Mais pourquoi le dépistage du cancer du sein régresse-t-il ?

Depuis 2004, un dépistage organisé du cancer du sein (DOCS) est proposé aux femmes asymptomatiques âgées de 50 à 74 ans. On pourrait imaginer qu’elles participent majoritairement à ce dépistage institutionnel gratuit par volonté de contrôler leur santé ou par peur de la maladie. Malgré une promotion et une couverture médiatique intensives ce n’est pas le cas.

Par Jean-Paul Briand.

Gabrielle d’Estrées et sa soeur (anonyme)

Quelques jours avant la campagne annuelle de sensibilisation « Octobre Rose », un sondage de la “Ligue contre le cancer”, publié le 26 septembre 2023, sonne l’alarme : 12 % des femmes âgées de 50 à 74 ans n’auraient jamais effectué un dépistage individuel ou organisé du cancer du sein. Alors que les autorités sanitaires françaises ont fixé un objectif de dépister 70% des femmes éligibles au DOCS, son taux d’acceptation chute et ne dépasse guère les 50%. Des évaluations essayent de comprendre les raisons de cette faible participation. Plusieurs causes sont avancées pour expliquer ce relatif échec du DOCS.

Le DOCS est diversement accepté

Mammographe (Cliché Pixabay)

Des études révèlent que l’adhésion au programme du DOCS est particulièrement faible chez les femmes économiquement démunies. Chez elles, les problèmes liés à leur propre santé sont relégués au second plan par les préoccupations du quotidien. Pour les femmes appartenant à des milieux socioculturels favorisés deux populations sont identifiables. Un premier groupe de femmes participe au DOCS. Elles font confiance au sérieux des campagnes de dépistages qui leur permettent de prendre soin de leur santé sans avoir à y penser. Le second groupe de femmes privilégie le dépistage individuel (DI). Ces femmes n’aiment pas s’en remettre à une structure institutionnelle et préfèrent une approche individualisée moins anonyme. Elles veulent prendre en charge leur santé et être libres de la gérer avec le praticien de leur choix. En effet, avec le DOCS, il n’est pas nécessaire de passer par son médecin traitant. Munies du courrier d’invitation, les femmes vont directement prendre rendez-vous chez un radiologue. Cet aménagement qui se veut facilitant semble au contraire, pour certaines femmes, un élément qui contribue au rejet du DOCS.

Le DOCS génère une réduction limitée des cancers

Depuis quelques années l’une des principales raisons de la régression du DOCS serait la controverse déclenchée par une partie de la communauté scientifique qui remet en cause son innocuité et son utilité. Ainsi Cochrane, organisation indépendante mondiale qui produit des données probantes et fiables, a évalué les effets du dépistage du cancer du sein par mammographie sur la mortalité et la morbidité. Une analyse de sept essais internationaux, portant sur 600 000 femmes âgées de 39 à 74 ans, randomisées pour des mammographies de dépistage ou une absence de mammographie, conclue que le DOCS génère une réduction limitée des cancers avancés et entraîne beaucoup de surdiagnostics.

La balance bénéfice-risque du DOCS comporte des incertitudes

Le surdiagnostic est la découverte d’une anomalie pathologique qui, si elle n’avait pas été constatée, n’aurait pas produit de symptômes ni de tort à un patient au cours de sa vie. Ce n’est pas un faux positif, ni un diagnostic erroné. Les patients surdiagnostiqués ont réellement un signe d’une maladie. Le résultat de leur examen est un vrai positif. Malheureusement le surdiagnostic est préjudiciable. Annoncer un diagnostic menaçant peut s’avérer délétère. Le patient peut en être affecté psychologiquement, professionnellement et socialement en étant désormais étiqueté comme malade. Il peut être atteint physiquement par des investigations complémentaires invasives et des traitements agressifs.

Pour le DOCS, il n’est pas toujours possible de dire si une anomalie cancéreuse, décelée par la mammographie, évoluera vers une maladie grave ou un décès prématuré. De nombreuses femmes, chez qui le DOCS a identifié des images d’un cancer, ne tireront pas avantage de ce diagnostic alors que d’autres seront sauvées. La balance bénéfice-risque du DOCS comporte des incertitudes. Or, l’information sur le DOCS, souvent l’apanage des structures qui l’organisent, met beaucoup plus l’accent sur les bénéfices du dépistage que sur ses préjudices.

Concernant le DOCS, plutôt que de remplir des objectifs de participation, ne vaudrait-il pas mieux apporter une information précise et complète, loyale et objective permettant aux patientes de décider ou non de participer aux dépistages. L’OMS le rappelle : « La recherche d’un fort taux de participation à un programme organisé de dépistage ne devrait jamais prendre le pas sur des décisions éclairées, fondées sur les données de la science et les valeurs et préférences de la personne ». 

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Prévenir le cancer ou comment réduire les risques

Prévention et dépistages

Rappel : L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Prévention en santé 

Selon l’OMS, la prévention en santé est « l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Son objectif est de faire progresser l’état de santé dans sa globalité. Toutes les actions qui préservent et améliorent la santé physique, comme la santé psychique, ainsi que les déterminants sociaux de santé d’une collectivité, entrent dans ce cadre. Les campagnes de dépistages collectifs de cancers, de prévention des maladies et risques professionnels, l’éducation à la santé, la facilitation de l’accès aux soins, les réglementations et les surveillances sanitaires, l’amélioration de l’habitat, sont considérées comme des actions de prévention en santé.

Dépistage organisé (DO)

Un dépistage organisé est un dépistage proposé systématiquement à l’ensemble d’une population cible choisie selon le type de cancer. Les personnes à qui est proposé un DO ne présentent pas de symptômes de la maladie recherchée. Les examens sont pris en charge à 100% dans ces programmes de dépistage de masse. En France, trois localisations de cancers font l’objet d’un DO : le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l’utérus. 

Dépistage individuel (DI)

Lors d’une consultation médicale, d’un suivi particulier, ou dans un contexte spécifique, un examen de dépistage individuel et personnalisé peut être proposé. Cet examen de dépistage propre à une personne peut être systématique, motivé par des symptômes, par des antécédents familiaux ou par l’existence de facteurs de risque. Le médecin fournit la prescription médicale. L’assurance maladie assure une prise charge comme pour n’importe quel autre examen.

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