Comme un conte de Noël. A l’occasion du 120e anniversaire de la disparition de Paul Gauguin (1848 Paris, 1903 Iles Marquises), un hommage est officiellement rendu par Orléans à cet artiste qui a passé une partie de son enfance et de son adolescence dans la cité johannique. Ce jeudi 21 décembre ont été inaugurées au 25 quai de Prague, une plaque commémorative sur sa maison de jeunesse et une promenade Paul Gauguin longeant la Loire.
Par Jean-Dominique Burtin
Photographies de Valérie Thévenot
Gauguin – Plaque sur la façade du n° 25 – Photo Valérie Thévenot
Genèse et synergie d’un projet culturel
De fait, c’est en septembre 2022 que sous l’instigation d’un de ses adhérents, Benoit Gayet, acteur culturel de la cité et président des Artistes Orléanais, que le Comité de Quartier Orléans Saint-Marceau présidé par Philippe Legesne, décide d’intégrer dans sa mission de défense, « la valorisation de la mémoire et du patrimoine de son quartier ». S’appuyant sur les recherches historiques et essentielles de Christian Jamet, romancier orléanais et auteur notamment de « Gauguin à Orléans » (Editions La Simarre 2013), et de « Gauguin les chemins de la spiritualité » (Editions Cohen & Cohen, 2020), un projet voit le jour : mettre en valeur la vie du peintre Paul Gauguin à Orléans puisque l’artiste a vécu à Saint-Marceau de 1855 à 1862. Présenté au maire d’Orléans et aux élus du quartier lors de l’assemblée générale de l’association en janvier 2023, le projet retient immédiatement l’attention des édiles et de l’assemblée présente.
Une heureuse valorisation du patrimoine
Soutenue par la municipalité, cette action s’inscrit dans le cadre d’une valorisation du patrimoine du quartier et, plus largement, dans la perspective du rayonnement culturel d’Orléans, Ville d’Art et d’Histoire dont le musée possède deux tableaux de l’artiste : une « Clairière » (1874) et la célèbre « Fête Gloanec » (1888).
Gauguin – Fête Gloanec, huile sur bois, 1888, MBA d’Orléans – Photo Valérie Thévenot
Par ailleurs, au plan national, le projet a reçu les encouragements d’Isabelle Cahn, conservatrice générale du patrimoine, spécialiste de Gauguin, et de ceux de Christophe Leribault, directeur du musée d’Orsay.
Sensibilisation en amont et bel aboutissement
À la conférence donnée par Christian Jamet, salle Paul Gauguin, à Orléans, le 12 septembre dernier « Un Orléanais nommé Paul Gauguin, enfant de Saint-Marceau », a donc succédé ce jeudi, l’inauguration d’une plaque apposée sur la façade de la maison du 25, quai de Prague. Face à elle, longeant la Loire, une « Promenade Paul Gauguin » ancre elle aussi le souvenir de l’artiste dans une cité qui a par ailleurs déjà donné le nom de Paul Gauguin au lycée professionnel du quartier de La Source. Ce jeudi, au Troquet Royal, chaleureux espace à deux pas des Tourelles du Pont Royal, s’est tenue une conférence de presse lors de laquelle Christian Jamet fut un orateur passionnant et captivant. Peu après, de nombreuses personnalités invitées, se sont retrouvées au pied de la maison de Paul Gauguin et sur la désormais Promenade Paul Gauguin pour applaudir au dévoilement des plaques.
Les attaches orléanaises de Paul Gauguin
Venu du Pérou avec sa mère et sa sœur Marie, Paul Gauguin a vécu près de neuf ans à Orléans, entre 1855 et 1862, puis au cours de l’année scolaire 1864-1865 durant laquelle il a été élève au lycée de la rue Jeanne d’Arc avec Charles Pensée pour professeur de dessin. Et c’est du reste sous la conduite de ce dernier qu’il dessinera « Chalet en Suisse au bord de Loire », en 1865 (lire en encadré).
Paul Gauguin Chalet suisse en bord de Loire, 1865 Encre de Chine et aquarelle sur papier Canson, signée en bas à gauche ” Gauguin. P. ” et datée en bas à droite ” le 2 juillet 1865 “. Haut. 25, Larg. 39,5 cm. Contrecollée sur une feuille de papier (28,7 x 43,5 cm).
