Déjà trois jours de procès pour l’ex-prêtre loirétain Olivier de Scitivaux

Retour sur les trois premiers jours du procès de l’ex-prêtre Olivier de Scitivaux, 64 ans. Ce dernier comparaît devant les assises d’Orléans depuis le 21 mai 2024 pour crimes et violences sexuelles sur quatre mineurs dans les années 90 et 2000.

Le procès de l’ex-prêtre Olivier de Scitivaux en assises se déroule depuis le 21 mai 2024 au sein du tribunal de grande instance d’Orléans. Photo Magcentre


Par Sophie Deschamps

Ce procès, maintes fois repoussé s’est donc ouvert mardi matin à 9h dans la salle des assises à Orléans. En avril 2018, l’annonce de la mise en examen de l’ancien recteur de la basilique de Cléry-Saint-André (réduit à l’état laïc depuis 2021) pour viols et attouchements sur quatre mineurs entre 1990 et 2002 avait fait grand bruit à Orléans. Six ans plus tard, c’est un homme voûté et la mine sombre qui prend place dans le box des accusés.  

Premier jour d’audience : mardi 21 mai 2024

Olivier de Scitivaux de Greische (c’est son nom complet) a évidemment perdu de sa prestance. Il baisse la tête quand le président décrit en détail les attouchements puis les agressions sexuelles graves infligées à ses victimes. Quatre enfants aujourd’hui adultes, dont trois frères, tous présents au premier rang dans la salle.  

Les sévices sexuels se sont déroulés dans plusieurs lieux : à Orléans au presbytère de l’église Saint-Paterne et à l’aumônerie Sichem. À Perros-Guirec, en Bretagne dans la colonie de vacances du Quinquis dont il était le directeur dans les années 90. Mais aussi à son domicile ou chez ses parents, voire même au domicile des parents de ses victimes.  

À 11h05, à l’invitation du président, Olivier de Scitivaux déclare à la barre : « Je m’abandonne à ce que vous prendrez comme décision. Ce n’est pas grave ce qui va m’arriver. Le plus difficile pour moi c’est de savoir ce qui va arriver aux victimes (ils les nomment par leur prénom, que nous ne donnerons pas). J’espère que ce procès va leur permettre de redémarrer dans la vie ».

Le président explique ensuite que l’expertise psychiatrique de l’ex-prêtre ne révèle aucune pathologie psychiatrique ou mentale. Il est donc totalement responsable de ses actes. Elle révèle toutefois une orientation sexuelle (homosexualité) mal assumée. Le président précise aussitôt qu’« il n’est en aucun cas question de faire un amalgame entre homosexualité et pédocriminalité ».

Trois gendarmes témoignent ensuite à la barre ou en visioconférence comme l’adjudant-chef Franck Nicol qui a mené les investigations en 2018 auprès des victimes et entendu Olivier de Scitivaux : « Au début, il a reconnu les attouchements mais pas les viols. Il admet être homosexuel et avoir une attirance pour les enfants ».

Des évêques bousculés par le tribunal 

L’après-midi est consacrée à l’audition de trois évêques puisqu’un premier courrier, envoyé par le père de l’une des victimes est arrivé à l’évêché d’Orléans en … 1997. 

C’est l’actuel évêque d’Orléans, Jacques Blaquart qui passe le premier à la barre. Poussé dans ses retranchements par le tribunal et les avocat.es des parties civiles, il reconnaît avoir tardé à faire un signalement au procureur de la République. Il finit par déclarer : « En 2013, j’envoie Olivier de Scitivaux à Cléry avec interdiction d’être seul avec des enfants. C’était une naïveté de ma part, peut-être une sidération car pour moi un prêtre pédocriminel, c’est inconcevable. Je le vis comme une trahison. Aujourd’hui j’irais beaucoup plus loin. » Il s’est par ailleurs engagé à être présent chaque jour au procès et il s’y tient. 

Les autres évêques convoqués à la barre déclareront eux ne se souvenir de rien. Pas plus Nicolas Souchu, aujourd’hui évêque de Dax et à l’époque vicaire général du diocèse. En 1998, il convoque les parents de l’une des victimes. Leur fils habite chez Olivier de Scitivaux dans le cadre de ses études. À l’époque, le vicaire général leur demande de le faire partir « par précaution et parce qu’il était mineur ». Mais à la barre, il prétendra ne pas s’en rappeler.

