Ils ont gagné ! Le comité de soutien a obtenu satisfaction. La cour de Cassation fait retirer du dossier les aveux des accusés obtenus sous la torture, au terme de la septième requête. L’affaire sera rejugée, vraisemblablement en 2024.
Par Pierre Belsoeur.
Devant la porte de la Cour de Cassation les avocats du comité complètent la proclamation de victoire de Thierry Thiennot. cl Magcentre
Douze heures quinze à Paris le 5 octobre. Un car stoppe devant le palais de justice assiégé, avec des files d’attente, des forces de police copieuses. Une trentaine de Berrichons ou assimilés enrichissent la cohue. On filtre à mort dans l’entrée. Le procès de l’évasion de Réau (une terminologie discrète pour parler du procès de Rédoine Faïd) capte toutes les attentions. Les Berrichons viennent seulement pour entendre une décision historique. Le résultat de leur septième requête devant la cour de Cassation pour obtenir la révision du procès de Mis et Thiennot.
Quatre heures et quart de car pour attendre dans le couloir devant l’entrée de la Cour de Cassation, que seuls Thierry Thiennot et ses deux avocats ont été autorisés à franchir. A l’intérieur, les trois hommes se sont installés, à bonne distance des cinq magistrats. La décision est tombée d’entrée et Thierry n’a pas retenu tous les articles de lois égrenés par le magistrat rapporteur. Quatre minutes plus tard, il sortait les bras levés mais avait bien du mal à formuler la bonne nouvelle. « On a gagné », résuma-t-il et Me Jean-Pierre Mignard a complété : « La cour a donné un avis favorable à toutes nos demandes. L’ensemble des aveux seront écartés du dossier ».
On n’y croyait pas
Pierre-Emmanuel Blard, l’autre avocat du Comité de soutien, avait pris la peine de mettre en garde Thierry Thiennot à l’entrée de la salle. « Vous risquez d’être déçu ». De ce côté-là, Thierry était blindé, à 64 ans il avait assisté aux six précédentes requêtes et aux accueils pour le moins revêches réservés au comité de soutien. Il avait du mal à croire qu’enfin le système, qui avait broyé toutes les demandes de révision de l’affaire Seznec, venait de lui donner satisfaction. A ceux qui lui demandaient quel sentiment il avait ressenti, il ne pouvait que répondre, « Un ouf de soulagement ». Mais lorsqu’il s’effondra, en larmes, dans les bras de Léandre Boizeau, que les Boizeau, père, mère et fils s’étreignirent longuement et que les applaudissements résonnèrent sous les voûtes de la galerie, on comprit que ce qui venait de se passer était un moment historique. La justice française peine à reconnaître ses torts.
Thierry Thiennot s’empressa d’annoncer la bonne nouvelle à sa mère en synthétisant au maximum : « Maman, c’est oui » sans savoir si la vieille dame réalisait cette information miraculeuse. Léandre Boizeau rappela le sentiment qui l’avait étreint lors du premier refus de la commission de révision : « On est des Berrichons, si on avait été Corses ça se se serait pas passé comme ça ».
Me Mignard a reconnu que sans l’opiniâtreté du comité de soutien, cette révision n’aurait jamais été obtenue. « Il y avait trop de gens mobilisés pendant des années, persuadés de l’innocence des deux jeunes chasseurs, pour que leur demande ne finisse pas par être entendue ».
Il a fallu escalader six fois en vain les marches du palais de justice. Cette fois ils peuvent célébrer leur première victoire.
Nouveau procès en 2024
Les dix-huit magistrats de la cour de Cassation qui se constitueront en Cour de révision pour réexaminer l’affaire « Mis et Thiennot » auront du coup un dossier nettement moins épais à examiner. On ne peut pas préjuger de leur décision, mais le jugement de culpabilité reposait essentiellement sur les aveux des huit chasseurs arrêtés en décembre 1946 après la découverte du corps sans vie du garde-chasse Boistard à Saint-Michel-en-Brenne (Indre).
Le nouveau procès aura lieu dans le courant de l’année 2024, 77 ans après les faits, après trois procès d’assise et six demandes de révision infructueuses. Alors oui, en ce 5 octobre 2023, c’est un moment historique que les passagers du bus berrichon savourèrent calmement en rentrant à Châteauroux. Tous, sauf Thierry Thiennot, assailli par les journaux, radios et télés, pour lesquels l’affaire Mis et Thiennot devenait un sujet majeur.
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