Le Mondanéum-Studio, un recueil de souvenirs bientôt foudroyés

La « T17 », à Orléans La Source, sera foudroyée le 29 octobre prochain à 11 heures. La programmation de cette destruction a créé, pour le photographe Malik Nedjmi, le besoin d’enregistrer sur des supports argentiques, audio et vidéo la mémoire des lieux, et des habitants. Un appartement a été aménagé en studio galerie où les témoins viennent s’exprimer.

Par Jean-Marc Dumas.


C’est la disparition d’un symbole du quartier de la Source.
 Cette tour de 17 étages et de 273 logements aura structuré le paysage et marqué des générations durant 53 ans. Elle fut construite en 1970 en parallèle de l’immeuble des Chèques Postaux et selon le plan général d’aménagement de Louis Arretche, architecte en chef, expérimentant une « cité pilote du 21ème siècle » dont « les princes seront les piétons ».

Le photographe Malik Nejmi est l’un d’entre eux. L’artiste connaît parfaitement cette tour et ce quartier où il a passé son enfance. Alors à l’occasion des Journées Nationales de L’Architecture (13/14/15 octobre 2023), Malik et Elke Mittman, directrice de la Maison de l’Architecture, ont ouvert le Mondanéum-Studio où sont proposés des échanges entre habitants et architecture, une exposition de photos et de livres et la mise à disposition d’un labo photo. 

Le Mondanéum-studio de Nejmi/Mittman fait écho au Mundaneum (Musée mondial de Genève – 1929) de Le Corbusier. Elke Mittman a décrit la genèse de La Source et expliqué comment Louis Arretche a copié et inséré ce projet dans son plan de masse. Il le situait devant la T17, ce que l’on peut voir sur le tirage papier du grand plan exposé. Le projet de « Mundaneum » pour la ville de Genève avait une ambition proportionnée à l’esprit visionnaire et aux utopies de Le Corbusier. Mais il n’a pas été réalisé.

Plan de masse. Photo JMD


Une exposition éphémère

Le Mondanéum-studio, dans sa modeste surface, expérimente ainsi un lieu de rencontres et de collecte de récits, de mémoires, des parcours, des vies des générations d’habitants, de ceux qui sont arrivés, arrivés d’ailleurs, nés et grandis ici, partis mais reliés à cette histoire.

Pour concrétiser les liens entre mémoires, habitants et images, l’exposition présente des photos d’œuvres de Hamid Jarboui art-thérapeute et plasticien mosaïste. Celui-ci témoigne en commentant ses interventions dans les immeubles de l’allée Camille Flammarion au cours des années 1990. Ses « Salons Collectifs », magnifiques œuvres d’art en mosaïques, ont été réalisés dans les halls d’entrée des immeubles. Elles sont l’aboutissement de discussions avec les habitants et leurs enfants. Le résultat est que les familles, les enfants se sont appropriés les parties communes des immeubles comme les salons de tous. L’art, comme outil de lien, est alors devenu un bien commun. Son témoignage a été amplifié par la prise de paroles de femmes enthousiastes, enfants en 1990. Elles ont souligné l’impact du travail avec Hamid Jarboui sur leur vie. L’art-thérapie que pratique Hamid Jarboui n’avait pas besoin d’être plus expliqué, ces femmes l’ont superbement illustré.

Mosaïques dans les halls d’entrée. Photos JMD


De son côté, Malik Nejmi aime parler de la tour T17 qu’il a habitée.
 Il le fait de l’intérieur au moyen de photos en très grands formats nommées « Super-fenêtres » réalisées dans les appartements vides de l’édifice. Des petites chambres, dépouillées, déshabillées de leurs papiers peints, de leurs huisseries et vitrages. On y voit quelques traces intérieures et la puissante lumière extérieure et un paysage lointain sur certaines. Le photographe avoue même qu’il lui arrivait de « voir le Maroc à l’horizon ».

Le 29 octobre, lors de la destruction de la T17, des élèves de 3ème du collège Alain Fournier, dans le cadre de l’atelier animé par Malik Nejmi et leurs professeures, seront munis chacun d’un appareil photo. Ils commenceront ce jour-là une collecte d’images pour en construire une constellation. Ils chercheront les liens entre architecture, récit de soi et la transmission. La performance sera restituée à l’issue du travail.

Infos pratiques : Mondanéum-Studio exposition d’octobre 2023 à janvier 2024
2 rue du Général Ferrié, 45100 Orléans La Source

Commentaires

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  1. Le mundaneum du Corbu a pris , avec M Nejmi et E Mittman l’O pour devenir le mondaneum

  2. Le “très grand format” ne fait pas obligatoirement de très grandes photos. L’approche du photographe Bogdan Gîrbovan dans un immeuble roumain aurait sans doute été humainement plus juste pour nous montrer ce qu’était véritablement la tour 17.
    Mais je comprends qu’il soit plus simple de réaliser des photos d’appartement vides…..de sens
    https://phototrend.fr/2016/01/du-bogdan-girbovan-a-tous-les-etages/

  3. Quel dédain pour l’artiste !
    Foudroyant comme commentaire,
    foudroyant mais anonyme,
    foudroyant mais pas courageux

  4. à “foudroyage”
    Merci pour le lien vers les photos de Bogdan Gîrbovan, je l’ai visité. il semble que son travail n’a rien à voir avec celui de M. Nejmi (je conseille au passage d’aller voir l’expo pour comprendre le sens). En se plaçant au bord du “vide”, on peut voir, ressentir, imaginer beaucoup de choses. Cela demande d’avoir un diaphragme généreux.

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