L’inscription de l’IVG dans la Constitution française est une victoire autant historique que symbolique. Bien que saluée par les défenseurs du droit à l’avortement, elle n’occulte pas les luttes qui les attendent et notamment les difficultés profondes d’accès à l’IVG. Les manifestations de la Journée internationale des droits des femmes de ce 8 mars 2024 ont permis de le rappeler haut et fort.
Par Mael Petit
Dans la foulée du vote des parlementaires pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution lors du Congrès de Versailles, ce vendredi 8 mars était le parfait timing pour conclure en beauté une semaine qualifiée d’historique par beaucoup. Alors qu’au même moment Emmanuel Macron présidait dans la matinée la cérémonie de scellement « de ce long combat pour la liberté » place Vendôme à Paris, les militants de la cause féministe se mobilisaient comme chaque année partout dans le pays et notamment en région Centre-Val de Loire.
Avec un dénouement sur l’IVG dans la Constitution programmé pour cette Journée de luttes pour les droits des femmes, peut-être pouvait-on s’attendre à la célébration dans les cortèges. Mais loin des superlatifs et des effusions de joie, les militants et surtout les femmes rappelaient le chemin qu’il reste à parcourir pour faciliter l’accès à l’avortement en plus des inégalités toujours aussi présentes entre femmes et hommes dans la société.
« Transformer la liberté en droit à l’avortement »
Car si cette avancée est unanimement saluée par les défenseurs du droit à l’IVG, il n’en reste pas moins que les associations féministes restent vigilantes. « Toutes les victoires sont bonnes à prendre, mais c’est avant tout symbolique. La lutte n’est pas terminée », prévient Sylvie Lesné représentante du Collectif féministe 45. Résultat d’un compromis politique pour contenter les parlementaires, la loi prévoit en effet « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Une nuance dans la formulation que regrettent les militantes féministes. « Il faut maintenant que cette liberté se transforme en droit », assène Sylvie Lesné.
Dans les faits ce texte sécurise encore un peu plus le droit à l’avortement même si le décalage entre la symbolique de ce vote et la réalité du terrain est frappant pour les militantes. « Le problème c’est l’accès à l’IVG, précise Nadejda Tilhou, militante du Collectif féministe 45. La réalité en France, ce sont les coupes budgétaires qui affaiblissent l’hôpital, les ruptures de stock des pilules abortives, les fermetures de centres qui pratiquent l’IVG… ». Une tendance qui inquiète d’ailleurs bon nombre d’acteurs qui accompagnent les femmes qui souhaitent recourir à l’IVG. Le planning familial évalue même à 130 le nombre de structures qui ont disparu ces quinze dernières années.
Manque de médecins, manque de moyens
La diminution du nombre de centres d’IVG dans les hôpitaux publics est une réalité principalement due à la restructuration et à la spécialisation des maternités, qui entraînent des fermetures, par conséquent, de centres d’IVG. Une baisse de l’offre de soin en matière d’IVG qui touche particulièrement les zones rurales et les territoires les plus défavorisés. En découle logiquement une augmentation des délais de consultation qui peuvent avoir des conséquences sur la santé des femmes. « Avec la fermeture de centres, on ajoute un manque de gynécologues et d’obstétriciens. Qu’est-ce qui va se passer si les médecins qui sont compétents pour pratiquer des avortements se tournent vers la clause de conscience pour ne pas les faire ? On n’a pas pléthore de médecins pour ces actes médicaux », s’inquiète Sylvie Lesné qui note tout de même du positif dans le décret de décembre 2023 autorisant les sages-femmes à pratiquer l’IVG instrumentale jusqu’alors réservée aux médecins. Loin des sourires et des réjouissances parlementaires du début de semaine, ce 8 mars a finalement rappelé les combats qu’il reste à mener pour garantir l’accès concret à l’avortement en France.
Présence des syndicats pour une grève féministe
Outre la lutte autour de l’IVG, ce 8 mars était évidemment l’occasion de dénoncer les inégalités entre les femmes et les hommes dans la société. Au travail avec les écarts de salaire qui persistent et dans des professions féminisées mais souvent précarisées, pourtant « piliers de la vie économique et sociale du pays ». Mais aussi à la maison où cette grève féministe encourageait une réorganisation dans le partage des tâches domestiques entre femmes et hommes. A Orléans, un « village féministe » accueillait dans l’après-midi les curieux pour une sensibilisation sur ces inégalités mais aussi, reflet de l’actualité, sur les violences sexistes et sexuelles que les femmes subissent au quotidien. Jeux, questionnaire ou défoulement avec un chamboule-tout aux visages de l’actualité.
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