Mercredi 22 mai : le témoignage des victimes 

C’est bien sûr le temps fort de ce procès avec des hommes aujourd’hui adultes qui viennent raconter leur calvaire à la barre avec dignité, pudeur et colère. Par moments, ils pleurent bien sûr en évoquant les caresses qui dérapent sur le sexe, les fellations forcées, les embrassades, les pénétrations digitales douloureuses, avec un cierge pour l’un d’entre eux et le rasage des poils pubiens. Des agressions exercées la nuit dans la solitude d’une chambre mais aussi dans un dortoir où il vient réveiller un enfant dans la colo du Quinquis en Bretagne. Ils racontent chacun à sa manière comment ils sont devenus sa chose, une poupée, un pantin…

Olivier de Scitivaux, lui, choisit soigneusement ses proies. Ainsi, il s’intègre dans une famille récemment arrivée dans le Loiret. Il séduit les parents qui vont lui accorder une confiance totale et lui confier leurs trois fils les yeux fermés. Chacun croira d’ailleurs être la seule victime et découvrira avec douleur en 2018 que ses autres frères ont été aussi agressés et violés. 

Les parents eux n’ont rien vu et n’apprendront la terrible nouvelle qu’en 2019 par la bouche de l’un de leur fils. Cette famille qui a explosé commence lentement aujourd’hui à se reconstruire. Les trois frères ont pris un appartement commun pour le procès et n’ont pas tourné le dos à leurs parents. 

Chacune de ces victimes s’est protégée comme elle a pu : fuite du milieu familial où sévit le prêtre, départ à l’autre bout du monde à l’âge adulte, dissociation pendant les actes… Tous sont victimes de symptômes post-traumatiques qui empoisonnent aujourd’hui leur vie familiale, amoureuse, sexuelle, professionnelle. Mais ils essaient de s’en sortir avec un courage qui force le respect malgré l’emprise encore présente chez certains. Ils ont aussi tous les quatre perdu la foi alors que deux d’entre eux ont envisagé un moment de devenir prêtre. Ils en veulent à l’Église « qui a laissé faire alors qu’elle savait. » L’un d’entre eux se fait aussi le porte-parole des autres pour demander à Olivier de Scitivaux « d’ouvrir le tiroir qui contient leur histoire mais dont lui seul a la clé. » Message reçu puisque l’ex-prêtre promet de le faire en fin de journée. 

Jeudi 23 mai 2024 : experts, témoins, mère de l’accusée

Ce jeudi, les experts ont défilé à la barre pour expliquer notamment comment les symptômes post-traumatiques se manifestent dans la vie de tous les jours des victimes et comment ces quatre hommes sont impactés à des degrés divers et selon leur personnalité.

Le témoignage fort a été bien sûr celui de la mère de l’accusé, Marie-Christine de Scitivaux, 82 ans. Cette dernière a déclaré qu’elle n’arrive pas à croire que « son fils ait pu violer des enfants » alors même qu’il le reconnaît aujourd’hui.
Elle a aussi indiqué qu’un prêtre sollicitait beaucoup son fils quand il était adolescent : « Le père Cordier nous cassait un peu les pieds. Je lui téléphonais pour lui passer un savon et lui dire de ficher la paix à mon fils. Il était trop là, il entrait trop dans notre famille. » 

En fin de journée, Olivier de Scitivaux a commencé à expliquer qu’il avait subi une relation non consentie de la part d’un prêtre ajoutant : « J’ouvrirai le tiroir et aujourd’hui vous avez entendu ce que j’ai vécu. Ça n’excuse rien mais ça a influencé ma manière d’être. »

Ce vendredi sera consacré aux plaidoiries des parties civiles et de la défense. En fin de journée, à la demande de tous les avocat.es, le président du tribunal a décidé de prolonger ce procès jusqu’à samedi matin avec un verdict qui ne sera sûrement connu que dans l’après-midi. 

 
 

Commentaires

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  1. Merci Sophie pour ce compte rendu humain et digne, à la hauteur de votre ouvrage “le silence des soutanes”. Une question me préoccupe après avoir vu le film consacré au père Prénat et au cardinal Barbarin, et à la lecture des compte-rendus consacrés à l’audition des victimes. Dans le film, la victime qui semble s’en être le mieux sorti est celle qui a abandonné toute croyance religieuse, et on pressent, à vous lire ici, que l’athéisme s’inscrit assez logiquement dans un parcours thérapeutique et de reconstruction.

  2. Sophie tu as bien raison de rester sobre dans ce genre de crime qui met tout le monde en colère contre les protagonistes qui sont restés bouches closes et bien évidemment contre l’accusé. Il ne s’agit pas de faire d’amalgame entre homosexualité et pédophilie ! Mais on peut faire ici addition : prêtre, homosexuel, pédophile. Ou ailleurs : prêtre, hétérosexuel, pédophile. Pour une fois les femmes ne sont pas les victimes directes mais tout de même indirectes. De plus la prison pour l’accusé ne réparera pas le mal sur les victimes.

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