C’est un nouveau petit pas en avant vers la réduction des pollutions que vient de franchir la Commission européenne. Afin de limiter les effets néfastes de l’ère anthropocène sur l’environnement et les organismes vivants, l’interdiction progressive de la vente de paillettes de plastiques dans l’Union européenne a été adoptée ce 25 septembre et a pris effet depuis le 16 octobre.
Par Valérie Thévenot
Présentes dans une multitude de produits cosmétiques, les paillettes de par leur aspect brillant s’invitent aussi systématiquement à la fête. Nous en avons tous chez nous, nous en avons tous acheté, bref nous adorons les paillettes. Alors, pourquoi les interdire ?
De quoi parle-t-on ?
Les paillettes font partie de la grande famille des microplastiques. Sont classées microplastiques, les particules de plastiques comprises entre 5 millimètres et quelques centaines de nanomètres (un nanomètre valant un milliardième de mètre). Nocives, elles participent à une pollution sans fin sur toute la planète. Indestructibles et insolubles à ce stade, elles s’invitent également dans les organismes vivants après avoir envahi les sols, les rivières et les océans. Leur composition (polymères et additifs) et leur très forte présence leur confèrent un statut de potentiels contaminants chimiques. Tout comme elles sont de potentielles contaminants biologiques par les bactéries qui se fixent à leur surface.
Hôtes involontaires, les microplastiques sont dorénavant présents dans notre alimentation, l’eau potable et même l’air que nous respirons. C’est ainsi que chaque année dans le monde, pas moins de 42 000 tonnes de microplastiques intentionnellement utilisés sont rejetées dans la nature. Les études menées sur la présence des microplastiques dans l’environnement et leurs conséquences sur la santé estiment que depuis leur invention, 10% des plastiques (polypropylène, polyéthylène et polystyrène pour l’essentiel) terminent leur vie dans les océans. Il était temps d’agir.
500 000 tonnes par an
Pour l’Europe, cette interdiction progressive de la vente de paillettes vise à réduire d’ici 2030 les rejets dans l’environnement d’environ 500 000 tonnes de microplastiques par an. À savoir, que les produits actuellement sur le marché peuvent être vendus jusqu’à écoulement des stocks. Cette décision de la Commission européenne participe au plan d’action européen « zéro pollution » afin d’arriver d’ici 2030 à réduire de 30% la pollution par les microplastiques.
460 millions de tonnes
C’est la production annuelle mondiale de plastiques (source OCDE). Avec une production mondiale toujours en hausse, les pollutions générées par les plastiques deviennent un enjeu sociétal de tout premier ordre. Repenser le cycle de vie de ces matériaux devient donc essentiel pour les chercheurs en plasturgie.
Dans un deuxième temps, une autre interdiction prendra effet. Cette fois-ci ce sont les microbilles de plastiques qui sont dans le viseur de la Commission européenne. En Europe, pas moins de 42 000 tonnes par an sont ainsi disséminées dans la nature. Ces microbilles de plastiques sont présentes dans les produits à rincer tels que les gels douche, les produits d’entretien et les détergents, les granulés utilisés pour les terrains de sport artificiels, et certains cosmétiques (rouge à lèvres, fards à paupières, vernis à ongles, etc.). Les délais avant l’interdiction totale varient en fonction de chaque classe de produits : dans 4 ans pour les premiers, 5 ans pour les seconds, 8 ans pour les troisièmes et 12 ans pour les derniers.
Quel retour de notre « Cosmetic Valley » Centre-Val de Loire ?
Contactées au sujet de ces interdictions progressives, le retour qui nous est fait par deux entreprises majeures situées dans le Loiret, Dior et Shiseido, est un silence assourdissant. Aussi nous nous sommes tournés vers Cosmetic Valley, le coordinateur national de la filière parfumerie-cosmétique rassemblant l’ensemble des acteurs, des territoires et des savoir-faire de la filière, de la culture des plantes jusqu’aux produits finis. Pour Christophe Masson, directeur général Cosmetic Valley, « l’interdiction de l’usage des paillettes libres dans les produits cosmétiques, décidée par la Commission européenne en septembre dernier, est bien évidemment un sujet d’actualité pour le secteur. Cela fait déjà plusieurs années que des industriels de la filière se sont emparés du sujet en innovant en faveur de la suppression des microplastiques dans les produits de beauté ». Parmi les fournisseurs en matières premières pour l’industrie cosmétique, citons Sensient Beauty avec une gamme de 102 bases de maquillage sans microplastiques ou l’entreprise Daito Kasei. Ces deux entités « travaillent depuis plusieurs années sur des substituts aux microplastiques ».
La préservation de l’environnement et les dangers du réchauffement climatique semblent donc motiver ce secteur, fort de plusieurs innovations tant du côté de la production, que du packaging ou des composants utilisés. Le programme de la 9ème édition du salon Cosmetic 360 (les 16 et 17 octobre 2024) le montre avec pas moins de 19 conférences prévues lors des journées Cleantech. Des nouvelles technologies y seront présentées pour répondre « aux défis actuels en matière d’écologie et de lutte contre le réchauffement climatique ».
Parmi ces conférences, citons celle animée par Christine Poisson et Vincent Duret, tous deux responsables labellisés Océan pour la Fondation de la Mer. Son intitulé : « Les enjeux de l’industrie cosmétique pour l’océan ». Son contenu : le défi du label Ocean Approved® à travers ses trois piliers que sont « Pollution, acidification et changement global du milieu marin », « Exploitation des ressources maritimes et côtières » et « Enjeux transversaux de l’OMD 14 (Objectifs du Millénaire pour le Développement 2014) ». Le but est « d’accompagner les entreprises dans leur rôle majeur et de plus en plus actif dans la sauvegarde de la planète bleue, en leur donnant les clés pour : comprendre et mesurer leurs impacts directs et indirects sur l’océan ; fixer des objectifs et identifier des actions concrètes pour protéger l’océan ; s’engager dans un processus d’amélioration continue (biodiversité, déchets, Gaz à Effet de Serre, etc.) ».
Grand tu es, minuscule tu deviendras
Les paillettes et les microbilles participent à cette grande gabegie, mais pas que. Tous les plastiques non recyclés, voire non recyclables, et qui finissent dans la nature (rubalises, sachets en plastique, contenants alimentaires,…) se dégradent à plus ou moins grande vitesse en particules infimes. Le chantier est certes vaste, mais jamais inutile à mener. Les secteurs où il n’y a pas de ramassages de déchets systématiques et institués sont nombreux. Chaque geste spontané qui consiste à ramasser durant une balade un morceau de plastique témoignera d’une attention individuelle portée au vivant.
Et pour les futurs nostalgiques des paillettes, si elles ne brillent plus dans vos yeux, il existe un remède à ce blues. À la nuit tombée, levez votre regard vers le ciel, et là vous aurez à nouveau le bonheur de voir briller des milliers de paillettes !