Max Jacob et Picasso, rendez-vous à Saint-Benoît-sur-Loire

Max Jacob avait fait sien le petit village des bords du fleuve sauvage : une fois passées ses folles années à Montmartre, il se reconnaissait davantage dans « la paix surnaturelle des bords de Loire » et la gentillesse des gens simples plutôt que dans le tumulte et les mondanités. Ce village et ses habitants n’ont pas réussi à le sauver de sa tragique destinée.

Max Jacob et Pablo Picasso – Photos Wikipédia (photo de Max Jacob par Carl Van Vechten, Library of Congress)


Par Izabel Tognarelli

Max Jacob s’est converti au catholicisme en 1919. Son baptême avait eu lieu cinq années plus tôt, avec pour parrain Pablo Picasso. Mais que pouvaient la sincérité et la ferveur de sa conversion à une époque où l’antisémitisme était si prégnant ? Et où l’homosexualité était sévèrement réprimée. Un quart de siècle plus tard, la Gestapo est venue arrêter le poète à Saint-Benoît-sur-Loire, village ligérien où il habitait depuis 1936. Incarcéré dans la prison militaire d’Orléans puis transféré à Drancy via la gare d’Austerlitz, son départ pour Auschwitz était prévu le 7 mars. La mort est venue le délivrer avant : le 5 mars, une pneumonie l’a emporté. Elle faisait suite aux conditions de son arrestation et de sa détention, au regard de son état de santé et de son âge.

Une visite de Picasso bien réelle, mais peu connue

Sept ans auparavant, le 1er janvier 1937, Pablo Picasso lui avait rendu visite dans sa retraite de Saint-Benoît-sur-Loire. Il était venu en compagnie de la photographe Dora Maar, sa nouvelle compagne, et de son fils Paulo, alors âgé de 16 ans. Cette visite surprise, épisode très peu connu du grand public, est évoquée dans quelques lettres de Max Jacob adressées à des amis. Mais on ne sait rien de la teneur de la conversation entre le peintre et le poète. « Que se sont-ils dit ? Et surtout, pourquoi est-il venu après sept ans d’absence ? Je me suis engouffrée dans ce vide biographique, dans ce silence de l’histoire, » nous confie Géraldine Jeffroy, auteure de « Un Chagrin de trop, Max Jacob et Picasso », paru aux éditions Diabase.

Une biographie romancée empreinte de réalisme

Dans ce court roman d’une centaine de pages, les protagonistes sont restitués dans leurs traits physiques et de caractères ; leurs gestes s’esquissent sous nos yeux de lecteurs tout comme ils ont pris corps lors du processus de création suivi par l’auteure : six mois de travail préparatoire suivis de six mois d’écriture, comme pour chacun de ses romans. Des détails, qui pourraient sembler anecdotiques, contribuent au réalisme de cette histoire qu’elle a écrite pendant la période de covid. Ce contexte l’a empêchée de se rendre sur place, contrairement à son habitude : « Je suis allée à Saint-Benoît-sur-Loire après l’écriture de ce roman. J’étais un peu anxieuse : j’avais peur de m’être trompée dans ce que j’avais évoqué. Mais en fait, je n’en ai pas l’impression ».

On retrouve aussi « la patte » de Géraldine Jeffroy au travers des lettres de Max Jacob à son ami Jean Cocteau : « Dans tous mes livres jusqu’à présent, il y a des lettres. Max Jacob était un grand épistolier, donc cela s’imposait. J’ai lu énormément de ses lettres ; je m’en suis tellement imprégnée qu’à la fin, j’ai pu écrire comme lui, enfin je pense ». Dans ce roman, on salue l’art du dialogue et l’habileté avec laquelle l’auteur saisit la complexité des liens qui interagissent entre les protagonistes.

Géraldine Jeffroy a écrit d’autres biographies romancées, notamment Un été à l’Islette (éditions Arléa), où elle explore de la même façon le quotidien de Rodin et Camille Claudel dans le château où ils vécurent en Touraine. L’auteure travaille actuellement sur un nouvel ouvrage qui aura pour sujet Calder, dans sa maison de Saché.

Portrait de Max Jacob par le peintre, sculpteur, illustrateur et poète Roger Toulouse – Photo Gérard Poitou

Une année sous le signe du poète

En 1949, la dépouille de Max Jacob fut transportée au cimetière de Saint-Benoît-sur-Loire, où il repose depuis, selon son vœu. Dimanche 10 mars se tient dans ce cimetière une cérémonie officielle en hommage au poète. À 14h, au Belvédère (centre d’interprétation, 55 rue Orléanaise, dans le centre du village), le poète Éric Désordre évoquera Max Jacob au travers de ses lettres (sur réservation au 02 34 52 02 45 ou à belvedere@valdesully.fr).

L’hommage au poète martyr se fait aussi au travers d’un concours d’écriture et d’illustrations, à destination des scolaires (renseignement auprès des bibliothèques du Val de Sully, du Belvédère et sur www.valdesully.fr. Date limite d’envoi : 24 mars) ainsi que d’une exposition à la bibliothèque du village (collection de manuscrits, correspondances, illustrations et photographies), à partir du 14 mars.

Quant aux amateurs d’art postal, ils ont rendez-vous jeudi 25 et vendredi 26 avril, de 14h30 à 16h30. Enfin, certains lieux fréquentés par Max Jacob sont restés inchangés. Plusieurs visites guidées sur ce thème seront proposées au fil de l’année, à partir du 5 mai (10h30, 14h30 et 16h30). D’autres rendez-vous et plus de renseignements sur www.belvedere-valdesully.fr

Commentaires

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  1. Max Jacob aurait été baptisé avant de se convertir au catholicisme? Bizarre. Ce serait la «  grâce » du baptême qui aurait agi en cinq ans sur sa conscience ?
    Le nazisme a malheureusement eu le dessus. L’article insinue que le poète l’aurait pressenti dés 1914, incroyable.

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