Mardi soir à la Scène nationale d’Orléans, le groupe Shakar est venu présenter son dernier (et premier) enregistrement, Ladaniva. Groupe de six musiciens mené par une chanteuse d’origine arménienne, il nous entraine dans un vaste voyage coloré, tonique et dansant dans l’Orient européen, proche ou lointain. Une world-music irrésistible.
Par Bernard Cassat
Louis Thomas et Jacqueline Baghdasaryan. Photo Alexis Yousla
Elle est toute jeune, mais sa voix possède l’ampleur des grandes chanteuses orientales. Jacqueline Baghdasaryan installe tout de suite sur scène une musique traversée de multiples images, multiples sources, multiples ambiances. Orientales, c’est la constance pour la géographie. Traditionnelle pour les origines musicales, matinées de jazz, de soul parfois, du soul de l’Est, du côté klezmer ou des mélopées grecques ou turques. Elle bouge la tête comme les danseuses indiennes, elle fait des clins d’oeil aguicheurs avec un sourire merveilleux dans une relation au public tout à fait directe et entrainante.
Une équipe de haut niveau
Le groupe qu’elle a rassemblé autour d’elle la suit, la précède, l’accompagne, construit un vrai son original qui sort, lui aussi, des mêmes racines. Louis Thomas à la trompette, deuxième membre fondateur du groupe, amène d’excellents moments très jazz, qui s’envolent vers des développements magnifiques, vifs, libres, vibrants. Il sait faire monter la tension et aller loin dans la mélodie. Romain Desreumaux au saxo n’est pas en reste, qui dialogue souvent avec la chanteuse ou avec la trompette. Louis Desseigne assure les cordes, guitare, saz, ukulélé. C’est la note traditionnelle du groupe, le goût du terroir. Au saz, il rappelle aussi que l’Arménie, pourtant anéantie par l’Empire ottoman, avait une culture musicale très proche. Pierre Kastler à la batterie donne une puissance particulière aux chansons de Jacqueline, avec une touche (retentissante) de pop ou un bruissement furtif, un caquètement d’oiseau exotique. Et Ninon Thomas au piano/synthé lance parfois quelques basses roulantes. Ils sont tous choristes. D’ailleurs, ils sont tous multi-instrumentistes, s’échangeant la guitare, passant de la flûte aux percus. Mais tous excellents.
Une musique vivante
Extrêmement à l’aise sur scène, ils jouent non seulement pour le public, mais aussi entre eux. Ils dialoguent, se répondent, prennent des soli ou s’effacent derrière la voix. Jacqueline parle de son pays, de la nostalgie qui emplit tout immigré, de la culture arménienne et de sa langue qu’elle veut vivante plus que jamais. Et en français, elle avertit son amoureux qu’elle ne se laissera pas rouler. Quelques morceaux plus lourds racontent l’exil, et même si l’on ne comprend pas les paroles, on comprend la douleur. Bien vite remplacée par la tonicité et la joie de chanter, de faire de la musique, de partager avec le public un moment de musique ouverte, vivante et malicieuse. Des jeunes gens pleins de talent !
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