La liberté d’expression ne permet pas l’injure, la diffamation, l’apologie du négationnisme et des crimes de guerre, les propos discriminatoires à raison d’orientations sexuelles ou d’un handicap, l’appel à la violence, à la haine raciale ou religieuse. Dans son dernier ouvrage Bruno Gaccio démontre qu’il existe une autre interdiction : l’humour politique satirique.
Par Jean-Paul Briand
Je n’aime pas Bruno Gaccio : il est trop narcissique et trop sûr de lui. Mais j’aime bien ce qu’il écrit. Ses livres ne laissent jamais indifférents : ils interpellent, dénoncent et piquent toujours là où ça fait un peu mal. Sa dernière publication aux Editions Massot, « De Mémoire de guignol » sous-titrée « La censure n’est jamais politique », est dans cette même veine.
L’ancien leader, de 1992 à 2007, des « Guignols de l’info » diffusés sur Canal+, réagit à l’effacement progressif et probablement planifié du programme d’humour politique, sur France Inter, « C’est encore nous » devenu, depuis peu, le « Grand Dimanche Soir ». Malgré son succès populaire avec ses chiffres en augmentation constante, cette émission initialement quotidienne a été déprogrammée, sans aucune explication officielle et contre la volonté de son équipe, pour être diffusée uniquement le dimanche. Qui a décidé cette modification délétère et pourquoi ? Ne peut-on pas rire de tout et l’humour a-t-il des limites ? Bruno Gaccio prend des risques et répond. Mieux encore, il argumente ses réponses.
La moquerie est la plus puissante des contestations
Le retraité des « Guignols de l’info » fait le triste constat que les émissions politiques d’humour et de satire ont disparu des médias de grande écoute, qu’ils soient télévisuels et radiophoniques. Il s’interroge sur les raisons de cette disparition et affirme ironiquement « ce n’est pas politique ». Mais quelles en sont alors les raisons, questionne Gaccio. Avec sa longue expérience, il a bien sûr quelques idées sur le sujet. Tout au long de son livre, il nous livre les pistes de réponses dans son style direct, impertinent, frondeur et toujours talentueux.
Pour Bruno Gaccio « la moquerie est la plus puissante des contestations, elle reste dans la tête quand la blague est inspirée et change la façon de voir, elle est non-violente, efficace, montre le roi nu selon la formule consacrée, dit la fatuité d’une pensée ou la violence d’une action en faisant rire ; elle est sympathique, percutante, dévastatrice pour les boursouflés de suffisance dont la communication orchestrée avec les médias amis se délite à son contact ». Aussi « les joyeux drilles ont-ils vraiment du pouvoir ? ». Bruno Gaccio répond à cette question dans les conclusions de son bouquin. Il y décortique les mécanismes d’une censure médiatique insidieuse et rampante qui va des pressions amicales de l’employeur et des personnalités politiques en place, des menaces des marques qui achètent la publicité, à la promotion bâillon et au déplacement d’horaire…
Au total : 190 pages éclairantes et roboratives qui dénoncent « un glissement irréversible et grave vers une société dure et autoritaire ».
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