La lutte pour la vie d’un adolescent d’Oulan-Bator

A travers un personnage d’adolescent énergique et déterminé, Zoljargal Purevdash, jeune réalisatrice mongole, s’installe brillamment sur l’écran international. Histoire touchante et réalisation impeccable, Si seulement je pouvais hiverner raconte les difficultés d’un gamin dans la Mongolie moderne, jeune démocratie qui peine à sortir de son hiver.

La famille dans sa yourte. Photo Eurozoom

 

Par Bernard Cassat


Un premier film d’une jeune réalisatrice mongole, Zoljargal Purevdash, a réussi à se glisser jusqu’à Cannes 2023. Et sa qualité lui a ouvert une distribution dans les salles aujourd’hui. Si seulement je pouvais hiverner est donc un film méritant, vu le très faible volume de films produits en Mongolie. Peut-être aussi méritant que le personnage central dont il raconte l’histoire.

Un quotidien très difficile

Ulzii vit avec sa mère, veuve désenchantée et légèrement alcoolique, dans une yourte installée dans un quartier périphérique, pour ne pas dire un bidonville, d’Oulan-Bator, la capitale du pays. Il a trois frères et sœurs. Il y a du Zola dans le début de ce récit, une accumulation de difficultés amplifiées par le froid. Dans cet espace réduit de la yourte, les relations familiales se chargent vite d’agressivité, de reproches amers sur la misère de la famille. Ainé de la fratrie, Ulzii essaye de pousser sa mère à travailler. Il va même jusqu’à chercher pour elle des annonces. Mais rien n’y fait. Elle ressasse son désespoir et le noie dans l’alcool. Pour finalement repartir dans la campagne de ses origines, en prenant avec elle son dernier-né.

Ulzii réussit brillamment sa scolarité. Photo Eurozoom


Ulzii se retrouve donc chef de famille alors qu’il a à peine 15 ans. Il tente de mener de front études où il réussit et petits boulots pour glaner quelques sous. Par quelques astuces de scénario, le film fait découvrir Oulan-Bator, des quartiers de grands ensembles à la chinoise, entre autres. Ulzii va visiter sa tante dont le fils a un problème d’eczéma qui ne peut se résoudre qu’en suçant l’orteil de son oncle. Car les traditions sont toujours très présentes dans ce monde pourtant urbain. La tante habite un appartement, avec une baignoire et plein de produits de beauté. Le contraste est saisissant entre cet appartement et la yourte. Mais la visite se passe mal. Ulzii est ulcéré de se faire traiter comme un mendiant. Cette réaction reviendra plusieurs fois dans le film : la honte de la misère et le refus de toute aide vécue comme une aumône.

S’en sortir par les études…

Pourtant la famille, ou ce qu’il en reste, vit avec des aides sociales. Qui installent de drôles d’engins sur les tuyaux des poêles à charbon dans les yourtes, censés les rendre plus écolos ! Sans s’occuper vraiment de la situation miséreuse de ces enfants laissés à eux-mêmes. Mais Ulzii, avec l’énergie du désespoir, travaille d’arrache-pied pour réussir un concours de physique qui lui ouvrira les portes du savoir, donc d’un emploi bien rémunéré. Aidé par son professeur, il est sur la bonne voie. Sauf que le manque d’argent l’oblige à accepter des petits boulots, dont couper du bois au noir pour un trafic douteux. Son professeur qui ne sait pas sa situation vient le chercher et Ulzii en est terriblement humilié. Et comme souvent, réagit dans un premier temps avec violence (verbale) pour finalement intégrer ce que lui disent les adultes. Notamment dans la scène déchirante où il enterre son chien mort de froid avec son vieux voisin touché par cet adolescent qui lutte pour sa réussite. Il pleure, ce qu’il vit comme une faiblesse. Et parle de sa mère avec ce vieux qui lui démontre simplement que le rapport filial est la base de tout.

Avec son vieux voisin qui lui donne des coups de main. Photo Eurozoom


Plus tard, alors qu’il passe le dernier concours de physique qui va être déterminant, il téléphone à sa mère dans une scène formidable. Dans un couloir peint en vert et jaune, éclairé par de grandes fenêtres qui laissent passer un soleil rasant, avec un jeu d’ombre très nette sur la gauche de l’image, il téléphone à sa mère pour lui dire son amour.

L’histoire de cet ado confronté aux rudesses de la vie mongole touche au plus profond. De nombreux détails décrivent ce monde inconnu pour nous. De très beaux personnages, comme ce couple de vieux voisins très empathiques, ou le professeur qui pousse Ulzii dans sa scolarité, donnent une épaisseur à l’histoire. Le jeune acteur qui incarne Ulzii transmet magnifiquement l’énergie du personnage. Et la réalisation, classique mais parfaitement bien menée, avec une photographie magnifique (autant les intérieurs que les extérieurs) nous fait découvrir ce monde qui reste pour nous exotique. Zoljargal Purevdash est manifestement une cinéaste qui certainement va s’affirmer dans ses films à venir.

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