Jeudi 5 octobre, les Carmes proposaient en avant première un film (et une rencontre) fait pour la télévision mais qui sort dans quelques salles, Moi, Michel Rocard, j’irai dormir en Corse. Le réalisateur Jean-Michel Djian, qui nous a livré il y a quelques mois Edgar Morin, journal d’une vie et en 2012 François Mitterrand à bout portant 1993-1996, a discuté après la projection avec Jean-Pierre Sueur, rocardien de la première heure.
Par Bernard Cassat.
Début du PSU. Capture du film
Depuis quelques mois on peut voir le dernier film de Jean-Michel Djian sur Michel Rocard. Il a confié son grand désir d’approfondir la vie de cet homme qu’il a toujours beaucoup admiré, la difficulté de trouver un angle pour ce portrait difficile tant le personnage a œuvré dans la vie politique française pendant un demi-siècle. Un texte qu’il a retrouvé, écrit par Michel Rocard lui-même, une lettre en fait, dont il a repris le titre pour son film, exprimait le désir de son auteur d’être enterré en Corse. Ce texte a été la porte d’entrée pour Jean-Michel Djian.
Le petit cimetière de Monticello. Capture du film
La Corse a compté tout au long de la vie de Rocard. Par sa beauté d’abord, et effectivement, la vue du petit cimetière de Monticello où il repose est à couper le souffle. Mais aussi par son histoire, que Rocard connait bien pour s’y intéresser depuis toujours. Le film évoque un certain nombre de réalisations qu’il a mené pendant sa vie. Depuis sa première affirmation politique pendant la guerre d’Algérie, un rapport cinglant contre les agissements de l’armée française déplaçant de force des populations entières, les parquant dans des camps dits de regroupement pour éviter tout contact avec les « rebelles ». La presse s’en est emparé. François Mitterrand, alors ministre de la Justice, qu’il traite d’assassin, ne lui pardonnera jamais. Puis son adhésion au PSU, scission de la SFIO qui avait entériné le « coup d’état » de De Gaulle de 58, alors que lui le rejetait.
En 74, au moment de l’adhésion au PS. Capture du film
Jean-Michel Djian a plusieurs fois répété sa frustration comme réalisateur de cadrer une personnalité aussi riche en 58 minutes, format télévisuel imposé. Pourtant il retrace avec bonheur le personnage, plutôt l’homme que son œuvre, donc. Et tous les témoignages qu’il cite dans son film sont concordants pour décrire le bouillonnement d’intelligence, de rigueur, d’énergie, de vision à long terme. Et finalement peu intéressé par le pouvoir en soi, comme son retrait face à Mitterrand en 81 le montre. Il parlait vite mais sa pensée semblait aller encore plus vite.
Et puis tout le monde, droite comme gauche, salue la maîtrise avec laquelle, fraîchement nommé Premier ministre par Mitterrand, il s’est emparé du problème de la Nouvelle-Calédonie, en 1988.
Jean-Pierre Sueur, un proche
Jean-Pierre Sueur a ensuite évoqué son amitié avec Michel Rocard. Jeune militant, il est arrivé à Orléans et s’est intégré à l’équipe PSU d’alors, Michel de la Fournière, Marcel Reggui, Augustin Cornu, « très attaché au PSU », Rémi Blondel entre autres. « Michel de La Fournière, très proche de Michel Rocard, avait été président de l’UNEF, et partageait les combats de Rocard par rapport à l’Algérie. Il était implanté ici, et le PSU était fort, 14, 15%. Ce qui n’était pas rien ». Par la suite, « le courant rocardien est resté fort dans la fédération socialiste du Loiret ».
Michel Rocard. Capture du film
Après son succès à la mairie, nommé au gouvernement au moment où Michel Rocard démissionne le 15 mai 91, il retrouve deux autres rocardiens, Louis Le Pinsec et Michel Sapin. « Rocard et Mitterrand ne se sont jamais compris. Finalement, sans doute Mitterrand l’aurait plus respecté s’il avait maintenu sa candidature à la présidentielle de 81 ».
« En tant que ministre d’Etat chargé du plan, il a inventé la seule planification qui marche. L’idée de contrat de plan : tu signes devant les autres signataires. Donc après on respecte. Et ça marche encore », analyse Jean-Pierre Sueur en regardant François Bonneau, présent dans la salle. Sueur rappelle aussi l’importance de la CSG.
Une rencontre que le public, en majorité des cheveux blancs, a appréciée.
Moi, Michel Rocard, j’irai dormir en Corse
Réalisé par Jean-Michel Djian
Disponible jusqu’au 1 juin 2024 ici.
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