Ancien journaliste sportif à la République du Centre puis professeur d’économie et de droit au lycée Jean-Zay d’Orléans et enfin chercheur au CACS (Centre d’analyse critique du sport), l’Orléanais pose un regard critique sur le sport. Il vient de tenir une conférence dans son ancien lycée invité par l’association Philomania.
Propos recueillis par Jean-Jacques Talpin
Vous considérez que le sport est une imposture. Pourquoi ?
M. Caillat : Le sport promeut des valeurs qui ne sont jamais tenues : de beauté, de fraternité, de pureté, de loyauté, d’apolitisme… Des « valeurs du sport » qui seraient toujours positives. C’est une imposture car le sport, du moins de compétition, véhicule la violence, le racisme, le dopage, l’antiféminisme. C’est devenu une idéologie avec la caution de l’idéal olympique et sportif qui n’est finalement qu’une imposture absolue, un paravent qui consiste à cacher des desseins peu moraux, voire immoraux, sous le couvert d’une éthique universelle.
Faire son jogging tous les matins est pourtant anodin ?
Le sport, ce n’est pas la simple activité physique ou footing tranquille dans les bois ou en bord de Loire, la partie de pétanque au terme d’un bon repas…. Le sport est l’institution de la compétition physique organisée, mue par le principe dominant du rendement. Ce sport-là, celui que nous connaissons et consommons aujourd’hui, avec son calendrier, son « establishment », sa structure pyramidale, ses règles et ses principes, n’est pas vieux comme le monde. Ce sport-là est né et s’est développé avec le capitalisme industriel, comme ordre et horizon social et économique « indépassable » de notre modernité. Pas étonnant alors que le rendement et la performance, la prime aux « meilleurs » et la relégation des plus « faibles », le culte des grands hommes (plutôt que des femmes …), la rivalité à tout prix soient ses traits caractéristiques.
Les assises du journalisme qui viennent de se tenir à Tours étaient consacrées au journalisme sportif. Faut-il mettre en cause les journalistes ?
Bien sûr. Il n’y a chez les journalistes sportifs aucune critique de l’institution sportive, c’est le règne de la connivence totale, du tutoiement obligatoire. Aucun ne dénonce la domination de l’argent, les 6 millions de salaire mensuel brut de MBappé (estimation selon l’Equipe). Même l’extrême gauche insoumise si prompte à dénoncer les salaires « insupportables » des grands patrons se tait devant les millions déversés au pied des joueurs de foot. Les intellectuels sont aussi absents. Si l’on excepte Philippe Muray ou Georges Perec, rares sont ceux qui dénoncent l’idéologie sportive et ses dérives. La critique est impossible car, nous explique-t-on, le sport est populaire.
« Halte aux Jeux ! »
Les femmes en sont aussi victimes ?
Le sport est par nature antiféministe. Sous prétexte de musculature moins développée que les hommes, elles sont dévalorisées voire méprisées. Qui connaît le nom des meilleures joueuses de foot ou des cyclistes dont les salaires sont souvent inférieurs de 100 fois à celui des vedettes masculines ?
Au sommet de la pyramide il y a les Jeux olympiques ?
C’est vrai avec sa devise « plus vite, plus haut, plus fort » à qui l’on vient d’ajouter « ensemble », l’olympisme c’est la prime au meilleur et la relégation des plus faibles. Le schéma « rendement-compétition-record » est le schéma du processus sportif comme c’est celui du processus de production capitaliste. Cet idéal olympique nous ment comme on nous ment sur l’éthique de Pierre de Coubertin qui était un homme raciste. Avec Albert Jacquard je dis donc « halte aux jeux ! ». Il faut donc boycotter les Jeux olympiques de Paris.
Vous n’avez pas l’impression de prêcher dans le désert ?
C’est vrai et c’est pourquoi, faute de combattants, j’ai décidé de mettre un terme à mon combat !
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