Dissolution, piège à Macron ?

Alors que les élections européennes ont enregistré le désaveu du pouvoir macroniste, d’autant plus cinglant que la participation n’avait jamais été aussi élevée, le président de la République joue son va-tout en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale. Un risque calculé ou la démocratie à quitte ou double ?



Par Paul Bluzet



Un désaveu franc et massif

La forte mobilisation du 9 juin confirme la nouvelle tendance du 21e siècle : les citoyens français votent désormais davantage aux Européennes qu’aux Législatives. Le résultat en est encore plus incontestable : un référendum contre le pouvoir en place dont le rejet profite avant tout au national populisme du parti attrape-tout, celui qui ne dit plus rien et se contente d’engranger frustrations, angoisses et mécontentement. Ce que l’on retient d’un débat Attal-Bardella, ce n’est plus l’incompétence persistante du RN, mais le rictus méprisant du sachant.

L’Europe entre repli conservateur et tentation populiste

Si ce vote sanction pouvait être relativisé par le caractère global des tendances européennes, ce n’est pas le choix qu’a fait Emmanuel Macron. Son second quinquennat, si mal embarqué dès juin 2022 en l’absence de majorité absolue au Palais Bourbon, il le remet en jeu dans un geste gaullien qui pourrait se transformer dans trois semaines, en débâcle chiraquienne ou en rebond mitterrandien.

Mettre la droite face à ses responsabilités et renvoyer la Gauche à ses divisions
Sans doute exaspéré par des résultats incontestablement mauvais, vexé personnellement du manque d’impact de son implication personnelle, en réalité contre-productive, dans la campagne, Macron agit-il en enfant gâté de la politique qui jette son jouet de dépit, ou, pire, parie-t-il avec cynisme sur les divisions de la gauche, la faiblesse de la droite et l’incompétence du RN ? Si l’idée est de donner les clefs à Bardella et Le Pen, les nouveaux Bouvard et Pécuchet du scientisme raciste, pour prouver leur nullité et sauver 2027, la diagonale du fou des communicants de l’Élysée serait irresponsable. Meloni, après tant d’autres, montre que l’on sous-estime toujours à ses propres dépens le danger populiste. Si Macron est « seul à ne pas avoir d’échéance personnelle », le candidat qui promettait de faire baisser le FN en 2017 a manifestement échoué. Or la vieille droite, désormais rabougrie à sa base versaillaise, n’a aucune envie de sauver le soldat Macron. Quant aux gauches, la campagne les a à nouveau fracturés. Comment en recoller les morceaux en si peu de temps et sur des bases clarifiées ? Là aussi, la clarification s’impose, et très vite : l’ancien « candidat à Matignon » est désormais devenu le principal obstacle à l’union, concentrant successivement ses attaques personnelles contre ses partenaires, et même contre les membres de LFI rebelles à son autocratie.

577 nuances de roulettes russes triangulaires

Dans un contexte si incertain, les Législatives s’annoncent à haut risque pour notre démocratie. Très loin du scrutin de liste nationale à un tour, les 577 circonscriptions se joueront au scrutin majoritaire à deux tours entre RN, Macronistes et Gauche, sauf effondrement possible de l’actuelle majorité relative. Rien ne garantit une majorité claire et encore moins une sortie de crise. Si le 7 juillet rien n’est réglé, Macron sera le Cameron français, l’apprenti sorcier et pompier pyromane du « Brexit malgré lui ».

Adepte des commémorations, Emmanuel Macron doit le savoir : c’est aussi un 7 juillet, en 1944, que Georges Mandel, condamné par une dictature appuyée sur l’idéologie antirépublicaine et antisémite, était assassiné par sa Milice. 80 ans après, n’oublions pas les racines pétainistes de la maison Le Pen, cette imposture antisociale et antipatriotique, dirigée par des héritiers qui tournent le dos à toute l’histoire de la France contemporaine. Sauf celle, bien entendu, de l’Occupation et de la Collaboration, dont ils gardent la flamme.

À lire aussi : Européennes : l’extrême droite aux portes du pouvoir

Commentaires

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  1. Dissolution… nouvelle élection … majorité d’extrême droite… démission de Macron qui se représentera ( comme il n’aura pas accompli entièrement son deuxième mandat il pourra se représenter. Le cas s’est déjà présenté pour un président de région et le conseil constitutionnel avait estimé qu’il pouvait le faire)… réélection de Macron au deuxxième tour face à Lepen parce que les socio capitalistes dit “gens de gauche” jusqu’à la droite extrême capitaliste “dite républicaine” feront le boulot.

