Après le Berry, le Loiret devient épicentre de la crise agricole qui touche la France. Alors que le convoi des agriculteurs parti d’Agen en route vers Rungis traversait la région Centre-Val de Loire, le gouvernement comptait sur la Loire et les forces de l’ordre du département pour stopper la progression des tracteurs. Mission réussie… ou presque.
Par Mael Petit
C’est l’histoire d’un bras de fer qui tourne au jeu du chat et à la souris. Toute la journée de ce mercredi 31 janvier les forces de l’ordre du département du Loiret ont été mobilisées pour barrer la route du convoi des agriculteurs d’Agen, mené par la Coordination rurale 47, en route depuis trois jours pour rallier Rungis et l’Île-de-France. Avec un mot d’ordre : empêcher toute traversée de la Loire. Même si les tracteurs se savaient attendus après une série de blocages les jours précédents – notamment du côté de Limoges – ils ne pensaient peut-être pas que le franchissement du fleuve royal allait mettre un sérieux coup de frein à leur périple. Reparti au petit matin après une nuit passée à Pierrefitte-sur-Sauldre dans le Loir-et-Cher, le convoi s’est retrouvé bloqué au niveau du pont de Sully-sur-Loire où les attendait un rideau de CRS. Qu’à cela ne tienne, d’autres avaient anticipé la manœuvre en tentant leur chance un peu plus à l’est du côté de Gien où quelques agriculteurs contournaient avec succès un barrage de la gendarmerie.
Des blindés en renfort
Pas content, Gérald Darmanin a durci ses consignes en soufflant sûrement au passage dans les oreilles de la préfète du Loiret et de région Sophie Brocas, elle-même déjà malmenée par le convoi de l’eau en août dernier lors de son baptême du feu. Les barrages routiers, c’est qu’elle commence à connaître. Mais si elle savait la difficulté de barrer la route à des vélos, elle le sait aujourd’hui pour les tracteurs. La préfète déjà sur le pont la veille devant la cathédrale d’Orléans pour échanger avec des agriculteurs du Loiret en colère, s’est rendue sur celui de Sully pour annoncer au convoi qu’il ne pourrait traverser ce mercredi. A Sully ou ailleurs. Puisque les ponts enjambant la Loire à Châteauneuf, Jargeau, Gien et Orléans seraient gardés par les forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur demandait même des renforts de véhicules blindés pour “hermétiser” les barrages routiers en Essonne et dans le Loiret, bien que seulement « dans une posture défensive » relativisait la Place Beauvau.
Dans le même temps des représentants de syndicats agricoles dont la Coordination rurale étaient reçus par Gabriel Attal à Matignon pour trouver un début de sortie de crise. Un des arguments de la préfète pour justifier les blocages alors qu’elle demandait d’attendre l’issue de ce rendez-vous pour envisager la suite. « Du flan pour nous faire perdre du temps », enrageaient des agriculteurs du convoi à Sully. Sans surprise l‘entrevue avec le Premier ministre débouchait sur « pas grand-chose » selon les représentants syndicaux participant aux discussions au micro de France Bleu.
Une partie du convoi rallie l’Essonne
Sur les bords de Loire, les agriculteurs étaient donc contraints de ronger leur frein en attendant une impossible levée des points de blocage, refusant toute confrontation avec les forces de l’ordre. Seule éclaircie, le soutien des riverains venus apporter de la nourriture en solidarité au mouvement alors que d’autres agriculteurs tentaient tout de même leur chance sur les ponts voisins comme à Jargeau ou Châteauneuf, eux aussi fermés à la circulation. Une entreprise qui a eu l’effet d’exciter les forces de l’ordre sur la métropole orléanaise, inquiètes face à un convoi désormais en ordre dispersé. Tout d’abord fermés puis filtrés, les consignes fusaient dans tous les sens sur les ponts de la ville sous haute surveillance, conduisant au passage à un important engorgement des principaux axes de la préfecture. Un important dispositif soutenu par un appui aérien qui tentait de localiser des agriculteurs qui pourraient se rapprocher d’Orléans.
Pour la trentaine de tracteurs infiltrés passés par Gien, la suite du voyage fut plus fluide, certes bien aidée par le terrain favorable du Pithiverais. Le reste du convoi a pu naviguer, parfois à travers champs pour contourner les points de blocage formés notamment par des renforts venus d’Île-de-France. Barrages insuffisants cependant pour immobiliser des tracteurs désormais stationnés en Essonne qui espèrent maintenant que leurs compagnons restés coincés au niveau de la Loire trouvent un moyen de les rejoindre.
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