Divers documents d’archives ont permis d’établir qu’il avait habité au n° 25 de l’actuel quai de Prague, alors nommé quai Neuf (et non au 7, rue Tudelle où une plaque fut jadis apposée par erreur), dans une maison dont il a été héritier, jadis achetée par son grand-père paternel, Guillaume Gauguin, ancien épicier près de la Croix Saint-Marceau.
Même si Paul Gauguin n’a jamais peint à Orléans
Si l’on omet l’aquarelle du Chalet suisse, Paul Gauguin n’a jamais peint à Orléans. Il y a cependant fait l’essentiel de ses études. L’ouvrage intitulé « Les Chemins de la spiritualité » de Christian Jamet permet de découvrir l’œuvre de l’artiste, souligne notamment l’importance de l’éducation qu’il a reçue au petit séminaire de la Chapelle-Saint-Mesmin (alors sous la houlette de Monseigneur Dupanloup) entre 1859 et 1862.
Aujourd’hui on ne peut que se féliciter, après l’ouverture en septembre dernier de la promenade Maurice Genevoix et l’inauguration du buste en bronze de l’écrivain par Sylvie Desmoulin sur le quai Barentin, de ce baptême d’une promenade Paul Gauguin sur le quai de Prague. Il s’agit là d’un geste fort, celui de la reconnaissance de grandes figures culturelles d’Orléans et du département. Et c’est avec tendresse que l’on ne peut que penser, avec Christian Jamet et bien d’autres, à cet enfant, ce “Petit Paul”, non encore peintre de renom mais qui rêvait sans doute, face aux ondes de la Loire, de faire à son tour s’écouler de belles illuminations.
Benoit Gayet : « Une place singulière de la vie d’un artiste mondialement connu »
« Chacun a des préférences artistiques personnelles, je ne suis pas un spécialiste de Paul Gauguin, mais ce que j’apprécie particulièrement chez ce peintre c’est sa quête de l’authenticité, son approche novatrice de la couleur et du symbolisme. Il a eu une influence déterminante sur l’art moderne.
En célébrant le 120e anniversaire de sa disparition de manière significative, Orléans, grâce notamment aux travaux de recherches essentiels de Christian Jamet sur l’enfance orléanaise du « Petit Paul », le fait de posséder deux œuvres de cet artiste visibles au Musée des Beaux-Arts, confirme sa place singulière dans cette étape souvent méconnue de la vie de cet artiste emblématique mondialement connu. »
Christian Jamet : « Au centre mystérieux de la pensée »
« Gauguin va accoucher de lui. A partir de lui-même, à partir du cloisonnisme, il va évoluer avec Emile Bernard vers le synthétisme. C’est-à-dire une peinture purement mentale. Une vision du réel purement intérieure. Mon centre créatif est, dit-il, dans mon cerveau. Et il reproche aux impressionnistes d’avoir été en sorte trop polarisé sur l’œil au détriment du centre mystérieux de la pensée. »
William Chancerelle : « Une œuvre de longue haleine »
« Paul Gauguin compte parmi les grands artistes de l’histoire d’Orléans. Nous ne pouvons que nous féliciter de cet hommage et de la présence de la “Fête Gloanec”, une œuvre de bascule acquise 300 000 francs de l’époque au titre des dommages de guerre. Aujourd’hui, inutile de dire que la cote de l’œuvre est sans commune mesure. La reconnaissance de l’œuvre de Paul Gauguin, engagée par le Comité Saint-Marceau avec le plein soutien de la ville demeure une œuvre de longue haleine et nourrit profondément le rayonnement d’Orléans.»
Le « Chalet suisse en bord de Loire »
Paul Gauguin réalisera cette œuvre 1865 sous sa conduite de Charles Pensée. Une œuvre de jeunesse, l’un des plus anciens dessins connus de l’artiste, encre de Chine et aquarelle sur papier signée en bas à gauche Gauguin P et datée le 2 juillet 1865. En 2019, elle sera mise en vente sous le ministère de Maître Rouillac, au Château d’Artigny (Indre-et-Loire) et sera acquise pour 80.000 euros par un collectionneur français habitant en… Suisse.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Christian Jamet : « Gauguin ou la culture de l’intériorité »