macron pense récupérer les électeurs du centre gauche qui ont fini par croire que les Insoumis, c’est le parti des émeutes et du Hamas, soit il y a un Hollandisme-bis avec des Verts et un PCF paumés, et LFI présentera des candidats dans la plupart de circonscriptions, avec le NPA et des dissidents des autres partis de gauche, exactement comme aux sénatoriales de septembre 2023.
 
Résultat ? Pas mal de sièges en moins pour la gauche, récupérés par les macronistes qui pourraient alors bâtir une majorité absolue à l’assemblée Nationale, du moins pensent-ils.
 
La position des LR est désormais intenable, leur refus d’une coalition avec va Macron et leur discours d’extrême-droite porté par la ligne Ciotti-Wauquiez va pousser leurs électeurs à voter RN plutôt que pour des copies impuissantes.
 
Et de nouveau, pendant la courte campagne qui s’annonce, les macronistes vont donc faire croire qu’ils sont le barrage aux extrêmes, RN et LFI, alors qu’ils font juste monter les Lepenistes en les normalisant à mesure qu’ils courent après eux depuis des années, par pure stratégie, du reste perdante. Libéraux-autoritaires contre Populistes-racistes, voilà notre horizon des 20 prochains années qui se dessine.
 
On mesure encore mal le naufrage de la frange droite du PS des années 2005-2015 qui est la cause, de fait, de cette tripartition des forces politiques et de l’effondrement de la gauche keynésienne. Mais maintenant, face au mur, il va falloir que les cadres locaux des partis de gauche qui connaissent les élus et les militants LFI fassent pression sur leurs directions nationales. Eux ils savent qui sont les insoumis au quotidien, bien éloignés de quelques citations tronquées de Mélenchon sur CNews et montées en épingle par une large partie de la classe politique, trop heureuse d’avoir un tel épouvantail qui permet de s’offusquer de la forme pour éviter soigneusement le fond. Et il va falloir que les militants de gauche ne soient pas dans la volonté de vengeance contre le PS qui a été depuis 2017 bien purgé.
 
Au boulot. Et il faudra continuer après les élections. Car les plus faibles vont continuer de morfler, très fort. L’initiative de Ruffin et Faure de ce matin est bonne, il faut un Front Populaire avec quelques éléments de programme simples et fédérateurs, avec un certain sens historique. A gauche, ce sens historique est la réduction du temps de travail. Retraite à 60 ans ? Semaine de quatre jours ? Il faudra en tout cas faire campagne sur un projet positif et pas juste sur un barrage, si indispensable soit-il.
 
16h : Le Front Populaire
 
A ceux qui mettent “Front Populaire” partout depuis hier, y compris en photo de profil parce que voilà #jaimalamaFrance, mais qui ne veulent pas de LFI car vraiment infréquentable parce que c’est des oufs pro-terroristes ou du PS car c’est des serial-sociaux-traites, passez le chemin du Front Populaire et allez tracter pour Macron ou Lutte Ouvrière, gagnez du temps.
En 1936, le Front Populaire, monté à la suite de l’échec de l’émeute fasciste du 6 février 1934, comptait le PCF, celui aux ordres de Staline qui ordonnait les procès de Moscou a la même époque et la SFIO avec son cortège de notables parfois affairistes, souvent colonialistes.
Donc oui, le Front Populaire et les grèves joyeuses qui ont suivi, structurées par les syndicats – parfois violents et tout, avec des mecs qui parlent mal et qui n’ont même pas fait Sciences Po -, ça a été une alliance difficile et tendue, négociée entre gens qui se détestaient, méfiants, s’étant affrontés, battus, insultés. C’était pas une sorte de DreamTeam en noir et blanc qui a émané spontanément d’une manif tous-ensemble-ouais. Et il y a eu des départs du PCF et de la SFIO à l’époque, de gens incapables de manger leur chapeau.
Il faut avoir le sens des priorités, du compromis, du fermage de gueule et de sacrifice. C’est à ce prix. Sinon ce sera Macron puis Le Pen. Ou juste Le Pen.
Je montre la voie : je m’engage ici, s’il le faut et que c’est décidé par l’Union, d’aller coller des affiches de Fabien Roussel avec le sourire, en sifflant du Tryo. C’est aussi ça le dépassement de soi.
 
21h : Ça y est l’aventure solo de Glucksmann commence et c’est sur France 2.
 
Il se pose d’emblée en leader naturel de la gauche, parlant d’inversion du rapport de force face à LFI depuis 2022, semblant oublier qu’il a fait deux fois moins de voix en valeur absolue que Mélenchon au premier tour de la dernière présidentielle. A peine réélu au Parlement Européen, il lorgne déjà vers le national. Isolé et alors que les partis constitués négocient, il s’appuie comme Macron sur la société civile en proposant Laurent Bergé comme futur premier ministre. Sans véritable parti ni colonne vertébrale politique – en bon sciences piste -, il est issu d’Alternative Libérale, un groupuscule néolibéral des années 1990-2000, il est ensuite conseiller d’un président étranger tout aussi libéral, il est soutien public de Nicolas Sarkozy en 2007 et appelle de ses vœux la mort du PS. Il ne se définit que formellement – avec lui ce sera le calme et le sérieux – et en négatif, contre le RN et LFI.
Il trace quelques lignes floues et fédératrices a minima : respect, soutien à l’Ukraine, annulation de la dernière réforme des retraites – mais rien de précis sinon -, accélération de la transition écologique, soutien à l’UE… Bref, une sorte de best-of mollasson qui va essayer de rassembler tous les dissidents éparpillés de la NUPES de 2022. Il n’a aucune chance comme ça, si ce n’est d’éroder le Front Populaire et ainsi permettre peut-être à Macron de grapiller quelques circonscriptions à la gauche et tenter d’avoir une majorité absolue le 9 juillet.
Bref, Glucksmann dit “on ne va pas refaire la NUPES quoi“. Non, en effet, on va juste refaire Macron.
 
 

Commentaires

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  1. Merci Mme Joséphine pour cette analyse bien pesée.
    Allez la Gauche : au boulot !
    … et que ses leaders magouilleurs ravalent enfin leurs égos…

  2. quel beau discours de haine. Nous sommes loin de l’humaniste Léon Blum. Et après de belles conquêtes sociales (avec l’appui indispensable de la mobilisation ouvrière), le front populaire a malheureusement mal fini. Et nous avons eu le pacte germano-soviétique.
    Ce n’est pas avec un discours de haine que l’on combat l’extrême droite mais avec des propositions réalistes dans un climat respectueux des hommes et des femmes qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité.

  3. baser sa communication sur la haine des autres partis est une erreur funeste… Nos politiciens en 2024 semblent surtout préoccupés à exposer leurs différences théoriques, et quelquefois même, abstraites, au lieu de se battre pour trouver des points communs entre tous les citoyens républicains, citoyens subissant les mêmes difficultés dans leur vie quotidienne !

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