Ce week-end, le principal club de football de Vierzon n’aligne qu’une seule équipe sur le terrain. Hormis son groupe fanion de National 3, toutes les autres formations de régionale ou départementale, soit une trentaine d’équipes sont à l’arrêt. Une décision radicale prise par Thierry Pronko, le président du VF 18, pour exprimer son ras-le-bol après des actes de racisme lors d’une rencontre U18, la semaine dernière.
Par Fabrice Simoes.
Des cris de singe, des insultes, des menaces de mort, des incivilités, autour de la pelouse synthétique du Stade Brouhot, à Vierzon, on a eu droit à tout ça de la part d’une poignée de jeunes qui n’ont même pas l’excuse de débilité profonde pour expliquer leur attitude. Pourtant, les lieux en ont connu des ribambelles de gamins, de joueurs de bon niveau, de moyen niveau, de pas bon niveau aussi. Dans les années 1970, c’est là que se jouaient des tournois de sixte, au pied d’une petite citée péri-urbaine dans le quartier de la Craillot. Juste avant le passage du millénaire, c’est encore là qu’une première pelouse pour de vrai recevait les entraînements du foot, du rugby. En plein travers, les passages à répétition des vélos, des mobylettes avaient creusé leurs sillons.
Voilà environ une petite décennie les lieux sont devenus stade d’honneur avec tribunes, avec pelouse synthétique, avec terrain d’entraînement, avec bureau, buvette et tout le toutim. Entre temps les clubs de football de Vierzon se sont, presque, tous regroupés pour créer le Vierzon Foot 18. Le club est devenu une grosse machine pour que tous puissent jouer au foot dans les meilleures conditions. Même, la saison passée, le club est devenu le petit Poucet de la Coupe de France en atteignant les 8e de finale. Entre-temps, la stupidité, la bêtise crasse, n’ont pas été éradiquées… Dimanche dernier, des énergumènes ont dépassé les limites et le match de coupe de France Gambardella a été arrêté par l’arbitre bien avant la fin du temps réglementaire. Au moment du coup qui a mis un terme à la rencontre, disputée, sur la pelouse, dans un bon climat, les Vierzonnais menaient 3-1 face à leurs homologues du Bourges Foot 18 !
Trop, c’est trop !
Pour Thierry Pronko, artisan de la fusion des clubs vierzonnais en 2015, ce mauvais dimanche aura été celui de trop. Dès lundi, le président du club, désabusé, malgré les nombreux messages de soutien des autres clubs de la région et au-delà, a pris la décision de mettre en suspension ses activités suite à ces événements inqualifiables et, dans la foulée de suspendre les activités du club, entraînements inclus. Un premier geste, bien avant la sanction sportive qui devrait tomber prochainement, qui place le club mais aussi l’ensemble des instances du monde du football face à leurs propres responsabilités.
Son ras-le-bol, après plusieurs décennies de bénévolat, le président Pronko l’exprime envers tous les responsables du football mais pas seulement. « Le problème de ce match n’est pas que Vierzonnais, et ne concerne pas que le foot. Un club de sport est une micro-société avec ses maux et ses travers. On peut me donner toutes les médailles, toutes les félicitations pour le travail accompli mais ce que je préférerais, ce sont plutôt des aides, des structures pour les équipes. Par exemple, nous avons presque 600 licenciés et nous devons refuser du monde dans certaines catégories… ». Pour lui, et pas que dans sa ville, le climat sur et autour des aires de sports est de plus en plus délétère. « L’environnement est difficile. Cependant, on n’est pas aidés par ce qu’il se passe au haut niveau. Comment expliquer aux gamins que PSG-OM soit allé à son terme après les chants homophobes et que les joueurs qui les chantent n’ont eu qu’un match de suspension ? Nous, dans la Ligue, une friction sur le terrain c’est carton rouge et sept matches… À un moment donné, c’est un problème sociétal. Il faut dire stop. Cela concerne tout le monde, y compris dans notre club ! »
Des mesures locales mais pas de réponse globale au phénomène
Le président berrichon, malgré les nombreux messages de soutien des autres clubs de la région et au-delà, a donc pris la décision de stopper toutes les activités du club, entraînements inclus, dès lundi dernier. Il a déposé plainte pour « injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine » et « menace de mort avec ordre de remplir une condition, commise en raison de la race, l’ethnie, la nation ou la religion ». La ville de Vierzon, le Bourges Foot 18 ont fait de même. SOS Racisme devrait probablement se porter partie civile.
De son côté, l’éducateur de l’équipe U18 vierzonnais, Yacouba Mané, d’origine sénégalaise, est très touché par cet événement. Il s’est posé des questions quant à son investissement au poste d’éducateur, suite à ces débordements de jeunes non licenciés au club. Et de plus issus également de l’immigration… Il n’est pas le seul puisque, les cris de singe, les joueurs de couleur qui évoluent à Vierzon, leurs familles, les ont aussi entendus et pris en toute logique à leur compte.
Des mesures radicales ont certes été prises conjointement avec la municipalité, en milieu de semaine. Elles devraient rendre le stade moins perméable aux incivilités. Des mesures qui ne sont cependant que locales et n’apportent pas vraiment de réponse au phénomène ambiant. La Ligue du Centre, quant à elle, a inscrit dans son calendrier, pour la fin du mois, une séance d’information pour les délégués sécurité de la région… Ça ne résout rien mais ça occupe le terrain !
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