La compagnie théâtrale la Tête Noire, sous la direction de Patrice Douchet, organisait la « Nuit Duras » ce samedi 13 avril sur le site Dupanloup à Orléans. Près de 70 personnes ont rallié l’atmosphère durassienne pour une nuit de charme, de plaisir et de rencontre partagée.
Par Anne-Cécile Chapuis
Marguerite Duras (1914-1996) est bien plus qu’une écrivaine ou cinéaste. C’est un univers, un concept, un monstre sacré, une aura faite de mots, de sentiments, d’impressions fugitives ou fugaces qui laissent empreinte à jamais. Bien après sa disparition en 1996, elle continue d’animer les passions les plus diverses, entre détracteurs et inconditionnels. Ces derniers ont répondu présent à l’invitation du théâtre de la Tête Noire pour un événement à la hauteur de l’artiste.
Un parcours guidé et animé
L’organisation est sans faille et les lieux se prêtent à merveille à l’événement. Un accueil collectif donne à Patrice Douchet l’occasion d’une ouverture-évocation à la fois personnelle et référencée de l’héroïne du soir. Comment l’appeler ? Comment définir celle dont l’écriture « m’a transpercé comme une flèche » à travers cette « cathédrale de mots » qui entoure une écrivaine qu’on ne sait qualifier tant ses œuvres sont du côté du ressenti et de l’intime ?
Le mieux est de lui laisser la parole. Et par petits groupes d’une douzaine de personnes, nous voilà partis à déambuler dans les espaces les plus secrets de l’ancienne bibliothèque Dupanloup, un lieu chargé d’histoire.
Notre groupe a en premier lieu rendez-vous avec Marguerite Duras en personne, dans un entretien interprété par Chloé Hervieux. Saisissant ! Le personnage est là, avec sa voix, sa posture, ses silences. Le ton est donné.
Chloé Hervieux incarne Marguerite Duras dans une interview plus vraie que nature. Photo ACC
Des moments d’intimité
S’ensuit alors un cheminement dans les lieux et les œuvres de Marguerite. Ça y est, on l’appelle par son prénom, le lien est établi. Le décor est discret mais chaleureux et évocateur : « La maladie de la mort » se passe sur les draps blancs d’un lit défait, « Savannah Bay » endosse les costumes asiatiques, « Agatha » est dans l’atmosphère d’un quai de gare et bien sûr « l’amante anglaise » est dans un jardin où même la lune et les étoiles se mettent de la partie. De beaux éclairages, une musique subtile complètent le cadre qui laisse la parole aux comédiens.
Lecture de “l’homme assis dans le couloir” avec la comédienne Ludmilla Benlarbi. Photo AC Chapuis
Ils sont une trentaine, tous professionnels venus d’Orléans, Paris, Tours, Marseille, Arles, réunis pour l’occasion par Patrice Douchet. Quelques consignes, des propositions, un cadre donné et libre à chacun de s’en saisir. Et la magie opère. On ne voit pas le temps passer, on en redemande.
Quelques moments collectifs viennent ponctuer la nuit. Tout le monde fredonne « India song ». Un quiz évoque les rencontres et anecdotes de la vie de l’écrivaine au milieu des ouvrages qui jonchent le sol de la grande salle. C’est un peu long, l’on a hâte de retrouver l’atmosphère durassienne rendue si vivante par les comédiens. Les mots de Marguerite Duras suffisent à la décrire !
Savannah Bay avec Juliette Malfray (à gauche) et Corinne Bastat. Photo AC Chapuis
Des scansions dans le parcours intérieur
Le repas fait aussi scansion et respiration. Les recettes de Duras, préparées par le groupe « Paroles d’habitants » de Saran, sont appréciées autant que les contacts avec les comédiens qui sont au service et avec qui les échanges sont simples et chaleureux.
Puis, retour à la quintessence de ce que l’on a du mal à appeler « spectacle », après un « procès » où s’opposent les partisans et détracteurs de l’écrivaine. Les propos qui ont défrayé la chronique depuis toujours sont mis en scène dans une « impro » des comédiens de haute facture.
Saluons cette belle expérience où Patrice Douchet, après avoir fait de nombreuses mises en scène de Marguerite Duras, avoir réalisé des conférences, organisé des stages… sait lui redonner vie à travers un parcours dans le droit fil de son ineffable univers. Il nous livre par ailleurs un projet de livre avec lettres et chansons qui devrait voir le jour l’an prochain.
Pas de conclusion possible à cette ouverture sur un monde de musique intérieure qui trouble ou insupporte, selon les cas, mais ne laisse personne indifférent. C’est sans doute, comme l’expriment les comédiens du « pour » parce que Marguerite Duras nous renvoie à nous-mêmes, dans l’intimité des passions, dans l’audace de l’érotisme, et dans l’espace des mots tout simplement, ces mots qui fondent l’humain.
Pour en savoir plus :
« La nuit Duras » s’inscrit dans la 18ᵉ édition du festival Text’Avril, du 13 au 20 avril, théâtre de la Tête Noire de Saran
contact@theatre-tete-noire.com
Pour aller plus loin :
Revoilà Text’Avril, 18ᵉ édition, à la Tête Noire de Saran
Plongée au cœur du théâtre de la Tête Noire à Saran # 1
Plongée au cœur du théâtre de la Tête Noire à Saran # 2