Chaque jour menacé dans les écoles et les lycées, ce grand principe républicain reste parfois étranger à la jeunesse. Un débat avec l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer a permis de nouer le contact avec les étudiants et de faire passer le message de ce « vivre-ensemble ».
Par Jean-Jacques Talpin
Chaque jour les actualités montrent que les atteintes à la laïcité connaissent une progression exponentielle. A l’exception des « boomers » accrochés fermement à la loi de 1905 (qui ne citait pas une seule fois le terme de laïcité) les jeunes se montrent plutôt « tolérants » envers ce principe républicain. Une enquête réalisée fin 2023 montrait d’ailleurs qu’un peu plus de deux tiers des jeunes Français pensent que la laïcité doit évoluer en France y compris sur la question des signes religieux ostensibles dont ils sont près de 50% à estimer qu’ils ne sont pas un obstacle : 43 % sont favorables pour le port de voiles, de croix ou de kippas en entreprise, 44 % dans les services publics et 43% dans les lycées publics. Il y a donc urgence à mobiliser.
C’est pourquoi l’association étudiante orléanaise Orléoquence a organisé ce jeudi 28 mars un débat sur la laïcité à destination notamment des étudiants. La tribune était naturellement occupée par trois défenseurs de ce principe : Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale, président du Laboratoire de la République (et candidat malheureux aux législatives à Montargis), Gilles Kounowski, président du Laboratoire Loiret de la laïcité et Didier Chavrier, référent laïcité à l’université d’Orléans.
Les menaces de l’islamisme
Chacun s’est d’abord attelé à définir le terme considéré souvent comme « désuet, bizarre voire ringard » selon l’ancien ministre. Car si la laïcité est d’abord l’exigence de la neutralité de l’État par rapport aux cultes, elle est d’abord une loi de liberté, celle de croire ou de ne pas croire. Gilles Kounowski le rappelle, « la laïcité à la française n’interdit pas l’adhésion à un culte, c’est une idée fausse et parfois incompréhensible ».
Cette méconnaissance n’empêche pas une inquiétude puisque 79 % des Français pensent que les principes de la laïcité sont en danger. C’est pourquoi Jean-Michel Blanquer appelle à « réagir et à se défendre, car les ennemis de la laïcité sont organisés, avec une vision de long terme alors que nous, démocrates et républicains, sommes divisés, court-termistes ». Et de citer l’ennemi principal (ce que ne feront pas les deux autres intervenants) : l’islamisme notamment porté par les Frères Musulmans. Pour autant rien n’est perdu. Pour les intervenants, « la défense de la laïcité n’est pas mission impossible, il faut s’appuyer sur la loi de 2004 (interdiction de porter des signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires), être clairs, pragmatiques, courageux et actifs, c’est-à-dire tout ce qui manque aujourd’hui ».
Le voile compatible avec l’université
Jean-Michel Blanquer appelle à « ne pas être sur la défensive, de poser les règles et les faire vivre, sans se laisser intimider ». Si la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est un « fondamental » qu’on ne peut bousculer, la « pédagogie de la laïcité » peut cependant évoluer, sans pour autant en revoir les bases. Jean-Michel Blanquer n’est ainsi pas favorable à « sur-ajouter de nouvelles règles ou des contraintes comme l’interdiction des signes religieux dans les universités où les étudiants sont majeurs ». Un message d’apaisement à destination de tous ceux qui considèrent ce bien commun qu’est la laïcité comme une arme de guerre contre les religions.
Plus d’infos autrement sur Magcentre: Les thèses de l’extrême droite enseignées à l’université du Temps Libre d’Orléans ?