17 ans de réclusion pour l’ex-prêtre Olivier de Scitivaux

L’ex-prêtre Olivier de Scitivaux, 64 ans, a donc été condamné ce samedi 25 mai 2024 en début d’après-midi à 17 années de réclusion criminelle par la cour d’assises d’Orléans. Il va faire appel de la durée de sa peine.

Salle des assises Tribunal d'Orléans
La salle des assises d’Orléans où s’est tenu durant 5 jours le procès de l’ex-prêtre Olivier de Scitivaux. Photo SD


Par Sophie Deschamps

Le verdict est donc tombé pour Olivier de Scitivaux après quatre jours et demi intenses d’audience. Reconnu coupable de tous les faits qui lui sont reprochés, il est ainsi condamné à 17 années de réclusion criminelle et à une peine de sûreté de 10 ans. 

Retour sur les deux derniers jours de ce procès hors normes pour la bonne tenue des débats, les aveux et les regrets de l’accusé, l’attitude digne des victimes et les plaidoiries fortes des parties civiles et de la défense.

 Vendredi 24 mai : l’accusé reconnaît tous ses actes

Cette quatrième journée débute tout d’abord par des témoignages. Notamment celui de Bertrand Deshayes, jeune animateur de 17 ans dans un camp de vacances catho breton en 1983. Au retour de la colo, il alerte, avec d’autres, le vicaire général d’Orléans de l’époque pour dénoncer « le comportement anormal d’un jeune séminariste (Olivier de Scitivaux, NDLR) » mais sans que ce dernier réagisse. « J’ai fait une dépression d’un an à cause de cela. Si l’on nous avait écoutés à l’époque, on aurait pu éviter tout cela », déclare-t-il très ému, à la barre.

En début d’après-midi, l’accusé se lève pour un long interrogatoire. D’emblée, il reconnait tous les faits qui lui sont reprochés : « Je reconnais, parce qu’il faut utiliser les mots, les caresses, attouchements, les fellations et pénétrations digitales et péniennes. »

Puis il tente d’expliquer : « Pour moi, c’est d’abord une homosexualité que je ne peux pas assumer. En me tournant vers les jeunes hommes, les petits garçons, c’est plus facile… Je n’ai pas conscience alors que les dégâts sont graves » ajoutant, « Je pense que j’étais un salopard. J’ai préféré donner la priorité à des choses qui égoïstement me faisaient plaisir. »

Il évoque ensuite le fameux tiroir que les quatre victimes lui ont demandé d’ouvrir le 22 mai en fin d’audience : « Tout ce qu’ils disent est vrai. Même si je ne me souviens pas de tout, dès l’instant où ils le disent, c’est vrai ». À la question de l’une des avocates des parties civiles « Pourquoi avez-vous mis six ans à ouvrir ce tiroir ? » Il répond : « J’avais sur moi une chape, un poids, une carapace dont je n’arrivais pas à me défaire. Mon avocat m’a dit : “Lâchez tout ! Fendez cette carapace !” »

Concernant l’attitude de l’Église à son égard il précise que jusqu’en 2013 où l’actuel évêque d’Orléans lui demande de ne plus être seul avec des mineurs : « On ne m’a jamais demandé explicitement de ne pas approcher les enfants. Il y a eu des mises en garde, mais c’était juste “Fais attention à toi. Sois prudent”. » 

Il assure enfin qu’il n’y a pas d’autres victimes en dehors des quatre présentes au procès et de deux autres pour lesquelles il y a prescription.

Plaidoiries des parties civiles 

Après une suspension de séance bienvenue, les trois plaidoiries des parties civiles s’enchaînent. (Nous ne donnerons ici volontairement ni le prénom et encore moins le nom des victimes)

Maître Edmond-Claude Fréty ouvre le bal en parlant d’anatomie non pas d’une chute mais d’un désastre : « On a dans ce dossier trente ans d’agressions et de viols sur enfants mais aussi l’inaction de responsables d’Église ». Plus loin il assène : « Lorsqu’un prêtre viole un enfant avec tout ce qu’il incarne, il remet en cause la cohésion de la société ». Parlant des victimes il explique : « En tant que juré, vous pouvez remettre la morale dans l’ordre et réparer ce qui a été rompu. »

C’est ensuite à l’avocate de deux des victimes Amélie Bulté de plaider. Citant Camus « Mal nommer les choses c’est ajouter du malheur au monde », elle indique comment durant l’instruction Olivier de Scitivaux a mal nommé les choses concernant ses actes : « Il parle de chatouilles, de chahut, d’actes consentis, nous nous sommes caressés, ce sont des maladresses, des dérapages, je m’amusais avec lui. »

Concernant l’accusé elle rappelle : « L’adulte référent est venu faire une infraction dans leur psyché, d’où la sidération et l’impuissance et in fine la culpabilité ». Puis elle ajoute : « Une énorme montagne à gravir, ce sont les parents et là on est au point zéro. Les enfants leur ont dit : vous ne nous avez pas protégés. Vous n’avez pas vu les signaux. Pour les parents, c’est un effondrement. Comment on fait pour réparer cette famille ? » Enfin, elle conclut : « Encore une fois, il faut poser les mots. C’est le langage qui relie, qui permet la reconstruction. Les faits ne partiront jamais mais on peut éviter la reproduction du trauma et c’est profondément ce que je leur souhaite. »