  2. Analyse pertinente. Et la sale besogne, héritage de longues années d’un jeu de dupes, de français qui élisent depuis trop longtemps par dépit, cette sale besogne donc aux mains de “la bête”, qui déjà à ce jour fait bondir la jeunesse devant Henri IV, et toute cette bien pensance bénéficiaire des privilèges qui s’indigne, et au final toujours le pire, des JO nous verrons bien, jusqu’aux troubles civils et militaires annoncés et prévisibles sinon souhaités par certains, et ce que l’on peut craindre, si tant est que nous serons toujours là pour le déplorer, la vitrification nucléaire, signature d’un anthropocentrisme délirant et dans toute sa gloire. Qu’il est difficile d’être libre! Courage et lucidité à vous tous!

  3. Globalement d’accord avec vous. MAIS, je vous laisse la responsabilité de vos propos quant à la «vieille Droite désormais rabougrie à sa base Versaillaise». Je n’y souscris absolument pas ! Et je ne pense pas que tous les RN aujourd’hui soient comme l’étaient les militants et élus Frontistes canal historique (époque FN Jean-Marie LE PEN, Bruno GOLLNISCH et autres de sinistre mémoire). Heureusement du reste !

    Et vous oubliez la Droite décomplexée avec ses partenaires historiques des Centristes / Le Nouveau Centre dont je suis. Car nous allons encore peser, même peu mais tout de même. On nous a prédit potentiellement moins de 5% aux Européennes, faisant référence à 2019 où la Droite était donnée à 12,5% et a fini quatre points en dessous. Mais cela n’a pas été le cas, notre score ayant été conforme aux sondages, preuve que nous avons sauvé les meubles. François-Xavier BELLAMY a fait une très bonne campagne, il est très bien vu au Parlement Européen par ses collègues Eurodéputés qui saluent en lui un homme droit dans ses bottes, qui est travailleur et a soutenu et défendu les intérêts de la France au sein de l’Union Européennes à travers le Parlement Européen, et qui a voté en fonction de ses convictions sans jamais être girouette ! Et ceux qui l’ont encensé ne sont pas uniquement de notre groupe au Parlement Européen, le groupe PPE (Parti Populaire Européen), mais de différents groupes.
    Il a malheureusement été entravé et gêné par certains au sein même des Républicains, beaucoup le disent, y compris en interne. Sans quoi, il aurait pu finir beaucoup plus haut. Et nous aurions pu avoir plus d’Eurodéputés. Nous en avons en effet perdu 2. Par conséquent Nathalie COLIN-OESTERLÉ [n°8 de la liste] n’est pas réélue, ni Anne SANDER [n°10 de la liste]. C’est plus que regrettable car ce sont deux brillantes Eurodéputées qui ont réellement travaillé, à l’inverse de «Monsieur belles cravates» traduire Jordan BARDELLA, lequel n’a déposé en tout et pour tout que 20 amendements sur la mandature qui vient de s’achever, soit un seul par trimestre !!! Versus 2260 pour Manon AUBRY, dont j’exècre les idées mais dont je reconnais le travail (et je ne suis pas le seul).

    Suite après les Législatives anticipées de l’apprenti sorcier (dixit Guillaume TABARD dans son contrepoint de ce lundi dans Le Figaro) qui joue à la roulette Russe avec cinq balles dans le barillet (dixit David REVAULT-D’ALLONES de la Revue «L’Hémicycle» sur franceinfo: en tv hier soir lundi). Mais je crains le pire avec une Assemblée Nationale tellement diverse au niveau des tendances et des équilibres qu’il sera quasiment impossible de trouver une majorité même en tentant pendant de nombreux mois de trouver un terrain d’entente façon Belgique où ils ont passé plus de 460 jours sans Gouvernement, et toute une Présidence tournante Belge de l’Union Européenne.

  4. Des analystes politiques ou juridiques disaient dimanche que non : pas possible pour le mandat présidentiel d’être prolongé après démission.
    A vérifier.

  5. Bonne analysée titre bien trouvé !!
    Mais en effet je crois que les racines pétainistes ne sont pas exclusives voire seraient plutôt côté Reconquête…sauf qu’avec E. ZEMMOUR à sa tête ça ne colle pas non plus intégralement.

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