Vendredi 2 février, Agnieszka Holland est venue présenter aux Carmes en avant première son film Green Border, qui sort aujourd’hui sur les écrans. Magcentre l’a rencontrée. Pleine d’indignation envers la sauvagerie qui s’est emparée des deux pays, le sien, la Pologne, et la Biélorussie, elle nous a précisé le making-of du film, qui s’est tourné très rapidement.
Par Bernard Cassat
Réalisation Gérard Poitou
Agnieszka Holland a déjà derrière elle un long passé de films où elle a toujours prôné son humanisme fondamental et son acuité à analyser les situations politiques. On se souvient de son dernier film, Dans l’ombre de Staline, qui rappelait cette horreur finalement peu connue qui s’est déroulée en 1932-33 en Ukraine, l’ « extermination par la faim », ou Holodomor, organisée par Staline. Son dernier travail qu’elle est venue présenter porte sur un autre scandale politique très récent, à la fin de l’été 2021. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, furieux des sanctions européennes après son détournement d’avion pour capturer un dissident, inonde alors ses frontières avec l’Europe d’un flot d’immigrés. En Pologne, les nationaux-conservateurs du PiS n’en veulent pas. S’ensuit un ping-pong sanguinaire entre les deux pays.
Agnieszka Holland nous a raconté l’impossibilité pour les médias et documentaristes de documenter cette tragédie. Déclarée zone militaire, il était impossible de se rendre à la frontière. Elle a donc décidé d’utiliser la fiction. Le scénario s’est écrit rapidement. Agnieszka parle d’un tournage rapide avec un recours à plusieurs jeunes cinéastes polonais(es) qui tournaient parallèlement.
Elle justifie ses choix esthétiques, mais surtout son inflexibilité par rapport aux conservateurs, au pouvoir au moment de la sortie du film en Pologne en septembre. Alors que la Coalition civique (KO) de Donald Tusk a gagné les élections en octobre, Agnieszka se dit confiante en la jeunesse de son pays.
Son film est aussi fort qu’un documentaire. Il reconstitue les forces en présence, et les incarne dans des personnages terriblement crédibles. La sauvagerie répressive des deux côtés de la frontière est montrée dans sa crudité, mais l’accueil final et les ouvertures du scénario adoucissent quelque peu le constat. La réalisatrice manie la fiction pour défendre un humanisme profond, et son travail absolument remarquable porte ses fruits.