Devant l’Assemblée nationale Gabriel Attal, notre jeune Premier ministre, a fait ce 31 janvier 2024 son discours afin de présenter la feuille de route de son gouvernement nouvellement nommé. Moins de 5% de son allocution ont concerné la santé. Faut-il en conclure que les difficultés que rencontrent patients et soignants sont négligées ou dérisoires ?
Par Jean-Paul Briand.
« Nous devons aller vite et fort, nous le devons à nos soignants ! » déclame, un tant soit peu démagogue, le nouveau chef du gouvernement dans son discours de politique générale. Ceci étant dit, que propose-t-il pour remettre sur pied l’hôpital et permettre à chaque usager d’accéder à des soins de qualités dans des délais raisonnables ?
Puiser dans le vivier médical de pays francophones
Le Premier ministre rappelle la suppression du délétère du « numerus clausus » dont les effets ne se feront sentir qu’à partir des années 2030 mais, il n’existe toujours pas d’adéquation entre le nombre de médecins formés par spécialité et les besoins de santé à venir du pays. Gabriel Attal prend enfin conscience que de nombreux professionnels de santé étrangers font tourner les hôpitaux français. Ces praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), odieusement exploités, ont bien souvent les mêmes compétences et responsabilités que leurs homologues français mais des salaires très inférieurs en plus d’un statut précaire. Devant les immenses difficultés des hôpitaux, Gabriel Attal promet : « Nous allons régulariser les médecins étrangers sur notre territoire ». Cette mesure est une décision majeure pour le Centre-Val de Loire où le départ des PADHUE risquait de fragiliser de très nombreux services. Dans cette même veine, il annonce la nomination d’un émissaire spécial ayant la mission d’aller débaucher des médecins à l’étranger. Aller puiser, afin de renforcer le système de santé français, dans le vivier médical de pays francophones qui sont eux-mêmes en situation sanitaire préoccupante, est-ce bien éthique ?
La copie du nouveau chef du gouvernement est incomplète
Le Premier ministre promet, sans en préciser les modalités, « des passerelles effectives et efficaces pour les études de médecine » et d’accélérer la formation d’assistants médicaux au service des médecins libéraux afin de leur libérer du temps pour des consultations supplémentaires… Semblant oublier que le nombre de praticiens continuera à chuter pendant les dix années à venir, le chef du gouvernement décide que soit créé dans chaque département un service d’accès aux soins (SAS). Comme il sait bien que les effecteurs vont manquer, il avertit : « Si ce n’est pas le cas, si les réponses sont toujours insuffisantes, je n’ai pas de tabou, et des obligations de garde pour les médecins libéraux pourraient être décidées ». Après l’échec, fin février 2023, de l’Assurance maladie et des syndicats médicaux pour établir une nouvelle convention, cet avertissement ne va pas vraiment aider les négociateurs à nouveau réunis pour bâtir un nouvel accord. Pour adoucir sa menace, Gabriel Attal prévient qu’il va « faire payer ceux qui ne se présentent pas aux rendez-vous médicaux sans prévenir ». Ce projet de « responsabiliser au porte-monnaie » les patients distraits ou indélicats ne fait pas l’unanimité chez les syndicats de médecins. Si cette « taxe lapin » se confirme, elle risque d’être une sacrée « usine à gaz ». Elle pourrait même donner des idées pour pénaliser les professionnels qui ne respectent pas leurs horaires de rendez-vous.
Dans le discours du Premier ministre de nombreuses questions du domaine de la santé sont sans réponse. Rien sur le budget de l’hôpital, sur le grand âge, sur le handicap et sur la prévention. Le soir du 31 décembre 2023, dans ses vœux, le président de la République avait pourtant annoncé de très nombreux « réarmements » pour la nation. Malgré toutes ses promesses, la copie du nouveau chef du gouvernement est incomplète et le « réarmement » sanitaire bien incertain…
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