Protection de la nature et mélange des genres en Touraine…

[Billet] Un mois et demi après la publication par Magcentre de mon billet mettant en évidence l’évolution de l’état d’esprit des magistrats en Touraine, désormais bien disposés à appliquer la législation et les procédures en matière de protection de l’environnement, France 3 puis la Nouvelle République viennent confirmer et affiner nos informations.

Par Joséphine

Protecteur-pollueur

Souvenez-vous, le Parquet de Tours faisait état début novembre sur X ex-Twitter d’une grave pollution des berges d’un affluent de l’Indre. Rapidement saisi par la Procureure de la République, un juge avait ordonné la suspension du chantier suspecté d’être à l’origine des faits et obligeait les responsables à remettre en l’état les espaces concernés (Justice environnementale : le lent réveil du Parquet de Tours).
Dans des articles parus la semaine dernière, les journalistes Mariella Esvant et Benoît Bruère corroborent donc ce que mes sources avaient évoqué en novembre : il s’agit bien de pollutions importantes constituées de « plastiques, de cassettes audio, de géotextiles, de plâtres, de bétons, de bitumes, de carrelages et de parpaings »… sans même parler de la présence d’amiante qui aurait été, depuis peu, identifiée. Autre confirmation savoureuse : le chantier incriminé est bel et bien mis en œuvre par une structure spécialisée dans la restauration et la protection des espaces naturels fluviaux. France 3 et la NR ont même réussi à mettre un nom sur la structure en question. Il s’agit du SAVI, le Syndicat d’Aménagement de la Vallée de l’Indre, un établissement public de coopération intercommunale. Les journalistes ont également pu localiser le lieu de la pollution, il s’agit des berges du Montison, un petit affluent de l’Indre qui traverse la commune de Saché.

Interrogés par la presse, les responsables du SAVI plaident la bonne foi : les matériaux polluants auraient été livrés par erreur et auraient été immédiatement enlevés. D’ailleurs, l’établissement public a fait appel de la décision du juge de Tours devant la cour d’Appel d’Orléans, estimant qu’il n’y a plus de polluants sur place et que les travaux de restauration doivent reprendre au plus vite. La décision définitive sera rendue mi-janvier.

Mélange des genres à la tourangelle

Petit contre-temps à cause de la faute à pas de chance, direz vous. Peut-être. Sauf que certains détails interrogent, en un mélange des genres si typiquement tourangeau. Ce mélange s’incarne notamment en la personne du Maire de Saché, qui est le commanditaire des travaux de restauration tout en étant aussi président du SAVI, structure qui mène le chantier. En plus de ce cumul tout à fait légal et classique dans des petites intercommunalités, il se trouve que monsieur le Maire a connu une récente évolution de carrière. Ingénieur de formation, il est devenu depuis quelques jours responsable de…l’unité fluviale de la Direction Départementale des Territoires (DDT), ce même service d’État dont les agents assermentés ont constaté les pollutions du chantier du SAVI sur l’affluent de l’Indre à Saché. Le monde est petit, non ? En tout cas assez petit pour semer un certain trouble auprès des acteurs de la protection de l’environnement qui évoquent un possible conflit d’intérêts avec toutes ces casquettes sur une même tête.

Mais ce n’est pas tout. En ce moment même, les mairies voisines de Saché et de Pont-de-Ruan doivent faire face à une autre procédure environnementale. En effet, il y a quelques années, il avait été décidé conjointement de défricher des espaces boisés bordant le circuit automobile Christian Meunier qui est à cheval sur les deux communes. Ce défrichement ayant pour but d’installer un talus de terre afin de limiter les nuisances sonores pour les habitations environnantes et ainsi espérer un développement de l’activité du circuit, drainant touristes, usagers et médias spécialisés dans les sports mécaniques. Sauf que fin 2020-début 2021… la DDT dresse un procès-verbal d’infraction à l’encontre de Saché et de Pont-du-Ruan pour le défrichement qui, en réalité, n’a jamais été autorisé.

Le circuit de la discorde


Le Maire de Saché plaide aujourd’hui la bonne foi dans la démarche et évoque le manque de lisibilité de la législation, trop complexe (https://www.sache.fr/wp-content/uploads/2023/09/Deliberations-du-11-septembre-2023-en-attente-dapprobation.pdf). Mais cela peut laisser un peu dubitatif : le Maire actuel était déjà conseiller municipal à l’époque et il devait avoir connaissance du dossier, d’autant plus qu’il travaillait alors comme responsable du pôle de la maîtrise d’œuvre des ouvrages d’art du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, avec probablement quelques notions en matière d’aménagement et d’autorisations administratives.


En tout cas, depuis cet été, l’affaire du défrichement prend un tournant plus concret : les services compétents ont proposé un arrangement à Saché, basé sur le paiement d’une amende de plus de 40 000 euros et sur la remise en l’état de l’espace boisé, pour un coût évalué à 200 000 euros. Coût d’autant plus important que le démantèlement du talus serait complexe, vu qu’il intègre… des déchets inertes, valorisés légalement par cet enfouissement.


Les mairies de Saché et de Pont-de-Ruan n’ont pas accepté la proposition d’arrangement, considérant que les défrichements sont prescrits car relativement anciens. On se dirige donc vers une procédure judiciaire à rallonge, les deux communes ayant loué les services d’un seul et même avocat, spécialiste en droit commercial, des affaires et de la concurrence (https://www.villepontderuan.fr/wp-content/uploads/2023/09/CR-CM-11-SEPTEMBRE-2023.pdf).


Décidément, la Touraine et la sauvegarde de l’environnement face aux impératifs économiques, c’est une histoire compliquée. On se souvient toutes et tous, d’ailleurs, il y a un an presque jour pour jour, des accusations du Canard Enchaîné envers le ministère de l’Intérieur, suspecté d’avoir limogé la Préfète Marie Lajus qui comptait faire appliquer la réglementation environnementale face au projet d’incubateur high-tech à Reugny. Incubateur d’ailleurs toujours à l’ordre du jour.

Commentaires

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  1. Cet ancien monde qui se prétend nouveau est une Renaissance de l’ancien régime… Françaises Français, encore un effort pour devenir républicains !

  2. Effectivement, l’affaire n’est plus troublante mais limpide ! Et les berges de l’Indre ravagées par cet amas de calculs politicards sordides !!!
    L’éviction, la noyade ?, de la préfète devient alors une évidente et sordide manipulation.
    Tous mes vœux Joséphine. Tu reprendras tes séances dominicales au bateau ivre ?

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