Contexte économique inquiétant, sentiment d’abandon vis à vis de l’Etat, Maison de l’Enfance saturée, le département du Loiret fait grise mine à l’approche des fêtes de fin d’année. Face à la détérioration de la prise en charge des mineurs, il annonce des mesures d’urgence non sans rejeter la faute sur l’Etat.
Par Mael Petit
En cette période d’orientations budgétaires le département du Loiret n’est pas épargné par le climat d’inquiétude qui règne sur bon nombre de collectivités après une année 2023 marquée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Le président du Conseil départemental Marc Gaudet tire même la sonnette d’alarme, lui qui constate la dégradation des finances. « Tous les voyants sont petit à petit en train de passer dans le rouge », annonçait-il même en introduction de session à ses collègues ce jeudi 14 décembre. Le Loiret observe un ralentissement significatif de ses recettes – chute de celles perçues pour les droits de mutation avec un marché de l’immobilier en crise – accompagnées d’une hausse de ses dépenses et des charges incompressibles. Une tendance qui va se renforcer en 2024 et qui inquiète Marc Gaudet pour les années à venir surtout si l’Etat n’est pas au rendez-vous pour épauler les collectivités. « Nous arrivons au bout de notre système politique territorial, déplore-t-il. La décentralisation dans notre pays est en net recul depuis une dizaine d’années et en coupant la fiscalité locale des recettes départementales, le gouvernement fait de nous des opérateurs de l’Etat. Mais le Département n’est pas qu’une simple “agence de l’Etat” chargée de verser des allocations individuelles de solidarité ».
La protection de l’enfance sous tension
Le président du conseil départemental est coutumier des piques à l’encontre de Paris dont il rappelle régulièrement son manque de responsabilités. On l’a vu cette année sur le dossier de l’accueil des gens du voyage dans le Giennois quand, excédé,
il avait interpellé dans un courrier Élisabeth Borne pour enjoindre la Première ministre à débloquer la situation. Et c’est aussi le cas sur le sujet de la protection de l’enfance, point qui cristallise pas mal de critiques. Notamment sur les moyens mis en œuvre pour accueillir les mineurs confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance.
Aujourd’hui la Maison de l’Enfance est engorgée avec pas moins de 150 jeunes accueillis pour une capacité de 95 places. Sujet de crispation lors de la dernière session, Marc Gaudet en remet une couche en rejetant la faute sur
« la défaillance de la politique nationale et les manques de moyens de la Protection Judiciaire de la Jeunesse » qui une fois son service saturé, redirige les jeunes vers les services départementaux.
« On nous considère comme le dernier réceptacle au bout de la chaîne », se plaint-il. Une situation que le département décrit comme extrêmement tendu et qu’il avoue gérer comme il peut.
« De toute façon, il n’y a pas de recette miracle », concède le président du département.
Et s’il montre une pointe de fatalisme sur le sujet, c’est bien parce qu’il se sent abandonné par l’Etat, d’une part, mais qu’il fait aussi face à une situation qui devient
« intenable », sentiment renforcé par
le déficit d’attractivité des métiers du social loin d’être nouveau pour un secteur boudé partout sur le territoire.
« D’autant que l’on a parfois affaire à des jeunes violents que le personnel n’est pas formé à gérer ». Mais du côté de l’opposition, on reste convaincu que les investissements consentis ne reflètent pas le discours qui place la protection de l’enfance parmi les priorités de la majorité. Et ce en dépit des moyens supplémentaires alloués chaque année.
« La petite musique qui ferait dire qu’on n’en fait pas assez n’est pas en cohérence avec la réalité du terrain. Je rappelle quand même que le budget consacré à cette politique est passé de 49M€ en 2018 à 73M€ cette année », s’agace Florence Galzin vice-présidente en charge de l’Enfance, l’Éducation et la Jeunesse qui, en prime, met en exergue les 600 000 euros par an de revalorisation pour les acteurs du social.
« En faire plus que ça ? Comparez donc aux autres départements et on verra bien où on est placés ». La vice-présidente annonce tout de même des mesures concrètes d’urgence pour pallier la situation avec l’ouverture de maisonnées dont une à Saint-Jean-le-Blanc ces prochaines semaines. Alors que 150 places de plus sont envisagées d’ici la fin 2024, la progression du nombre de mineurs à accueillir devrait rapidement en requérir davantage.
Enthousiasme retrouvé pour la réforme du RSA
En revanche s‘il y a bien une chose venant du gouvernement qui a les faveurs du département, c’est bien la réforme portant sur l’accompagnement resserré des bénéficiaires du RSA. Une expérimentation qui a débuté en mars 2023 dans une zone circonscrite à l’agglomération montargoise. Le programme “France Travail” a ouvert la voie à des orientations personnalisées pour plus de 700 personnes depuis son lancement. Chaque individu a été guidé vers un parcours social ou professionnel, adapté à ses besoins spécifiques. Depuis, 100% des nouveaux allocataires du territoire sont systématiquement orientés, tandis que depuis l’été dernier, une reprise progressive concerne les personnes déjà allocataires. L’objectif affiché d’ici la fin de l’année est d’accompagner environ 1 500 personnes, avec une ambition accrue de 800 supplémentaires à l’été 2024. Difficile encore de tirer des conclusions d’après les premiers résultats bien que sur les 50 premières personnes intégrées dans le programme, 31 ont réussi à trouver un emploi en moins de 6 mois. Le département a par ailleurs renforcé ses équipes avec le recrutement de 9 référents de parcours en insertion. Qu’il faudra renforcer l’année prochaine puisque le département prévoit d’élargir le dispositif « à Gien et Pithiviers à partir de juillet 2024 ».
*À travers une convention avec l’État, une enveloppe budgétaire de 2,1 millions d’euros a été allouée pour le co-financement de contrats aidés en 2024. Ces 2,1 millions d’euros seront dédiés à soutenir 75 contrats au sein du “Parcours Emploi Compétences” (PEC), un dispositif associant formation, accompagnement professionnel personnalisé, et une aide financière pour les employeurs.
Les sénatoriales bousculent la composition de l’assemblée départementale
Suite aux élections sénatoriales, Pauline Martin a quitté l’exécutif remplacée par Anne Gaborit (canton de La-Ferté-Saint-Aubin). Si l’ancienne vice-présidente chargée de l’Emploi, Economie, Ressources humaines et Solidarité territoriale demeure toujours dans l’assemblée, Christophe Chaillou lui a démissionné de sa fonction de conseiller départemental suppléé par Vincent Devailly, élu PS de La Chapelle-Saint-Mesmin. Autre démission mais contrainte cette fois, celle de Frédéric Néraud de son poste de 8ème vice-président en charge de l’aménagement du territoire. Il paye ses ambitions personnelles et son cavalier seul lors des sénatoriales face à la liste d’Hugues Saury et Pauline Martin.
« On ne peut pas jouer sur deux tableaux et surtout contre son propre camp », taclait Marc Gaudet il y a quelques semaines.
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