Le bulletin municipal d’Orléans se transforme-t-il en tract politique ? C’est la crainte de l’opposition de gauche après un dossier consacré à l’arrivée « massive » de migrants. Le maire veut-il être « lanceur d’alerte » ou plus simplement politicien avec des arrière-pensées électorales ?
Par Jean-Jacques Talpin
Alors que l’extrême droite – RN et Reconquête – est annoncée à 40% aux élections européennes de dimanche, est-il besoin d’en rajouter, de jeter de l’huile sur le feu ou de souffler sur les braises ? Pour Serge Grouard le maire d’Orléans la réponse est incontestablement oui ! Libre à lui naturellement d’avoir des positions dérangeantes, fluctuantes avec le temps au gré des circonstances, notamment sur l’immigration. Mais le dossier et l’interview qu’il vient d’accorder au journal municipal de juin ne pouvait-il attendre juillet voire septembre ? Mais peut-être que Serge Grouard joue délibérément la provocation et l’exercice politicien en vue de couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite qui se prépare elle aussi pour les municipales de 2027.
Migrants = délinquants !
Par nature un journal municipal a pour vocation de vanter les mérites d’une équipe en place tout en laissant une petite fenêtre ouverte sur l’opposition. Cette fois pourtant « Orléans Mag » ouvre grand les vannes aux angoisses – peut-être la paranoïa – du maire sur les transferts de migrants de Paris vers plusieurs villes. Ce « nettoyage social » opéré à l’approche des Jeux Olympiques a déjà été constaté dans plusieurs capitales accueillant ces jeux. Cette fois pourtant l’accueil de « plusieurs centaines de migrants » délogés de Paris pour être transférés en province serait réel à Orléans. Depuis mai, la ville aurait ainsi accueilli « sans que le maire en soit informé » 600 migrants logés dans des hôtels de l’agglomération avant de disparaître dans la nature. « Il est tout à fait choquant, écrit le maire, que l’État fasse peser sur des collectivités locales son incurie à lutter contre une immigration massive et qu’il tente d’en masquer la réalité en procédant à ces transferts réguliers réalisés sur le dos des maires. Pour ma part je m’y oppose ».
Mais surtout accepter des migrants serait favoriser la montée de la délinquance, en particulier liée à la drogue. En mars dernier il assénait : « Je ne laisserai pas s’installer la colline du crack à Orléans ». Une rodomontade qui lui avait valu une petite renommée nationale, sur CNews mais pas que.
La lutte des très pauvres contre les pauvres
Et d’insister dans le dernier journal de la ville : « Cela fait 20 ans que nous nous battons chaque jour pour faire baisser la délinquance, prévenir les comportements problématiques (…) bref construire une ville dans laquelle chacun peut évoluer en toute sécurité ». Mais en vrai populiste et sans doute pour amadouer le bon peuple, Serge Grouard oppose les migrants aux demandeurs de logements sociaux. Ces étrangers (environ 1 200 par an) deviendraient même prioritaires pour bénéficier d’un logement social dans l’agglomération afin de libérer des places dans les hôtels et accueillir ainsi un flux ininterrompu de migrants. « Il va falloir expliquer aux 7 661 personnes qui sont dans l’attente d’un logement social à Orléans, depuis plusieurs années pour certaines d’entre elles qu’elles devront patienter encore car elles ne sont pas prioritaires », écrit le maire. Le refus de loger des migrants devient ainsi un argument populaire et même social pour protéger les Orléanais qui ne peuvent être logés dans le parc social qui représente 28% de tout le parc immobilier, soit nettement au-dessus des 20% imposés par la loi SRU.
La gauche vent debout !
Face à tels propos, la gauche et notamment OSE (Orléans-Solidaire-Écologique) s’étrangle. « C’est la première fois en 23 ans de mandat écrit Jean-Philippe Grand qu’Orléans Mag – que les orléanais.es reçoivent tous dans leurs boites et où ils doivent trouver des nouvelles de leur ville et des projets portés par la municipalité – est transformé en tract politique par la volonté du Maire, et ce en pleine campagne électorale pour les élections européennes ». L’association dénonce donc les « contre-vérités » et les « mensonges » du maire en rappelant que la préfète avait communiqué dernièrement des chiffres officiels : « Au total, 134 personnes ont été prises en charge dans le département du Loiret. 134 en 10 mois dans le Loiret. Pas 600 à Orléans. Voilà la réalité ». « Serge Grouard, poursuit M. Grand s’érige en premier diviseur. Au lieu d’apaiser, d’expliquer, de se conformer à son rôle d’édile républicain, il inquiète, il agite la peur, il renforce la haine, il encourage le rejet de l’autre ». Mais l’élu d’opposition y trouve d’abord une explication : un « calcul politicien » en vue des prochaines municipales.
Transparence ?
Nul n’ignore que Serge Grouard est en campagne active pour un nouveau mandat et multiplie pour cela coupages de rubans, visites, inaugurations comme celle d’une table de ping-pong dans un quartier ce mercredi… En adoptant de telles positions populistes et (extrêmes) droitières, M. Grouard veut-il prendre les devants face à une probable liste du RN dans un peu plus de deux ans. De nombreuses rumeurs évoquent pour le scrutin de 2027 un possible « ticket » Grouard-Rist. Mais on voit mal la députée macroniste valider de tels propos. Alors qu’elle n’a jamais dit un mot sur cet éventuel et surprenant attelage de 2027, il serait peut-être temps qu’elle clarifie sa position !
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