« La bande dessinée, c’est un art sérieux »

Bd Boum, le festival de bandes dessinées blésois, souffle ses 40 bougies. À cette occasion, son directeur depuis 2004, Bruno Genini a bien voulu répondre aux questions de Magcentre sur l’esprit de la troisième plus grande manifestation du genre en France après Angoulême et Saint-Malo.


Propos recueillis par Jean-Luc Vezon

Bruno Genini présente l’ouvrage collectif réalisé pour les 40 ans de bd BOUM. Photo Jean-Luc Vezon.


Magcentre. Comment expliquez-vous le succès et la pérennité de bd BOUM ?

Bruno Genini.
Je crois que le festival s’enracine dans le tissu associatif et local. En 1984, pour la première édition sous la halle marchande Louis XII, la Fédération des Œuvres Laïques (aujourd’hui Ligue de l’Enseignement), l’AJBD et l’ALEP (Maison de quartier) ont souhaité proposer un évènement populaire pour promouvoir le 9e art. Les pionniers (José Poulin, Daniel Fuchs, Thierry Bunas, Jean-Michel Lemaire, Alain Roussel ou Jean-Benoît Delaporte) étaient portés par leur passion et la volonté de porter les valeurs fortes de l’éducation populaire.


Quelles ont été les principales étapes ?

Dès 1985, le festival déménage au château de Blois. L’arrivée de Jack Lang à la mairie en 1989 va booster la manifestation. L’ancien ministre apporte des moyens et fait venir une équipe de talents parisiens (Rodolphe, Patrick Gaumer, Didier Moulin). La mayonnaise va prendre rapidement. En 1996, pour bd BOUM 13, nous déménageons à la Halle aux Grains. Cela restera la configuration actuelle.

L’ADN de bd Boum est d’être un festival socialement engagé promouvant la laïcité, la citoyenneté, le partage et l’humanisme avec des actions socio-éducatives toute l’année. Rien n’a changé depuis 1984. Jean-Charles Enriquez, président de l’association et toute l’équipe du CA restent attachés à la gratuité qui constitue une ouverture vers le grand public et nos futurs lecteurs.



Comment y arrivez-vous financièrement ?

Nous avons des soutiens fidèles comme l’Etat, la région Centre-Val de Loire, la ville de Blois, les organismes de gestion collective (SAIF, ADAGP, Sofia) mais aussi des mécènes tels Keolis ou Engie. Le budget de l’association s’établit à 500 000 euros. Il nous permet d’organiser un festival joyeux et militant qui accueille 23 000 visiteurs durant trois jours. Toute cette histoire d’amitié et d’engagement bénévole est racontée dans Parole de bd BOUM, le livre que l’association a édité pour son 40e anniversaire.


Avez-vous un souvenir marquant ?

En 2013, le festival a été pollué par la manif pour tous. Nous avions édité
« Les Gens normaux – Paroles lesbiennes gay bi trans – Qu’est-ce que la normalité ? » avec une préface de Robert Badinter sans savoir que la loi sur le mariage pour tous déclencherait ces manifestations. Cela m’a contrarié et nous avons dû intervenir.

Sur le fond, je crois que la bd est un art sérieux qui véhicule des valeurs. Depuis « Bécassine » en 1905, « La bête est morte ! » de Calvo publié en 1944 ou « PIF » en 1969, la démarche artistique des auteurs témoigne de leur engagement.

« Comment encadrer cette avancée technologique pour que la bd augmentée ne soit pas une humanité diminuée ? »

Comment expliquez-vous le succès de la bd avec 85,1 millions d’albums vendus en 2021 ?

Il y a aujourd’hui 5 000 créations et traductions annuellement. Le secteur est clairement en développement. Plusieurs raisons à cela. D’abord la montée en puissance des albums qui ont remplacé les publications ces dernières années avec une multiplicité d’éditeurs (1). L’arrivée du numérique a donné un coup de fouet rendant plus simple la production tout en fragilisant les auteurs. Les carrières sont devenues difficiles. Parfois, même Kleenex. Enfin, il y a le phénomène des mangas et comics qui représentent la moitié des bd achetées, et sur lequel nous réfléchissons.


Redoutez-vous l’arrivée de l’intelligence artificielle ?

Il ne faut pas être naïf, c’est parti. Thierry Murat a déjà sorti « initial_A. », une BD entièrement dessinée par une IA. Le vrai sujet, c’est comment protéger les auteurs et encadrer cette avancée technologique pour que la bd augmentée ne soit pas une humanité diminuée. Le festival 2023 va aborder cette question fondamentale avec un débat, en partenariat avec la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), vendredi 17 novembre (17 h) à l’auditorium Samuel Paty de la bibliothèque Abbé Grégoire.


Pour finir, quels sont les temps forts de l’édition du 40e anniversaire prévue du 17 au 19 novembre ?

Nous mettons à l’honneur Joost Swarte, Grand Boum Ville de Blois 2022 et la bd néerlandaise. Pilier de la bd underground de ce pays, inventeur du terme « ligne claire », il est un artiste de renommée internationale, créateur de « Jopo de Pojo » et collabore avec des revues comme Raw ou The New Yorker. Deux expositions Les amie.e.s de Joost, en partenariat avec l’ambassade des Pays-Bas, et Vous & Nous à la Halle aux Grains sont programmées. Cette dernière propose la construction collective avec de jeunes bédéistes hollandais d’une exposition qui sera présentée le dimanche à 16h. Nous allons aussi inaugurer la fresque artistique de Régis Loisel, en sa présence, place Chanoine Tournesac. Sans oublier, le salon de la bd à la HAG avec ses 70 exposants et 220 auteur.e.s en dédicace.

(1) Les plus importants : Glénat, Delcourt, Médias participation (Dargaud, Dupuis, le Lombard…).

 

L’escalier Denis Papin s’est paré d’une bibliothèque dessinée par Joost Swarte, Grand Boum 2022.
Photo Jean-Luc Vezon.

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Très content d’avoir vu cet article sur BD BOUM dans MagCentre. J’ai appris des choses sur l’histoire de ce très beau festival que j’adore et auquel je me rends tous les ans. Il y a toujours une belle programmation de qualité. J’applaudis vivement l’association BD BOUM pour tout ce qu’ils font sur le territoire blésois en matière de BD

Les commentaires pour cet article sont clos.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    1°C
  • vendredi
    • matin -2°C
    • après midi 2°C
Copyright © MagCentre 2012-2024