Week-end culturel dans la cité du poète Gaston Couté, dont la « programmation internationale » cette année proposée par le Krizo Théâtre ne cède rien à la facilité et invite le public magdunois et au-delà à réfléchir sur le monde. Trois jours de théâtre, de danse et de réjouissances pour tous les âges.
Par Bernard Thinat
L’édition 2024 mettait le travail à l’honneur, chacune et chacun, des programmateurs, organisateurs, à la billetterie, au contrôle des billets ou à la vente des gâteaux, étant revêtus d’un bleu de travail et coiffés d’un casque de chantier. Et comme la programmation voulue par Christophe Thébault et Caroline Bissauge faisait la part belle à un Anglais, une Polonaise, un Belge, et accessoirement, un Guadeloupéen, un Parisien jusqu’à un Solognot, on eut droit à quelques notes sifflées de l’hymne des travailleurs de tous pays avant chaque spectacle.
Après une soirée shakespearienne le vendredi, la journée du lendemain, malheureusement pluvieuse, si elle a attiré beaucoup d’enfants, la salle était pleine pour leur spectacle, les adultes préférant sans doute la télé, ont quelque peu boudé en soirée. Pourtant, les spectacles étaient d’une très haute qualité artistique. L’après-midi, un conte musical pour les plus petits, écrit par Suzanne Lebeau, de la Compagnie « Au P’tit goût de pomme », où il était question de la « Lune entre deux maisons », a permis à Caroline Benassy et Hugo Sablic sur le plateau de ravir les enfants et leurs parents présents.
Marie Curie, une quête radieuse
Puis, ce fut le tour de Magda Lena Gorska de nous évoquer la vie de Marie Curie, de son adolescence en Pologne à la chaire de Physique à la Sorbonne, ses deux Prix Nobel, ses amours, ses filles, sur une musique interprétée par Serge Tamas, et une mise en scène d’Amédée Bricolo, pleine de tendresse, lequel était présent lors des saluts. Très jolie métaphore entre la fleur de la fougère présente dans un conte polonais et le radium que découvrira Marie. Magcentre en avait déjà parlé ici et là.
Le Contr’un
Pour clore la journée, un seul en scène de l’acteur belge Charly Magonza, que Christophe Thébault a rencontré au Canada. L’invitation à se produire aux Fabricoles fut aussitôt acceptée par l’acteur. Ce dernier s’est emparé du « discours de la servitude volontaire » d’Etienne de La Boétie, écrit un peu avant 1550 à l’Université d’Orléans (pas l’actuelle évidemment, mais celle où est passé un certain Molière un peu plus tard).
Il s’agit d’un texte aujourd’hui encore d’une brûlante actualité, expliquant que si les peuples le voulaient, ils seraient libres et non soumis à un maître, un roi, un tyran, ou ce que vous voudrez. Il suffit de le vouloir, professait La Boétie.
Débutant par Ulysse s’adressant à son peuple sur son île et terminant par Cassius qui se suicide refusant la soumission à son vainqueur lors de la bataille de Philippes. Charly Magonza entremêle les citations empruntées à La Boétie et son propre texte, sans que le spectateur qui ne connaît pas le texte originel ou qu’il ne s’en souvienne plus, sache qui parle : La Boétie ou Magonza. C’est très finement agencé, plein d’humour, se servant d’une guirlande de lumières multicolores comme d’une couronne, imitant le cheval de Brutus, dansant parfois, reproduisant les musiques qu’on peut entendre aujourd’hui dans certaines boîtes de nuit. Car si le texte de La Boétie est d’une grande actualité, Charly Magonza sans y paraître, transpose son spectacle dans le monde d’aujourd’hui. C’est du grand art !
Le Petit Poucet
Ce dimanche, Caroline Bissauge présentait sa dernière création pour les enfants qui rêvent, avec masque et surtout la présence d’un ogre un peu plus grand que nature, énorme marionnette dans laquelle Caroline se glisse. « Il s’agit d’une petite fille très fâchée parce qu’enfermée dans sa chambre ne voulant pas finir son assiette. Dans sa colère et sa mauvaise foi tout enfantine, elle se met à raconter l’histoire du Petit Poucet. Il s’agit donc d’une interaction entre la réflexion de la petite fille moderne et gâtée et le Petit Poucet qui se sauve de toutes les situations avec le sourire et la bonne humeur, alors qu’il ne possède rien », explique Caroline, ajoutant que « ce spectacle fait passer les enfants par plein d’émotions, le rire, la peur, la tristesse, avec un Petit Poucet très courageux, un ogre plein de cruauté et une petite fille en colère. »
En fin de journée, « K » était un « parcours intime alliant danse et marionnettes pour parler du handicap », et pour conclure le festival, « Recueil », la vie d’un clown par la « Compagnie Amédée Bricolo » avec Christian Massas sur le plateau.
Vernissage et vente de masques
Le vernissage de l’exposition, le vendredi soir, présentait deux artistes régionaux, Jérôme Gaucher et Nicolas Royer, le premier créant des structures autoportantes, le second des acryliques sur toile tendue sur châssis. Jolie exposition à voir et à revoir ailleurs !
Quant à Christophe Thébault et ses 400 masques, il souhaite qu’ils voyagent, rencontrent d’autres Compagnies, et servent à financer le prochain spectacle du Krizo théâtre lors des Fabricoles 2025, adaptant le roman de Zola, « Germinal », avec quelques artistes comédiens et comédiennes orléanaises. Mais cela est une autre histoire !
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