Laurent Petit est graphothérapeute à Montcresson, dans l’Est du Loiret. Depuis 2007, il rééduque enfants et adolescents en difficulté avec l’écriture. Créée dans les années 1950-1960 sous l’impulsion du Professeur Julian de Ajuriaguerra, neuropsychiatre et psychanalyste, la graphothérapie reste peu connue du grand public.
Propos recueillis par Izabel Tognarelli
Magcentre : Comment en vient-on à vous consulter ?
Souvent, ce sont les écoles qui m’envoient les enfants. À partir de là, il faut déterminer les causes exactes de la dysgraphie : problème d’apprentissage du geste, de motricité fine, de préhension du crayon. Plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Bien souvent, à l’école, on va dire que c’est parce que l’enfant ne fait pas d’efforts. Mais derrière ça peut se cacher une réelle difficulté. La dysgraphie peut simplement être liée à un problème d’apprentissage, mais elle peut aussi être liée à une dyspraxie, qui est un trouble dans le geste.
Quelle est la moyenne d’âge de vos patients ?
La plus grosse proportion d’enfants que je reçois va du CE1 à la 4e. J’ai quelques CP. Il arrive que j’aie des lycéens, mais c’est assez rare. Eux, quand ils viennent pour la première fois, c’est plutôt à contrecœur. Car quand il croise un enfant à la sortie de mon cabinet, ils se disent « Ouh la la, mais où est-ce que je vais ? ». Lors de la première séance, quand on établit le bilan, j’explique ce qu’est la graphothérapie : on n’est pas là pour écrire des lignes et des lignes, ce qui serait une punition sans intérêt ; on travaille sur la forme et le mouvement et il n’y a d’intérêt pour lui que s’il s’investit. En général, après la première séance, l’adolescent décide de continuer.
Comment déterminez-vous les problèmes d’écriture d’une personne ?
Lorsque les parents viennent pour la première fois en consultation, on commence par un bilan, afin de déterminer les origines du problème : depuis combien de temps l’enfant a-t-il des difficultés d’écriture : est-ce récent ; est-ce que cela s’est accentué ? À partir de là, on fait des tests ; on vérifie déjà s’il n’y a pas de problème de latéralisation (qui relève de la psychomotricité). Ensuite, on vérifie s’il n’y a pas de troubles visuels. Si je trouve une difficulté, j’oriente vers le spécialiste en question. Ensuite, on fait des tests de motricité fine, notamment des tests de découpage pour vérifier la motricité globale de l’enfant, car un retard dans la motricité va avoir des répercussions sur l’écriture. Puis on fait des tests d’écriture pour déterminer la vitesse à laquelle l’enfant est capable d’écrire. Cela permet de vérifier les moyennes, un âge graphomoteur. Certains enfants sont capables d’écrire à la même vitesse que les autres, mais avec un graphisme totalement dégradé. D’autres enfants sont capables d’écrire proprement, mais ils sont trop lents. C’est ce que l’on appelle une lenteur par application. Mais il y a l’enfant qui, même en écrivant lentement, n’est pas capable d’écrire bien : là, il y a une réelle maladresse.
Et comment se déroulent les séances ?
Sous forme de jeux. L’enfant va faire des exercices graphiques : il va apprendre à former les lettres avec le bon geste. Par exemple, on peut faire des cercles, qu’en graphothérapie on va appeler des oves (a, c, d, g, o, et q). L’objectif est de réussir un certain nombre de formes avec le bon geste en un certain laps de temps. S’il est capable, on le fait autrement, on le fait sous forme de concours. Je me mets toujours au niveau de l’enfant pour qu’il puisse gagner, de façon à le valoriser. Car souvent, les enfants vont perdre confiance à cause de l’écriture. On leur dit qu’ils écrivent mal alors que, bien souvent, ils font leur maximum. Au bout d’un moment, ils vont se décourager. Le tout, c’est de valoriser l’enfant, mais il ne faut pas non plus qu’il se doute que je le laisse gagner.
Y a-t-il un problème d’apprentissage de l’écriture à l’école ?
