80 ans du Débarquement : les parachutistes sautaient sur Valençay dès 1941

L’Indre va célébrer le 80ᵉ anniversaire du 6 juin 1944 dans la cour du château de Valençay. L’histoire est passée par Valençay, le 6 mai 1941. Par la faute d’un certain Max Hymans.

La cour d’honneur du château de Valençay où sont conviés tous les maires du département pour une prise d’armes célébrant le 80e anniversaire du débarquement. Photo Fabrice Simoes


Par Pierre Belsoeur


Max Hymans, comme une majorité considérable de parlementaires, a voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940… en espérant qu’il joue double jeu. Mais le député de l’Indre s’est rapidement rendu compte qu’il n’en serait rien et a pris ses distances avec Vichy, cherchant par tous les moyens à entrer en contact avec le général De Gaulle.

Atterrissage à 15 km près

La suite, c’est Daniel Hymans, 87 ans, fils du résistant, qui nous la raconte.

« Parmi les contacts que Max Hymans avait sollicités pour joindre Londres, il y avait un journaliste, André Labarthe, et il se trouve que ce Labarthe travaillait avec les services secrets qui venaient d’être chargés par Churchill d’installer des réseaux de saboteurs sur le territoire français. Max Hymans, ami de Jean Moulin, se trouvait être l’homme de la situation et c’est pourquoi le Special Operations Executive (SOE) parachuta un premier agent ; Georges Bégué, franco-canadien, et sa radio pour établir la liaison entre la France et l’Angleterre. En fait Bégué se posa à Reboursin et passa le reste de la nuit à marcher pour rejoindre Valençay avec son poste émetteur. Il rencontra Max Hymans le 7 et le premier message radio partit le 9 d’une maison de la rue des Pavillons à Châteauroux, planque trouvée par le réseau français. Pour les cinquante ans de ce parachutage, on avait essayé de rééditer l’exploit de Bégué, avec un émetteur à Châteauroux et un récepteur à Londres. Le message codé est revenu avec une question « Was ist das ? » ; il avait été reçu par des radios amateurs allemandes de Francfort ! Par la suite les parachutages s’intensifièrent. Ils ne se faisaient pas à Valençay, mais à Tendu (NDLR près d’Argenton) et le maire de la commune paya de sa vie son sens du devoir, il mourut en déportation ».

Une plaque, sur la maison de la rue des Pavillons où était hébergé Georges Bégué rappelle l’histoire du premier message du SOE. Photo Pierre Belsoeur


Jean-Louis Laubry, historien, professeur à l’université d’Orléans et spécialiste du député de l’Indre confirme : « Le 6 septembre, six agents du SOE sautaient sur le terrain de Tendu. Mais si les Anglais sont aussi attachés à Valençay, c’est que l’Indre avec ses 15 000 maquisards a joué un rôle important dans la préparation du débarquement. Avec les 7 000 résistants du Cher, le Berry comptait autant de combattants que la totalité des autres départements de la région Centre-Val de Loire ».

Rendez-vous raté avec … un sous-marin

Le régime de Vichy voulait évidemment la peau de Max Hymans. Les SOE cherchèrent à exfiltrer leur agent français, envoyant même un sous-marin pour le récupérer sur la côte basque. « Mais Max Hymans a vu trop tard le rendez-vous passé sous la forme d’une petite annonce dans le journal local et il a raté son sous-marin de trois heures ! » Max Hymans ne rejoignit De Gaulle que beaucoup plus tard. Après avoir franchi les Pyrénées, il passe trois mois dans un camp de Franco avant d’être libéré. « Très certainement sur intervention des Anglais », estime Daniel Hymans.

Accueilli sans chaleur par les gaullistes, pour avoir travaillé avec les Anglais, l’ancien député de l’Indre rentrera en grâce et deviendra, après-guerre, président du conseil d’administration d’Air France. « Mon père n’était pas un héros, même s’il est allé au front en 39, alors que son statut de parlementaire le dispensait de prendre les armes, conclut Daniel Hymans, simplement un homme courageux et désintéressé ». C’est le seul moment de notre entretien où Daniel n’a pas dit Max Hymans pour nommer son père résistant.

Portait de Max Hymans dans la clandestinité en 1942. Photo archives FR. Redon

La fidélité de la famille royale

104 agents du SOE ont payé de leur vie le combat aux côtés de la Résistance, même si le rôle joué par les espions anglais n’a pas été reconnu à sa juste mesure. « Ils n’étaient pas sous l’autorité de De Gaulle. Ça, Max Hymans l’a appris plus tard ». C’est bien en raison de ce parachutage du 6 mai 41 que le monument du souvenir des SOE a été édifié à proximité du château de Valençay. Il a été inauguré par la reine mère Elizabeth en 1991 et c’est désormais la princesse Anne qui vient régulièrement participer aux cérémonies. « Elle aurait dû être présente, précise Claude Doucet, maire de Valençay, à cette prise d’armes très particulière à laquelle tous les maires de l’Indre ont été invités à assister, avec leur écharpe. Un problème de calendrier, lié à la maladie de son frère, le roi, l’en a empêché, elle devrait être parmi nous en 2025 ».

Les SOE et le réseau Buckmaster

En 1940 Churchill et le Cabinet britannique au SOE décidèrent de créer l’instrument et les méthodes qui présideraient à l’organisation de la résistance dans les pays occupés. La section F du SOE, dirigée par le major, puis colonel, Buckmaster à partir de la fin de l’été 1941, envoya en France, de 1940 au débarquement en 1944, 95 missions qui furent l’origine des réseaux Buckmaster et qui se spécialisèrent dans les sabotages, attaques, etc.

De leur côté, les Forces Françaises Libres, qui avaient dès l’été 1940, créé un « service action » l’associèrent, en octobre 1942, à leur « service renseignements » au sein du B.C.R.A.M. (Bureau Centrale de Renseignements de l’Action Militaire), qui deviendra bientôt le BCRA, et sera à l’origine d’un nombre important de réseaux de renseignement et d’action.

La Section F du SOE et le « service action » du B.C.R.A. travaillèrent toujours en étroite et fraternelle collaboration, tout en maintenant le cloisonnement indispensable, pour des raisons de sécurité, entre leurs différents réseaux. Les deux organismes bénéficièrent des mêmes et faibles moyens matériels, mis à leur disposition par le SOE qui ne disposait lui-même, en décembre 1940, et pour toute l’Europe, que de 3 avions bimoteurs de faible capacité et de 3 vedettes rapides. (Source Fédération Nationale Libre Résistance)


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Commentaires

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  1. En voilà un bel article ! Comme on aime avec MagCentre. Beau témoignage et qui nous rappelle une histoire sombre mais avec des personnes éclairées.

  2. Effectivement super article qui mérite d’être connu et largement reconnu.

  3. très intéressant et triste de découvrir les petites mesquineries de certains résistants Français de Londres qui devaient pourtant tout aux Anglas et en venaient à oublier l’objectif commun final au nom de leur petit ego

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