Dernier spectacle de la saison au CDN d’Orléans, « La Septième » présenté durant deux soirées salle Vitez, mis en scène par Marie-Christine Soma et créé à la Maison de la Culture de Bobigny (MC93), pour un seul en scène de Pierre-François Garel d’un peu plus de deux heures. Sacrée performance théâtrale !
Par Bernard Thinat
Le spectacle est adapté du roman de Tristan Garcia, Prix du Livre Inter en 2016, « 7 » comme les sept récits indépendants qui composent l’ouvrage – mélangeant militantisme politique, fantastique ou encore religion – mais dont on découvre au fil de la lecture qu’ils sont étroitement et subtilement liés. « La Septième » est précisément l’adaptation théâtrale de la 7ᵉ histoire du roman.
Tel Sisyphe poussant son rocher vers la cime de la montagne, et recommençant perpétuellement, le rocher s’évertuant à redescendre, tel est le destin du narrateur qui nous raconte sa vie, ou plutôt ses 7 vies.
Il naît en France, au milieu de la nature, des fleurs, des arbres, des oiseaux. Et c’est justement un oiseau blessé qu’il soigne qui sera son premier souvenir, oiseau déchiqueté par le chien de la famille, ce qui provoque chez lui une hémorragie grave. Passage dans un hôpital parisien où il découvre en chemin les tours de la capitale, et surtout Fran (on prononce Frane), un interne, qui lui explique qu’il est victime d’une erreur génétique, laquelle lui permet de ressusciter après sa mort. Il ressuscitera 6 fois, contre une seule à qui vous savez ! À chaque recommencement, il repart à zéro avec le petit oiseau, le chien, et ses souvenirs, toutes ses connaissances, son savoir… Il deviendra même prix Nobel de médecine !
Pierre-François Garel – Photo Christophe Raynaud de Lage
Fran l’interne sera toujours présent, mais l’amour se présentera à lui en la personne d’Hardy, jeune femme avec laquelle il fondera une famille : des enfants, un foyer… Cela 6 fois tel un éternel recommencement, mais avec de multiples variantes : des manifestations d’étudiants, une guerre civile, le fascisme… La 7ᵉ fois, il comprend que c’est la dernière, Hardy ne le reconnaît plus… et si c’était la vraie et seule vie, celle où il ne rêve plus ?
Une vidéo sur grand écran nous montre le narrateur enfant devant Fran à l’hôpital, ainsi qu’Hardy ou lui-même parfois. Moments filmés qui permettent la respiration, de marquer des pauses dans le long récit de Tristan Garcia. Mais une excellente direction d’acteur de la part de Marie-Christine Soma, qui entretient l’écoute du public, une attention qui ne semble pas faiblir, d’autant qu’un téléviseur égrène les 7 vies du narrateur.
Durant la 5ᵉ vie – Photo Christophe Raynaud de Lage
On permettra au chroniqueur théâtral d’imaginer quelque allégorie de ce texte, celle des forces du changement social pour plus de fraternité, de liberté, d’égalité, et quand on pense pouvoir y parvenir, on constate que tout est à recommencer. Ou la vie d’un enseignant qui chaque année en septembre, recommence ses cours devant de nouvelles têtes qui lui permettront quelques variantes. Ou celui de l’artiste qui sur scène, chaque soir, reprend invariablement son spectacle. Le roman de Tristan Garcia permet au lecteur ou au spectateur de tout imaginer, c’est la force de l’écriture portée au théâtre !
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