Anne-Sophie Guénéguès est auteur de nouvelles et écrit aussi pour le théâtre. Sa première pièce devrait être montée en 2024. Elle est la lauréate de la première édition du Prix Guillaume-de-Lorris, porté par les éditions de l’Andriague et la mairie de cette petite ville de l’est du Loiret, riche d’un patrimoine culturel immatériel qui ne demande qu’à être mis en valeur.
Propos recueillis par Izabel Tognarelli
Magcentre : Le jury a reçu dix-huit manuscrits, dont le plus éloigné est arrivé de New York. Comment avez-vous eu connaissance de ce concours ?
A.S.G : J’ai vu passer un post des éditions de l’Andriague sur Linkedin. Il fallait demander le règlement du concours par message privé, ce que j’ai fait.
Aviez-vous déjà participé à d’autres concours ?
J’avais déjà participé à deux autres concours. Quand je vois passer une information de ce type, je la saisis. Avec ce même manuscrit, j’avais déjà participé au Prix Jean-Anglade du premier roman, organisé tous les ans par les Presses de la Cité. C’est un concours important, de l’ordre de 400 manuscrits reçus et j’avais été finaliste. Au téléphone, l’éditrice m’avait dit que le jury avait été très partagé, que cela avait été très serré entre moi et la lauréate.
La même situation s’est répétée pour ce prix Guillaume-de-Lorris, avec l’autre finaliste, Élisabeth Roche et son roman Marcher dans les sables du temps.
Oui, j’en ai été informée. J’ai aussi participé aux Murmures littéraires, concours qui a lieu depuis quelques années et qui réunit plusieurs catégories littéraires dont le roman contemporain, catégorie dans laquelle je concourais. Cette fois-ci, c’était de l’ordre de 600 manuscrits, avec dix finalistes. Là encore, je faisais partie des dix finalistes de l’édition 2022.
Vous êtes par ailleurs correctrice dans le milieu de l’édition. Pensez-vous que cela vous a aidée à finaliser un manuscrit dans une forme quasi aboutie ?
Certainement. J’ai longtemps hésité à me mettre au roman, car je corrigeais beaucoup de mauvais romans, des choses effectivement non abouties, avec des passages mous. Je me disais qu’il n’était vraiment pas facile d’écrire un roman, car je vois bien tous les défauts des premiers romans : je me retenais à cause de ça. Le fait que je sois correctrice me permet déjà de faire moins de fautes que beaucoup d’autres écrivains. Si la forme est déjà là, cela permet à un éditeur de beaucoup moins « sortir du roman », d’être embarqué par l’histoire, les personnages et l’émotion ; on n’est pas interpellé par des fautes de mise en page, des fautes de grammaire, de conjugaison, d’orthographe. Je pense que cela permet d’adhérer beaucoup plus au projet.
Le prix Guillaume-de-Lorris vous a été attribué pour votre roman « En attendant » (titre provisoire). Comment avez-vous vécu ce moment ?
J’ai fait une danse de la joie. J’étais vraiment contente : pour une fois, je ne passais pas tout près du prix, j’étais la lauréate. C’est une fierté, et même un honneur. Je me suis dit que les membres du jury ne me connaissaient pas et n’avaient pas lu mes autres écrits : ce n’est pas un prix d’amitié. Ce n’est pas non plus un prix lié à ce que j’ai pu faire auparavant ou à ce que je suis en tant que personne : c’est vraiment un prix lié à l’écrit seul. C’est une consécration, en fait, de me dire que c’est mon livre, mes mots qui ont touché. C’est uniquement la qualité de l’écrit qui a emporté ce prix.
Comme nombre de personnes pourtant intéressées par la littérature et son histoire, Anne-Sophie Guénéguès connaissait Le Roman de la Rose, mais pas Guillaume de Lorris : ce prix littéraire l’a amenée à faire le rapprochement. Le fait est que, dans la majorité des esprits contemporains, l’œuvre allégorique écrite au XIIe siècle, considérée comme le premier « best-seller » de l’histoire de la littérature française, est associée à Jean de Meung, qui pourtant n’en a écrit que la seconde partie. L’initiateur, qui a écrit les 4 058 premiers vers, est bel et bien Guillaume de Lorris. On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n’est que, d’extraction noble, il est né à Lorris et qu’il bénéficiait de la protection du comte de Poitiers, frère de Saint-Louis. Son œuvre poétique, emblématique de l’amour courtois, a traversé les siècles : elle a été appréciée jusqu’au XVIIe siècle. Elle a aussi traversé « le Channel », puisqu’elle fut traduite au XVIe siècle par Geoffrey Chaucer. Avec la charte de Lorris, document fondateur aux yeux des historiens du droit, Le Roman de la Rose fait partie du patrimoine culturel immatériel français. Ce prix littéraire, qui en est à sa toute première édition, contribue à le mettre en valeur.
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