Une révolution du libéralisme médical se prépare

Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le Président Macron avait proposé de « libérer du temps de médecins en allant vers une rémunération plus intelligente, au patient plutôt qu’à l’acte, pour mieux intégrer la prévention ». Nous y voilà : le chef de l’Etat souhaite la mise en place d’une rémunération forfaitaire par capitation.

Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse (Capture d’écran)
 
Par Jean-Paul Briand

L’Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé (USMCS) applaudit ce vœu présidentiel pour mettre en place la capitation. L’USMCS rappelle que « c’est une revendication portée de longue date par les centres de santé /…/ et une réponse aux aspirations des jeunes générations de soignants ». Cette dernière affirmation n’est pas tout à fait exacte si l’on en croit les déclarations de l’intersyndicale ReAGJIR (Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants) qui souhaite une diversification des rémunérations selon les missions du médecin et la structure où il exerce.

Le système par capitation serait plus vertueux

Le mode de rémunération des praticiens de ville influence leurs pratiques et leur volume d’activité. Le paiement à l’acte favorise essentiellement une médecine de soins. Dans la capitation, quel que soit le nombre d’actes effectués, pour chaque patient qui s’inscrit dans un cabinet et indépendamment du niveau de sa consommation de soins, un forfait annuel est payé au praticien choisi. Ce type d’appointements aide en théorie une prise en charge plus globale valorisant la prévention. Le salariat est le paiement forfaitaire pour un temps donné, quelle que soit la productivité du médecin. Sa mise en place est difficile dans un contexte de baisse de la démographie médicale où il est demandé aux toubibs d’avoir une activité bien au-delà des 35 heures réglementaires. Le temps de travail hebdomadaire d’un généraliste travaillant à l’acte serait de 54 heures en moyenne d’après une étude de 2019 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

Comme le paiement à l’acte, le paiement à la capitation rémunère le médecin en fonction de son activité, pas suivant la quantité de consultations effectuées mais par le nombre de patients suivis. Le système par capitation serait plus vertueux car il en serait fini de la course à l’acte et, selon le Président Macron, une ère « plus intelligente » verrait ainsi le jour.  

L’expérimentation PEPS

La Loi de Financement de la Sécurité Sociale a ouvert la possibilité d’expérimenter de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé. Depuis le 3 juillet 2019, le ministère de la Santé et l’Assurance maladie ont lancé une expérimentation d’un paiement en équipe de professionnelle de santé en ville (PEPS). Les professionnels volontaires (médecins et infirmiers) sont rémunérés au forfait. L’objectif de cette expérimentation PEPS est d’essayer un nouveau modèle économique se substituant au paiement à l’acte. Le forfait intègre le curatif, le préventif et l’organisation de la structure de santé. Des résultats de cette expérimentation PEPS viennent d’être publiés par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). L’impression est mitigée. Initialement pensée pour les Maisons de santé pluriprofessionnelles libérales (MSP), cette expérimentation a été abandonnée par 12 MSP sur les 15 engagées au départ. A contrario les Centres de santé (CDS) participants ont vu leur nombre augmenté car la rétribution proposée vient en aide financièrement aux CDS exerçant en zone de population précaire où la patientèle a pu être ainsi fidélisée.

Le paiement à l’acte fait partie de l’identité professionnelle des médecins

Les mentalités et les pratiques connaissent de profonds changements chez les nouvelles générations de praticiens. Les modes de rémunération doivent pouvoir accompagner ces évolutions. La plupart des pays ont des systèmes de paiements mixtes. Mais la généralisation du PEPS en l’inscrivant dans la convention médicale en cours de discussion n’est pas acquise. De nombreux syndicats s’y opposent. Ils y voient un prétexte à plus de contraintes et de contrôles pour l’exercice de leur profession. De plus, la sacro-sainte règle du paiement à l’acte, inscrite dans la charte syndicale depuis 1927, fait encore partie de l’identité professionnelle pour nombre de médecins libéraux français. Passer du paiement à l’acte à la capitation est une révolution qui va se heurter à beaucoup de résistances.

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Commentaires

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  1. Une prise de distance à l’égard de cette novlangue bureaucratique aurait été la bienvenue.

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