Sortie d’une anthologie sur Jean Zay “Jeunesse et République”

C’est un ouvrage de plus de mille pages, publié le 16 mai 2024 dans la collection Bouquins, sous le titre Jean Zay, Jeunesse de la République. Une anthologie concoctée par les historiens Pascal Ory, Oliver Loubes et Pierre Allorant. Ce dernier nous en dit plus avec 3 questions à…

Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale et des Belles Lettres. DR


Propos recueillis par Sophie Deschamps



À qui s’adresse cette anthologie sur Jean Zay ? À celles et ceux qui le connaissent bien et vont découvrir des textes inédits ? Ou au contraire cet ouvrage est-il une bonne porte d’entrée pour les personnes qui souhaitent le découvrir ?

Il s’adresse à tout le monde ! Surtout depuis son entrée au Panthéon et dans les milieux éducatifs et culturels, Jean Zay est enfin connu et reconnu, en premier lieu pour son chef-d’œuvre Souvenirs et solitude. Mais ce volume permet enfin de mettre à disposition de chaque lecteur la formidable diversité des talents littéraires de celui qui rêvait d’être romancier comme Maurice Genevoix et qui admirait tant son père, journaliste, ou encore Léon Blum, qui tient alors le socialisme français par son talent d’éditorialiste et son charisme d’orateur, jusqu’à son admirable plaidoyer pour la République au procès de Riom. Quant à ceux, nombreux, qui vont avoir la chance de découvrir Jean Zay, les romans, les nouvelles inédites constituent une porte d’entrée idéale pour pénétrer son univers d’avocat et de journaliste. Ici le ministre rejoint l’écrivain dans son attention aux genres les plus populaires, le roman policier comme le cinéma.


Pourquoi ce titre Jeunesse de la République ?

Avec mes amis Olivier Loubes et Pierre Girard, nous avons beaucoup lu Jean Zay dans tous ses genres d’écriture : plaidoirie, discours, chronique, éditorial. Or, les deux mots qui reviennent le plus sous sa plume sont Jeunes et République. Jeune, Jean Zay l’a toujours été : il est député à 27 ans, ministre à 31 ans. Sa carrière est brisée par les geôles de Vichy à 36 ans. La Milice l’assassine le 20 juin 1944, à 40 ans. Cet homme jeune a l’obsession de s’occuper des jeunes. Il est choisi pour cette raison par Blum en 1936 pour l’Éducation nationale et la « Vie culturelle » (Pascal Ory), et en septembre 1939, il partage volontairement leur sort. Il reste fondamentalement le leader du « groupe des jeunes » d’Orléans, fous de littérature et révoltés par la gérontocratie de l’état-major qui a conduit à l’abattoir les jeunes poilus en 14. Et la Troisième République reste dirigée dans l’entre-deux-guerres par une classe dirigeante âgée, figée sur de vieux clivages. Zay, avec ses amis « Jeunes radicaux » (Kayser, Mendès, Cot) entend la refonder en renouvelant ses pratiques et en la ressourçant par la démocratie sociale, en héritier de Jaurès.


“Jean Zay, Jeunesse de la République” présenté à Orléans le 15 mai 2024
par l’historien Pierre Allorant . Photo JL Bouland

Enfin, comment ce livre peut-il nourrir notre réflexion, notamment face l’extrême droite aujourd’hui en France ?

L’époque de Jean Zay n’est pas la nôtre, mais son questionnement sur le ressourcement d’une République menacée et en crise peut nous servir et réarmer notre espérance. Combattre la menace « fasciste » interne et extérieure, cela passe pour lui par un volontarisme réformateur, l’accès de tous à l’école, à la culture et à la beauté, la fin des privilèges dans l’octroi des plus hautes fonctions administratives (créer l’ENA pour mettre fin aux recommandations et au népotisme), la diplomatie culturelle et le « soft power » du cinéma (Cannes), de la musique, des lettres, de la recherche scientifique (CNRS). Et une extrême lucidité face au double discours des dictatures et de leurs complices, y compris dans des médias soumis à d’autres intérêts que le service de la vérité au grand public. Des priorités et des exigences qui n’ont pas pris une ride.

Pierre Allorant et Olivier Loubes présenteront et dédicaceront cet opus le samedi 1er juin 2024 dès 17h à la Librairie Les Temps Modernes d’Orléans.

Pour aller plus loin sur Magcentre : Malgré… ou à cause du Panthéon, le cœur de Jean Zay bat toujours à Orléans

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