Bio Centre a profité du lancement de sa campagne Manger bio et local pour faire un éclairage sur le nouveau label FNAB, plus exigeant que les labels AB et l’Eurofeuille, déjà existants. Il va plus loin et intègre la biodiversité ainsi qu’un volet social, afin que les producteurs bio vivent décemment de leur activité.
Par Izabel Tognarelli
Olivier Chaloche, producteur en grandes cultures, installé en bio à Cortrat depuis 1990, est le premier agriculteur en région Centre-Val de Loire à recevoir ce label FNAB, construit par les producteurs : « Nous, producteurs, nous nous réapproprions le cahier des charges. Nous ne nous laissons pas imposer un cahier des charges qui vient de la transformation ou, pire, de la grande distribution qui veut nous imposer ses règles. Parce que, à chaque fois, nous sommes perdants dans cette histoire ».
Allemagne, France, deux modèles de distribution différents
Olivier Chaloche nous invite à examiner la situation économique vue depuis la France et vue depuis l’Allemagne, toutes enseignes confondues : « La crise du pouvoir d’achat est la même ; pourtant, l’issue est différente, pourquoi ? Car en France, la grande distribution a décidé que les produits bio étaient des produits de luxe : ils margent beaucoup sur un produit bio. Ce qui le rend plus cher. En plus, ils le déréférencent. Avec la crise du pouvoir d’achat, ils ont fait le choix de sortir les produits bio des rayons, car ils considèrent que ce ne sont pas des produits d’avenir. C’est pour cela que nous sommes remontés contre les grandes enseignes françaises : ils ne font pas d’efforts. En Allemagne, les enseignes de distribution font exactement le contraire : ils se disent qu’ils ont un rôle à jouer. Ils prennent un peu sur leurs marges et continuent à intensifier les linéaires en bio ». Or la moitié du marché bio passe par la grande distribution : le fait que la grande distribution ne joue pas le jeu en France contribue mécaniquement à cette crise de la filière bio.
Exit les tomates en avril et les œufs « bio » de batterie !
Avant d’en passer par la crise actuelle, la bio a connu quelques années d’embellie, avec néanmoins de terribles épreuves, notamment l’incroyable retard dans le versement des aides (deux années) au milieu des années 2010. Le souvenir reste cuisant. Mais avec le développement d’une bio plus accessible, certains appétits, notamment ceux des industriels, se sont aiguisés : « Ils se sont emparés du label AB et ont commencé à faire pression de façon à ce qu’il soit un peu moins exigeant. De notre côté, à la FNAB, on a commencé à voir des choses qui ne nous plaisaient pas notamment sur la production de tomates. Les industriels de la tomate ont commencé à produire de la tomate bio et ont fait pression, auprès du gouvernement français, pour abaisser les exigences du label AB afin de pouvoir en vendre toute l’année ». Quel est l’intérêt de cultiver des tomates « bio », par ailleurs insipides, sous des serres chauffées par des énergies de surcroît carbonées ? Les élevages de poules pondeuses sont un autre exemple emblématique : « Depuis le départ, on se bat pour le lien au sol, afin qu’un éleveur de poules pondeuses bio puisse fournir des céréales qu’il a produites sur sa ferme ou au moins en interaction avec un autre agriculteur. C’est ce que je fais avec un producteur d’œufs bio : je produis des céréales qui vont nourrir ses poules. Il y a un lien au sol et une traçabilité totale ».
Et les consommateurs, dans tout ça ?
Pour résumer, on peut dire que le label FNAB a pour objectif d’en revenir aux fondamentaux. Mais ces producteurs ont aussi l’intention de revenir vers les consommateurs : « On travaille sur un label avec des exigences vis-à-vis de la production, mais aussi vis-à-vis des gens avec lesquels on va travailler dans la filière et au final, vis-à-vis des consommateurs, afin qu’ils sachent que, quand il y a ce logo – la fleur de sarrasin verte – c’est du sérieux, c’est contrôlé. Le socle minimum est de protéger les cycles naturels, protéger l’eau, l’air, les sols : c’est ça le fondement de l’agriculture biologique. On revient avec un cahier des charges qui va beaucoup plus loin sur la biodiversité et sur l’aspect social ».
Avec ce label FNAB, ces agriculteurs engagés – dont Olivier Chaloche se fait l’écho en région Centre-Val de Loire – vont se battre auprès de l’État pour obtenir des chèques alimentaires à destination des personnes qui ont un faible pouvoir d’achat. Et quand on lui demande s’il reste optimiste, la réponse d’Olivier Chaloche fuse : « Ah oui ! Quand on interroge juste les producteurs bio, l’optimisme est sans faille. Tous disent que leur métier correspond à leurs valeurs, il a du sens ; ils ont un rôle vis-à-vis de la biodiversité et de l’environnement. Même si c’est difficile, ils sont prêts à traverser cette crise, parce qu’on est sur les rails : on est dans le sens de l’histoire. La parenthèse de l’agriculture conventionnelle va se refermer, peut-être dans vingt, peut-être dans trente ans. Tous les agriculteurs bio le savent ».
Un label pensé par les producteurs
La FNAB a travaillé trois ans sur un cahier des charges dans un esprit historique de la bio, avec évidemment des contraintes plus fortes. Il existe désormais trois labels. Aujourd’hui, un produit bio est porteur du logo AB, label français, et de l’Eurofeuille, label européen. Le label FNAB, représenté par une feuille de sarrasin, va plus loin que le cahier des charges européen, représenté par l’Eurofeuille, le label-socle, commun à tous les pays d’Europe. Pour résumer, la règle européenne vaut pour tous. Ensuite, chaque État peut avoir son propre cahier des charges, mais toujours dans le sens du mieux-disant, avec plus de contraintes, jamais moins.
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