Enfin la quatrième avocate Clémence Le Marchand s’avance vers la barre. Elle reprend une citation de son client : « Regardez ces mains. Ce sont celles qui ont éjaculé sur mes mains puis qui ont célébré l’Eucharistie ». Elle explique l’emprise du prêtre sur la famille, dont il devient quasiment un membre avant de violer et agresser les trois enfants : « Pour un enfant violé par un membre de la famille, c’est l’infraction continue, c’est indémontrable. Entre deux viols, vous restez une victime car votre prédateur vous a toujours sous la main ». Puis elle prévient : « Vous n’allez pas juger l’Église, colosse aux pieds d’argile, institution défaillante. Ce n’est pas l’Église qui a fourré son sexe dans la bouche de H. L’accusé a peut-être été étouffé par une homosexualité mal assumée. Mais attention aux assimilations infamantes. Rien ne justifie la pédocriminalité ». Enfin s’adressant aux jurés, elle demande : « Je voudrais que vous soyez attentifs aux enfants autour de vous. Car 160 000 enfants sont violentés sexuellement par an en France. J., H., P. et Q. sont les visages de tous ces enfants. »

La journée se termine avec les réquisitions de l’avocat général. Il demande 18 ans de réclusion criminelle assortie d’une peine de sûreté de 9 ans.

Samedi 25 mai : plaidoirie de La Défense et verdict

Maître Damien Brossier a la délicate charge de défendre l’ex-prêtre. Lui aussi salue en préambule « la qualité des débats. Nous avons vécu ici des moments exceptionnels et déjà c’est de la justice. »

Puis durant une heure et demie, il plaide en s’en prenant notamment aux réquisitions de l’avocat général, reprochant à ce dernier de confondre justice et morale : « Si c’est l’émotion et la morale qui rendent la justice, alors nous faisons sauter notre vernis de civilisation. »

Bien sûr, il insiste sur les aveux détaillés des faits par Olivier de Scitivaux. L’ouverture du fameux tiroir qui a permis d’apaiser les victimes. S’adressant à son client, il ajoute : « J’avais peur que vous n’en soyez pas capable. » 

Puis il met en avant son âge, 64 ans : « On ne peut pas condamner à 64 ans comme à 37 ans. C’est une peine d’élimination que vous demandez. Il veut se racheter à ses propres yeux, aux yeux du monde et s’occuper de sa mère (âgée de 86 ans, NDLR) ». Puis il conclut : « Je vous demande de la mesure, de la bienveillance, une peine qui lui permette d’accompagner sa mère et de tenir, à 64 ans. Il devrait avoir une peine entre 12 et 15 car il s’est racheté par sa contrition. »

Les huit jurés qui ont délibéré ensuite durant plus de deux heures ne l’ont visiblement pas entendu de cette oreille. Quelques minutes après l’annonce du verdict, Olivier de Scitivaux quittait lui le palais de justice pour le centre pénitentiaire d’Orléans-Saran. Les victimes sont satisfaites du verdict mais regrettent l’appel qui va de nouveau les conduire au tribunal.

« Je sors différent de ce procès. »

Juste après le procès, l’évêque d’Orléans, Jacques Blaquart, donne une conférence de presse. Face aux micros, il reconnaît les erreurs de l’Église dans sa gestion des affaires de pédocriminalité. Lui-même admet avoir tardé à agir pour Olivier de Scitivaux, même si rappelle-t-il, il a alerté les autorités judiciaires dès 2016. Il indique aussi que ce procès l’a changé : « Je voulais rester seulement le premier jour et dès le premier soir, j’ai décidé d’aller jusqu’au bout parce que je sentais que c’était ma place, notamment pour les victimes et mes collaborateurs. Et maintenant que ce procès est terminé, je me dis : En avant ! On y va. Tout ce que l’on a essayé de mettre en place ces dernières années, c’est ce qu’il faut faire et on va continuer ». Enfin, il indique qu’il ne laissera pas tomber Olivier de Scitivaux, précisant « il reste un homme ».


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Commentaires

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  1. A ma connaissance, le crime le plus grave commis par un prêtre, après-guerre, fut le double meurtre dont se rendit coupable l’abbé Desnoyers, curé d’Uruffe. Le crime fut terriblement sanglant et marqué par l’obscurantisme religieux. Il n’est pas nécessaire d’en rappeler ici les circonstances. Desnoyers fut condamné en 1956 à la réclusion perpétuelle, il était âgé alors de 36 ans et, devenu en 1978 après 22 ans de détention le prisonnier le plus ancien de France, il bénéficia d’une mise en liberté conditionnelle, à l’âge de 58 ans ; il se retira dans une abbaye et par la suite, on perdit sa trace.
    Les faits de pédocriminalité reconnus par Olivier de Scitivaux sont très graves, le traumatisme des victimes et de leur famille est, à bien des égards, irréparable, pour autant, compte tenu de l’âge du prévenu, le quantum de la peine infligée par la Cour d’assises d’Orléans représente l’équivalent d’une condamnation à la mort lente dans un enfermement qui tangente la perpétuité. Je ne suis pas sûr qu’on n’ait pas effectivement, opéré, pour reprendre les propos de l’avocat de la défense, une confusion entre l’émotion, la morale et le droit, parce que la justice doit condamner, réparer, mais demeurer humaine, c’est-à-dire admettre que ce criminel est, envers et contre tout, aussi un des nôtres.

  2. Olivier de Scitivaux a dit au début du procès que l’important, c’était la reconstruction des victimes et que ce qui arrivera à lui n’a pas importance.
    Dès lors comment peut-il faire appel ?
    Dix années de sûreté c’est certes beaucoup, mais sa rédemption, elle peut se faire en prison et pas “auprès de sa ,(vielle) mère” qui a d’autres enfants pour prendre soin d’elle.

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