Rencontrée en septembre, Yolande Moreau nous a parlé avec chaleur de son film La fiancée du poète qui sort ce mercredi sur les écrans, des sujets abordés qui lui tiennent à cœur. Autour d’un faussaire, elle brode une très belle histoire de gens qui se déguisent pour mieux se ressembler.
Par Bernard Cassat.
Le mariage avec un clandestin. Photo Christmas in July
Malgré ses airs de fofolle et de femme un peu à côté, c’est une grande travailleuse. Et elle est en plein dedans, dans la recherche de l’expression de son monde puissant, rempli d’une affection primitive, d’une poésie enfantine et d’une culture toujours étonnée sur bien des agissements de son époque. Son film la replace dans une position de loser qui pourtant réussit magnifiquement ce que peu de gens conservent, rester fidèle à ses sentiments et à ses choix de vie. Sans aucun masque, c’est pourquoi elle fait de l’équilibre sur le fil des faussaires, et pourquoi nombre de ses personnages se travestissent pour être plus eux-mêmes.
Dans le milieu du spectacle depuis plus de cinquante ans, elle connaît des acteurs formidables et les a appelés pour participer à la fête. William Sheller, sollicité, n’a pas pu dire non. Et y a pris un malin plaisir. L’extraordinaire Grégory Gadebois, que même de grandes folies ne dérident pas, apporte un formidable complément au monde de Yolande, une épaisseur presqu’inquiétante. Et puis le beau Sergi López, plus camionneur romantique que jamais, qui arrive nuitamment avec son sud inondé de chaleur dans ces paysages du nord chers à Yolande.
Ses amis comédiens en renfort
Avec en plus les apparitions d’amis intimes, François Morel qui chante Day Dream de Wallace Collection en fumant son joint dans une voiture, Philippe Duquesne toujours aussi classe. Du passé, mais pas nostalgique, puisqu’un bel amour commence, ou recommence, comme nous explique Yolande. Elle se désole un peu du désenchantement de l’époque actuelle. L’histoire de son film recrée une sorte de phalanstère plus proche des communautés hippies des années 70 que des colocs actuelles. « C’est comme une famille, mais en plus subversif », dit l’un des membres du phalanstère.
De cette subversion douce, touchante, joyeuse, compassionnelle et très profonde que Yolande Moreau a développée toute sa vie. Son film confirme une place tout à fait singulière qu’elle a construite dans le théâtre, le cinéma, comme actrice ou comme réalisatrice. Une grande dame, professionnelle jusqu’au bout, proche, enthousiasmante.
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