Ce mardi 30 janvier à la Scène nationale d’Orléans, Lucas Santtana est venu présenter son neuvième album, O Paraíso. Accompagné de deux musiciens, il a semblé fade par rapport à ses enregistrements hauts en couleur. Ses chansons pourtant possèdent toute la richesse de son pays et de son histoire musicale, auxquelles il participe activement autant comme acteur que comme producteur. Dommage.
Devant la pochette de son dernier album. Photo Jérôme Witz
Par Bernard Cassat
Il est arrivé sur scène auréolé de la réussite de ses albums et de nombreux commentaires laudatifs sur son importance dans la musique brésilienne et ses prises de position politique dans ce pays secoué par le passage de Bolsonaro. Et effectivement, il a commencé par O Paraíso já é Aqui, le paradis est déjà ici, qui donne son nom à son dernier enregistrement. Mais sur cette grande scène de la salle Barrault, les trois musiciens isolés dans leurs ronds de lumière n’ont pas franchi la rampe.
La voix est sourde. Lucas Santtana a un beau registre assez haut, une voix plus appropriée à l’intimité qu’à la colère. Et puis sa diction du portugais brésilien, pourtant une langue magnifique souvent magnifiée par ses prédécesseurs, reste floue, sans éclat. De plus, aucune chanson n’était traduite. Or Lucas est un auteur à texte, ses messages sont importants. Malgré ses dénégations, son français était largement suffisant pour qu’il nous en dise quelques mots. On a bien saisi quelques thèmes, biosphère par exemple, mais les petits cailloux étaient trop isolés pour suivre, pour comprendre.
Une voix attachante mais étouffée
Les deux percussionniste et bassiste qui l’entouraient, excellents, et les boucles préenregistrées étouffaient un peu cette voix attachante. Pourtant très bon guitariste, il se contentait mardi soir d’un jeu minimaliste qui remplissait juste son rôle. Ses efforts pour faire chanter la salle accentuaient la distance au lieu de la chauffer. Et puis son attitude un peu raide n’installait pas beaucoup d’énergie. Sa voix comme ses gestes semblaient suivre le tempo plutôt que le précéder, l’attaquer.
Photo Jérôme Witz
Ce n’est pas un problème de répertoire. Santtana mélange dans un heureux dialogue toutes les racines américaines, du sud et du nord, les influences et les rythmes que les Brésiliens manient avec brio. Mais un équilibre sonore ce mardi n’était pas installé. Son bis l’a un peu prouvé, lorsqu’il a chanté seul, avec juste sa guitare, une chanson en anglais, très belle balade folk où la douceur de sa voix trouvait le ton, où l’émotion passait dans l’intimité du son.
Personnage important dans la production musicale du Brésil actuel, héritier de la grande période tropicaliste, Gilberto Gil ayant été son mentor, Lucas a été à bonne école et ça se sent. Mais il y a des artistes, excellents musiciens, qui éblouissent en studio mais n’accrochent pas en concert. Tous les enregistrements de Lucas Santtana sont brillants, avec en plus des invités vedettes comme le saxophoniste Laurent Bardainne. Mardi soir, le concert, quoique tenu, nous a paru bien pâle…
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