On ne met plus l’accent sur l’écriture, car les enfants doivent apprendre beaucoup de choses en primaire et l’écriture passe après. J’ai même des enseignants dont les enfants ont des problèmes d’écriture. Ils m’expliquent qu’ils ont des directives de l’académie : à partir du moment où l’enfant est capable de reproduire la forme et qu’elle est reconnaissable, même si le geste est mal exécuté, on laisse faire. On rencontre donc de plus en plus d’enfants en difficulté. Pour compenser, ces enfants vont en APC (activités pédagogiques complémentaires, dispositif d’accompagnement pour les écoliers, un soutien scolaire qu’ils font en fin de journée, afin de compléter le manque d’écriture en classe, NDLR).
Je pense que les difficultés vont être croissantes si on ne change pas le système. L’un des avantages de l’écriture c’est qu’elle permet la mémorisation kinésique : quand on écrit, on mémorise. Le fait de moins écrire en classe peut déjà être une pénalité.
Les problèmes vont aller crescendo au fil de la scolarité ?
Quand on arrive au collège, les écritures augmentent. L’enfant va écrire ses cours comme il peut, ils seront incomplets. Certes, il y a Pronote sur lequel les profs sont censés mettre les cours, mais tous ne le font pas. L’enfant écrit sa leçon comme il peut, il ne parvient pas à la relire et il n’apprend pas. Le fait que l’enfant ne soit pas capable d’écrire correctement ne peut que le pénaliser. Il faudrait remettre l’accent sur l’écriture à l’école.
Dans certains collèges, les enfants écrivent sur tablette, notamment les enfants en difficulté avec l’écriture.
Si après cet aménagement l’enfant n’est pas suivi, il va être en difficulté lorsqu’il arrivera au lycée, car il n’aura pas suffisamment écrit : il n’aura pas pu améliorer son geste. On peut mettre un accompagnement avec l’ordinateur dès le départ et il faut que cela suive l’élève tout au long de son cursus. Mais si ce n’est que ponctuel, il ne va pas en tirer grand avantage. Au lycée, ce n’est pas un problème de formes ; c’est plus un problème de vitesse et de mouvement. Donc on va travailler sur la fluidité du geste. Parfois, ça peut être simplement un problème de préhension et de posture. En général, ça se passe beaucoup mieux avec les grands. On aurait tendance à dire que c’est trop tard, on aurait dû le faire avant. Mais quand ils sont grands, ils ont le déclic, ils comprennent l’intérêt de la chose.
Cette prise en charge n’est pas remboursée par la Sécurité sociale.
Effectivement, et c’est problématique. Je conseille aux parents en difficultés financières de faire un courrier. Je leur fournis un bilan ainsi qu’un devis estimatif des séances. Cela passe en commission et parfois, c’est accepté. Il faudrait que notre profession soit reconnue par la CPAM. Ce serait un plus pour les enfants.
En France, 7 millions de personnes sont dyslexiques (trouble de la lecture qui, cette fois-ci, relève de l’orthophonie). De plus en plus de médiathèques proposent des ressources spécifiques à leur attention. Cette accessibilité pour les personnes dyslexiques peut inclure des initiatives telles que la mise en place de collections de livres audio, de livres électroniques avec des polices modifiables et des logiciels de synthèse vocale. La formation du personnel de la médiathèque sur la manière d’assister les personnes dyslexiques est un plus. Dans le Montargois, le réseau de médiathèques et points lecture met ainsi à disposition des documents visuellement adaptés pour les enfants, les adolescents et les adultes dyslexiques, ainsi que des jeux adaptés. Ce réseau possède également un fonds documentaire pour les personnes (parents, formateurs, enseignants, praticiens, etc.) qui veulent plus d’informations sur cette question. Le réseau Agorame met aussi à disposition des enfants dys et de leur famille des ordinateurs, des souris-scanners, des lampes Lili, des lunettes spécifiques, etc. Après signature d’une charte, ces outils sont prêtés pour trois mois afin que la famille puisse déterminer s’ils sont utiles à leur enfant et s’ils méritent l’investissement. Tous les quinze jours, dans l’une des dix médiathèques ou points lecture du réseau, se tient un café dys où s’échangent témoignages, astuces et informations.