Claudine Galea, auréolée de nombreux prix littéraires, a collaboré à la semaine de Texte Avril du théâtre de la Tête noire de Saran. Deux de ses écrits ont été présentés, l’un joué (les filles qu’on attend) l’autre (Fake) texte radiophonique écouté et diffusé sur France culture. Elle a aussi participé à une table ronde sur l’écriture ayant pour thème Réalité ou Fiction. Entretien.
Propos recueillis par Philippe Emy
Vous êtes romancière, dramaturge, avez collaboré avec différents médias. Comment vous vous définissez ?
Je suis écrivaine, j’écris pour les adultes, les enfants, du théâtre, des romans, des albums illustrés pour les petits, et pour la radio. Mes textes sont publiés. J’ai commencé à écrire à l’âge de 16 ans. Après des études littéraires, j’ai été journaliste puis comédienne et assistante de metteur en scène où j’ai beaucoup appris sur les textes de théâtre.
Votre écriture n’est pas ce que l’on a l’habitude d’entendre et de voir ?
Je dis que j’écris de la littérature pour la scène et non des pièces de théâtre. Car l’écriture a énormément évolué, le format traditionnel a volé en éclats. La langue se métisse, c’est une richesse. Mais le danger, c’est la langue SMS !
J’écris des partitions pour créer une langue qui ne soit pas une réplique que l’on a dans la vie réelle et pouvoir mettre en évidence des émotions, des sensations pour faire apparaître « la substantifique moelle ». Le théâtre est le dernier endroit où l’on peut partager une parole donnée par une voix vivante ensemble. On cherche une nouvelle manière de s’adresser aux autres. J’entends ce que j’écris. La poésie nous inspire beaucoup dans une nouvelle façon d’écrire. Bien sûr le rôle du comédien est essentiel mais le théâtre se lit aussi. J’écris parfois pour des commandes, l’une d’elle, un travail autour de l’Odyssée d’Homère, est jouée actuellement à la Comédie-Française.
« A-t-on encore la tête à se divertir dans un monde de grande violence ? »
Vous travaillez aussi avec des danseurs…
J’écris des textes assez courts dont les danseurs s’inspirent pour créer des formes de chorégraphies. Ils ont posé sur leurs articulations des capteurs d’images, pour saisir de manière très fine les mouvements. Ces images sont ensuite numérisées. Des ingénieurs les transposent dans des univers en 3D un peu fantastiques, les transforment, inventent des navigations avec des personnages comme des clones extrêmement élaborés. Le tout est projeté sur des écrans de différentes tailles lors d’expositions.
Comment voyez-vous l’avenir pour la scène ?
Le monde change. Il faut faire entendre les dégradations de notre environnement naturel. L’art est fait pour travailler sur les contradictions. Mais a-t-on encore la tête à se divertir dans un monde de grande violence ?
Tout va dépendre de comment politiquement on va considérer les artistes. La réduction des moyens attribués à la culture, notamment aux spectacles vivants, n’offre plus les moyens d’avoir plusieurs acteurs sur le plateau. Il y a aussi le problème du prix des places donc moins de création, moins de commandes aux autrices et auteurs. Si le théâtre public n’a plus les moyens de fonctionner, on aura tendance à privilégier le théâtre de divertissement.
Les dernières mesures prises pour les grands théâtres nationaux, comme la Comédie-Française – 5 millions d’euros en moins par an – ça veut dire que si on s’attaque à la symbolique, il n’y a plus rien d’impossible.
Cela fait un long moment maintenant que vous connaissez Patrice Douchet, directeur du théâtre de la Tête noire…
Oui, j’ai rencontré Patrice il y a plus de 20 ans. Nous avons des affinités littéraires réelles, il fait un travail de découvertes, il aime la littérature. Son théâtre, labellisé scène conventionnée d’intérêt national art et création, est une niche et un abri rare pour les écritures contemporaines.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Revoilà Text’Avril, 18ᵉ édition, à la Tête Noire de Saran