Après 6 mois de laborieux marchandages, un accord a pu être enfin trouvé. Le mardi 4 juin 2024 cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux ont signé une nouvelle convention médicale fixant les règles, essentiellement financières, avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), pour la période 2024-2029.
Par Jean-Paul Briand
La loi du 3 février 1971 impose la signature d’une convention médicale, régissant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie. En échange d’engagements sur leurs tarifs, les médecins conventionnés bénéficient d’une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Pour être valable le texte conventionnel doit être signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30% des suffrages exprimés lors des élections professionnelles dans le collège des généralistes et celui des spécialistes. Il fallait donc au minimum l’accord du syndicat MG France pour les généralistes et pour la branche spécialiste celui du syndicat Avenir Spé-Le Bloc.
Des discussions longues et difficiles
De novembre 2022 à février 2023 toute une série de rencontres a eu lieu entre l’équipe du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, Thomas Fatome, et les responsables des six syndicats représentatifs des médecins libéraux. Ces négociations furent un échec. C’est un règlement arbitral imposé qui a permis que les patients soient toujours remboursés. Le second round des pourparlers, débuté en novembre 2023, a enfin abouti à un accord. Cinq syndicats (MG France, Avenir Spé-Le Bloc, CSMF, SML et FMF) ont signé le 4 juin dernier une nouvelle convention médicale pour la période 2024-2029. Même si Thomas Fatôme estime que « c’est une convention qui est riche, positive pour l’accès aux soins, pour la qualité des pratiques », c’est surtout de « gros sous » dont il s’agit.
Favoriser les zones déficitaires en médecins
En cette période de finances nationales dégradées, les médecins libéraux ont obtenu une refonte tarifaire nécessitant une enveloppe de 1,6 milliard d’euros pour la Cnam. Elle devrait atteindre deux milliards avec les apports des mutuelles et assurances complémentaires. Ainsi la consultation du généraliste sera revalorisée à 30 euros dès décembre 2024. La consultation du psychiatre passera à 57 euros. Pour les spécialistes, l’avis ponctuel de consultant (APC) sera tarifé 60 euros. Pour les médecins traitants, le suivi d’un malade chronique de plus de 80 ans sera rémunéré 100 euros annuels et 5 euros pour les patients de 7 à 79 ans.
Théoriquement cette nouvelle convention doit favoriser les pratiques dans les zones en pénurie médicale : dans les déserts médicaux, le forfait des médecins traitants sera majoré de 10 % et les aides à l’installation seront automatiquement de 10 000 euros en zone d’intervention prioritaire (ZIP) et de 5 000 euros en ZAC (zone d’aménagement concerté). Des rémunérations complémentaires (200 euros par demi-journée) sont prévues pour les spécialistes qui feront des consultations en zone sous-dense.
Faire des économies de prescriptions
Selon la Cnam un généraliste entraîne en moyenne 700 000 euros par an de dépenses. Il fut un temps où le numerus clausus et une prime à l’arrachage médical, le MICA, voulaient éradiquer cette contrariété financière. On en subit aujourd’hui les conséquences avec les déserts médicaux. Dans la nouvelle convention, l’assurance maladie avance sur la pointe des pieds pour demander aux médecins de faire quelques économies. Un programme d’action concernant la pertinence des prescriptions est proposé aux bons docteurs : diminution des prescriptions d’antibiotiques, du nombre d’examens de biologie et de radiologie et surtout moins d’arrêts de travail. Il n’y a aucune pénalité si ces objectifs conventionnels d’économie ne sont pas atteints. Le « trou de la Sécu » a donc encore de beaux jours devant lui et la Cour des comptes va continuer à s’indigner…
Chaque généraliste qui cesse son activité laisse près de 1500 patients sans médecin traitant. Même si la Cnam a lâché du lest pour avoir un accord, dans le contexte actuel de pénurie médicale, le choc d’attractivité attendu pour que de futurs médecins s’installent rapidement en zone déficitaire risque de ne pas être atteint avec cette nouvelle convention.
Le système conventionnel actuel a montré ses limites. Ne faudrait-il pas tout remettre à plat et envisager un accord global, révisable chaque année, entre la Cnam et l’ensemble des professions médicales et paramédicales (médecins, sages-femmes, infirmiers, pharmaciens, biologistes, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, orthophonistes, audioprothésistes, podologues, etc.) ? Il paraît que le ministre délégué à la Santé, Fréderic Valletoux, l’envisage…
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