Une collection de dessins du XVIIe au XIXe siècle, réunie par les collectionneurs Véronique et Louis Antoine Prat, est présentée au public dans un parcours thématisé intitulé « A la poursuite de la beauté » Environ 240 pièces sont ainsi sorties de la collection privée des esthètes parisiens pour une exposition riche, originale et passionnante ouverte au Musée des Beaux-arts d’Orléans jusqu’au 24 mars 2024.
Par Anne-Cécile Chapuis
Détail “Feuille d’études de têtes”, entre 1725 et 1735, Jean Restout – cl Valérie Thévenot
Louis Antoine Prat fait autorité dans le monde des spécialistes du dessin. Sa collection patiemment élaborée au fil des années, ses connaissances l’ayant conduit à éditer des ouvrages de référence, ses expositions réalisées dans le monde entier, en font un incontournable d’un genre pointu et peut-être peu connu du grand public. D’où l’intérêt de l’exposition concoctée par Olivia Voisin (directrice des musées d’Orléans) et Medhi Korchane (conservateur des arts graphiques), judicieusement soulignée comme le « journal intime de la collection Prat »
Medhi Korchane, conservateur des arts graphiques, MBA Orléans – cl Valérie Thévenot
Une double histoire : celle du dessin et celle des collectionneurs
Faire la part belle aux collectionneurs au Musée d’Orléans n’est pas une démarche neutre. En effet, c’est ainsi qu’a démarré l’histoire de notre musée, avec un appel lancé aux Orléanais en 1823 par Gaspard de Bizemont (bras droit de Aignan-Thomas Desfriches). Appel largement suivi avec l’apport de plus de 700 œuvres privées en quelques années. Le MBA était né !
Aujourd’hui, l’exposition des dessins renseigne sur une double histoire. Tout d’abord celle du dessin lui-même, qui fait cheminer au plus près de l’artiste. Souvent préparatoire à un tableau, sorte d’ébauche ou première esquisse, le dessin révèle l’intimité d’un peintre dont on voit le geste, le style, la pensée, presque comme si nous tenions la plume ou le crayon avec lui ! Il renseigne aussi sur les grands tableaux qui s’en sont suivis en approchant l’idée première, assistant à l’origine d’une gestation avec tout le parcours qui va avec. Ceci donne des pièces de toute beauté, à l’esthétique très émouvante et à regarder de près.
L’autre histoire, c’est celle du collectionneur, ce passionné qui cherche, découvre et préserve un patrimoine. Véritable « âme des musées », il donne toute sa dimension à une œuvre, la met en valeur par le ré-encadrage (ce qu’ont fait systématiquement les époux Prat), peut la dater ou l’attribuer, voire rectifier des attributions erronées, signaler son parcours et parfois identifier ses illustres propriétaires successifs. Rien d’étonnant alors qu’il mette sa propre signature sur les œuvres de sa collection.
Photographie exposée de Véronique et Louis Antoine Prat – cl Valérie Thévenot
Un parcours thématique de Poussin à Chennevières
Outre son objet, l’exposition orléanaise est originale par sa présentation. Les deux commissaires ont cherché à se démarquer du classique ordonnancement chronologique pour proposer un parcours thématique, offrant beaucoup de relief sur l’histoire du dessin et de ses collectionneurs. Ainsi les salles font alterner les « provenances illustres » avec « le plaisir de l’attribution », la « recherche de la transmission » mais aussi les options plus personnelles des collectionneurs avec leurs « artistes fétiches » comme Poussin ou Watteau ou leurs « choix et sacrifices ». Une présentation originale montre ainsi un dessin entouré des reproductions de ceux dont les époux Prat se sont séparés pour en faire l’acquisition. C’est très parlant et instructif sur les options auxquelles sont confrontés les collectionneurs.
L’exposition va plus loin encore avec un gros plan sur « la matière du dessin », avec explications sur le papier, la couleur, les réhauts. Quelques anecdotes sont aussi évoquées avec « la patience récompensée »
Et, bien sûr, les thèmes regroupés (figures, leçon des morts, souvenirs romains, étrangetés…) donnent à voir de magnifiques dessins tout en finesse et expressivité. Que ce soient les visages de Greuze ou Boilly, les drapés de Berjon ou Philippe de Champaigne, les paysages d’Hubert Robert ou Fouquières, les scènes antiques de Fragonard ou Desprez, ce parcours dans l’univers du dessin est un régal pour les yeux et la découverte.
A voir et revoir sans modération jusqu’au 24 mars 2024.
Renseignements pratiques :
Du mardi au vendredi : 10h à 18h
Dimanche : 13h à 18h€
Tarif plein : 6€. Entrée libre le premier dimanche du mois
www.orleans-metropole.fr/musee-ba@orleans.fr
Pour en savoir plus :
https://www.magcentre.fr/216439-ingres-avant-ingres-dessiner-pour-peindre-au-musee-dorleans-une-exposition-originale-et-tout-en-finesse/
https://www.magcentre.fr/250879-jean-bardin-a-orleans-une-exposition-a-rebondissements/