Sur une idée du violoniste Koji Yoda, la Scène nationale a proposé un spectacle de dégustation pâtissière en musique. Pour trouver ou retrouver les accords possibles entre sons et goûts, entre perception auditive et sensation des papilles, musique et gâteaux se sont mêlés pour offrir un merveilleux goûter à une centaine d’invités happy-few !
Par Bernard Cassat
Koji Yoda, premier violon de la Compagnie La Tempête, associée cette année à la Scène nationale d’Orléans, a travaillé toute l’année avec des apprentis pâtissiers. Élèves de BTM pâtisserie de la Chambre de métiers et de l’artisanat Centre-Val de Loire, ils ont écouté trois morceaux de musique proposés par le violoniste, ont décortiqué cette écoute et les sensations provoquées, et ont tenté, en commun, de les transcrire en gâteaux élaborés pour rassembler toutes ces émotions. La semaine dernière, sur le plateau Barrault, ils ont proposé à une centaine de personnes invitées, surtout leur famille, de partager gâteaux et musique dans une réception quasi royale.
Les trois pâtisseries du goûter : La Nuit orientale, L’écrin sucré et le Montcassis. Photo NikoMagnus
La première pâtisserie, nommée Écrin sucré, assemblait une fine pâte croustillante posée sur des groseilles. Dessous, une ganache de chocolat blanc au thym apportait à la fois douceur et léger piquant pour exprimer toute la noblesse de la musique. Cette parure ornait un macaron qui renvoyait à la nostalgie. Couperin en effet avait été perçu par les pâtissiers sous ces deux axes majeurs, noblesse et nostalgie. Le clavecin, joué par Takahisa Aida, donnait toute leur profondeur à ces sons qui fondaient en bouche.
Les musiciens de la Compagnie La Tempête au milieu des goûteurs. Photo NikoMagnus
Deuxième proposition, un Montcassis. Un montage savant de deux fines plaques de chocolat noir serrant un appareil de mousse de marron au rhum, avec dessus et tout autour de l’assiette des pointes de confit de cassis. L’équipe en cuisine traduisait ainsi un adagio de Bach, le marron pour la longueur de son de la viole de gambe jouée par Ondine Lacorne, le cassis pour la légèreté fluide de la flûte de Nicolas Bouils, et la stabilité réconfortante du chocolat pour l’ensemble du morceau, son atmosphère. Un vertige baroque délicieux nappait les papilles. Grande réussite.
Un moment rare de partage artistique. Photo NikoMagnus
Après une verveine forte et tiède pour éclaircir le goût, est arrivée La Nuit orientale. Une boule de sésame, cardamome, miel, datte et fleur d’oranger posée sur un croissant en biscuit au poivre, le tout saupoudré de quelques poussières de cannelle et dominé par une spirale de chocolat nous ont transportés dans un désert au son de morceaux traditionnels de musique andalouse. Apothéose de saveurs qui allaient crescendo, ravissant tout sur leur passage.
Y a-t-il des connexions entre les différentes émotions produites par nos sens ?
Ce merveilleux partage posait vraiment les questions fondamentales sur la manière dont chacun reçoit une œuvre, un morceau de musique ou un plat, les émotions intellectuelles ou les sensations presque physiques. Choisit-on de considérer d’abord l’aigre du son de clavecin ou l’acide de la groseille, la rondeur de la viole de gambe ou le sucré du marron ? Chacun sans doute ferait des accords différents de goûts sur des sons, de sons sur des goûts. Cette initiative de Koji Yoda, magnifique idée et très belle réalisation, explore délicieusement ces questions, propose quelques réponses pratiques et incite les apprentis comme le public à savourer la vie.
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