« La Fleur de Buriti » : les Krahô racontent leur histoire et leurs luttes

La Fleur de Buriti est un chant rituel chez les Krahô, une tribu brésilienne de la forêt amazonienne. Un couple de réalisateurs s’est installé chez eux et a filmé les narrations de leur histoire récente. Entre fiction, travail ethnographique et documentaire, ce film décrit la vie de ces autochtones brésiliens attaqués de toutes parts par le monde extérieur et qui tentent de sauver leur culture. Essentiel et magnifique travail d’images !

Une réunion du village. Photo Laro Filmes Entre Filmes



Par Bernard Cassat


Le cinéma a fait de Renée Nader Messora, réalisatrice brésilienne, et João Salaviza, réalisateur portugais, un couple dans la vie mais aussi de travail. Elle connait bien les Indiens Krahô et emmène son compagnon dans cette région pour un premier travail en 2015. Ils sortent cette année leur deuxième film, La Fleur de Buriti, sur les mêmes Indiens Krahô.

Totalement originaux dans leur démarche, ces deux blancs vont beaucoup plus loin que les films ethnographiques que l’on peut connaître. Avec un tournage très long, plus d’un an et demi, ils mélangent le présent et le passé, le réel et le scénarisé pour atteindre le cœur de la longue lutte de cette famille/tribu contre les envahisseurs destructeurs et pour conserver leurs croyances, rites et coutumes. Leur existence, donc.

Les enfants en liberté. Photo Laro Filmes Entre Filmes


Il y a la période actuelle, la vie dans les villages, les enfants et la foret. Des personnages se détachent du groupe, Iotat, une fillette d’une dizaine d’années, sa mère Patpro, l’oncle de celle-ci, Hyjno, et sa femme enceinte. Avec autour d’eux tout le village. Ces figures, ces personnages, vont structurer le récit. Structure fragile, qui demande à nos yeux occidentaux de ne pas trop rationaliser sous peine d’être perdu dans le récit.

Le couple de Hijno discute de son avenir. Photo Laro Filmes Entre Filmes


Car le village entier va raconter son histoire devant la caméra. Raconter et jouer, reconstituer, en mêlant la parole et la fiction cinématographique. Un premier massacre en 1940, où des propriétaires terriens voisins, des « Cupé », comme les Indiens appellent les Blancs, voulant s’approprier ces terres pour les exploiter, ont tué et brûlé tout le village. C’était l’époque de la grand-mère de Patpro, qui, alors enfant, en a réchappé.

Le village entier raconte son histoire récente

Une deuxième période, celle de la dictature militaire dans les années 60, parle de la Funai (Fondation nationale des peuples indigènes). La question était alors d’attribuer les terres aux groupes qui y vivaient. Aucun papier ne justifiait la propriété. De plus, les Cupé venaient voler des animaux, notamment des perroquets, pour les revendre à prix d’or sur des marchés clandestins. Les autochtones avaient donc la nécessité de contrôler eux-mêmes les entrées sorties sur leur territoire.

La troisième période, c’est celle des grandes manifestations des peuples autochtones à Brasilia pendant l’ère Bolsonaro, donc actuelle. Patpro et son oncle viennent manifester dans la capitale. La naissance de son enfant fera revenir Hyjno au village précipitamment, et l’accouchement de sa femme, debout au milieu des autres femmes qui la soutiennent, terminera sur une note formidable cette saga d’un autre monde.

Les parures rituelles. Photo Laro Filmes Entre Filmes


Autour de cette colonne vertébrale narrative, les deux cinéastes nous font approcher au plus près ce monde si loin de nous, autant géographiquement que culturellement. Des enfants se baignant dans la rivière, des visages admirables de jeunes filles que l’image, par la lumière, par le naturel, par la proximité de ces gens avec la caméra, propulse au rang d’icônes. Et puis l’environnement, cette forêt nid de vie, le ciel constellé qu’elle laisse voir, la nuit. Les points d’eau, les jeux des enfants avec les animaux, tamanoirs ou autres. Le calme, un temps de vie avec lequel nous n’avons plus aucun rapport. La communauté villageoise aussi, en vrai ou dans les reconstitutions, puisque tout est au même niveau dans le film. Les éléments de leur culture qui transparaissent, les fêtes rituelles, les peintures des corps, ces parures absolument incroyables de petites plumes collées sur la peau. Et puis la présence des morts, les esprits, les fantômes, que la caméra saisit par un montage très réussi de dédoublement d’image.

Le bébé est né ! Photo Laro Filmes Entre Filmes


Entre les deux images de maracas qui commencent et terminent le film, toute cette histoire d’une population est bien plus qu’une découverte pour nous, occidentaux. C’est aussi un dialogue extrêmement fort qui nous oblige à nous rendre compte que nous nous éloignons toujours plus de cette vie originelle en accord avec la nature. Quand nous nous enferrons dans une tentative de récupération, eux se battent pour conserver. Terriblement émouvant.

 

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