Lors de l’Hommage national aux victimes françaises de l’attaque du Hamas, l’ex-députée du Cher, Nadia Essayan, s’est démarquée en appelant à ce que « les hommes et les femmes de bonne volonté conduisent cette terre meurtrie vers la paix pour tous ses habitants. Pour qu’enfin ils puissent se partager cette terre bénie dans la justice et la fraternité ». Une attitude nettement moins belliqueuse, et radicale, que nombre de ses anciens partenaires de l’Assemblée nationale.
Par Fabrice Simoes
Gaza. Deux personnes prises en otage lors du pogrom du 7 octobre 2023 ont été libérées par un commando des forces armées israéliennes. Un bombardement de « préparation » à l’opération militaire terrestre a fait une centaine de victimes, pour la plupart civiles. Deux pour cent… Ce ne sont pas là des chiffres statistiques, ni la dernière augmentation du Smic. Ce sont deux personnes qui vivent contre cent qui meurent. Pour l’actuelle conseillère régionale Modem, Nadia Essayan, qui depuis l’automne dernier ne manque pas de rappeler, sur les réseaux sociaux entre autres, certaines réalités du terrain et de l’histoire, ce type de logique mathématique est difficile à admettre. Le parcours de l’ex-députée Modem de la 2ème circonscription du Cher (Vierzon), née en Côte d’Ivoire de parents palestiniens « bénéficiant » du statut de réfugiés, mariée au Liban, en fait un cas à part dans l’univers politique régional. Ce cheminement loin d’être linéaire lui permet d’avoir un discours moins figé et surtout qui sort des sentiers battus.
Palestinienne, Libanaise ou Française ? Les trois mon général ! « C’est délicat. Je n’ai jamais pu dire si j’étais plus ceci ou cela. Je me sens autant Palestinienne que Libanaise ou que Française. Je suis les trois à la fois. Ce sont mes composantes. C’est ce qui me définit et je ne peux pas mettre entre parenthèses l’une de mes identités même si actuellement, sur les réseaux, c’est le peuple palestinien et Gaza qui occupent l’espace. C’est un sujet majeur ». Pas de vision tronquée vue d’un camp ou de l’autre mais plutôt un sentiment de gâchis humain qui s’auto-alimente depuis des générations et personne ne fait les efforts pour trouver une solution plus pacifique. « On a déplacé 1,5 million de personnes vers Rafah et on annonce que la zone va être bientôt bombardée pour lancer une offensive terrestre. Biden ne peut, paraît-il, rien dire, pour ne pas se couper d’une partie de son électorat. L’Europe dit « faites attention aux civils » en sachant bien qu’ils se fichent complètement des femmes, des enfants. La France a eu beaucoup de ses réalisations, à Bethléem, à Gaza, qui ont été détruites de façon très … arrogante sans qu’elle ne dise quoi que ce soit ! »
Les commentaires de Nadia Essayan vont à l’encontre du politiquement correct mais prônent le respect des peuples. « C’est à la fois contre la décision de ce gouvernement qui décide de cette violence, dont on sait que c’est un gouvernement d’extrême droite, et en même temps un soutien à la population palestinienne. Pas seulement pour ce qu’elle vit actuellement mais pour ce qu’elle vit depuis 1948, avec le piétinement de ses droits fondamentaux à créer un Etat, de pouvoir circuler, de pouvoir faire comme les autres. De pouvoir vivre tout simplement. »
« Une volonté politique sioniste »
Pour l’élue régionale, la situation actuelle n’est pas une fatalité. « Israël a facilité la création du Hamas. Il l’a encouragé d’une certaine manière en travaillant sur une division des Palestiniens et en leur laissant le champ libre, au moment de son retrait, sachant très bien ce qu’était le Hamas. Il n’y avait pas d’embrouille sur ce point de vue là… Israël savait ce qu’il pouvait faire monter comme haine et difficultés envers la population ». Quant aux massacres du 7 octobre, ils ne sont pas le fruit du hasard. « Il existait des enjeux très précis, début octobre, avec les accords d’Abraham, entre Israël et les pays arabes. Ils effaçaient complètement la question palestinienne. Elle n’était prise en compte en rien ! Le 8 octobre devait être signé l’accord avec l’Arabie Saoudite… »
La réaction du Hamas a largement dépassé le soutenable mais entre dans une logique géopolitique guerrière assumée de part et d’autre. « Tout comme on a le Hamas qui veut supprimer Israël – apparemment ce serait supprimé de sa charte – on retrouve du côté d’Israël la politique sioniste de retrouver la terre d’Israël pure qui irait de quasiment l’Egypte jusqu’à une grosse partie du Liban. Récupérer le territoire de Gaza est donc évident. Il existerait déjà des publicités pour les reconstructions et la volonté de faire un port à Gaza est connue… »
Au fil des bombardements, au fil des déplacements de population, au fil des destructions, les conditions de vie sur la bande Gaza sont devenues intenables selon la Vierzonnaise. Le concept de domicide – destruction délibérée, systématique et à grande échelle des logements et des infrastructures dans le but de rendre le territoire inhabitable. – est désormais évoqué. « Tout est impossible… Plus d’eau, plus de médicament, plus rien. En même temps que l’on a ici la volonté de vider au maximum Gaza de ses habitants, on a la colonisation à vitesse grand V de la Cisjordanie. Et cela avait débuté bien avant le 7 octobre ! » Et d’affirmer que, sur place les Palestiniens n’ont pas les mêmes droits. Ils sont enfermés sous des murs de 10m, à Gaza comme partout. Ils ne peuvent pas circuler d’un territoire à l’autre. S’ils sortent ils ne peuvent pas revenir… « S’ils ont une production, ils ne savent pas s’ils vont la sortir ou pas, si elle va pourrir sur place à la frontière en attendant une éventuelle autorisation. C’est une succession d’humiliations quotidiennes qui est insupportable. Et ça ce n’est pas depuis l’attaque du 7 octobre. C’est depuis 1948… Les bombardements, ils en ont eu très régulièrement. Des restrictions, ils en ont eu tout aussi régulièrement et notamment dans les institutions. »
A lire sur le sujet : Israël et Palestine : sortir de l’impasse sanglante