Beau succès public pour le XIIIe colloque Femmes des lumières et de l’ombre. Une manifestation consacrée les 21 et 22 septembre 2023 aux femmes hors la loi, sous la houlette de Mix-Cité 45. Deux journées d’une richesse folle grâce à des conférences, un spectacle, une expo de peinture… Avec comme toujours des intervenant.e.s de qualité.
Par Sophie Deschamps
Une partie de l’équipe du colloque 2023 de Mix-Cité 45 sur les femmes hors la loi à l’auditorium de la médiathèque d’Orléans. Photo SD
Décidément, le colloque féministe orléanais Femmes des lumières et de l’ombre est comme le bon vin. D’année en année, il se bonifie et offre à son public, fidèle, de quoi nourrir sa réflexion et ses connaissances. Et ce grâce à une multitude d’interventions passionnantes dont il est malheureusement impossible ici de nommer leurs autrices et auteurs. Il faut dire que le thème 2023 Femmes hors la loi avait de quoi séduire avec son petit parfum de scandale et de transgressions en tous genres, forcément. Car de tous temps et partout, les lois ont été écrites par des hommes pour des hommes. Il fallait donc une avocate pour présider ce colloque.
Alima Boumediene-Thiery, avocate, présidente du colloque
Ce fut Alima Boumediene-Thiery, avocate au barreau du Val-d’Oise mais aussi ex-sénatrice, ex-députée européenne et militante écologiste. Dans son discours d’ouverture, cette avocate spécialisée dans la défense des femmes sans-papiers et/ou déboutées du droit d’asile a déclaré d’emblée : « Pour moi, ce colloque est essentiel parce que je rencontre trop souvent des femmes “hors la loi”. Mais je préfère transgresser plutôt que me conformer à une loi injuste, quitte à être moi-même hors la loi ». Une avocate qui n’a donc pas froid aux yeux, tout comme sa prestigieuse aînée Gisèle Halimi (1927-2020). La célèbre avocate a mené de nombreux combats : défense de Djamila Boupacha en Algérie, des femmes ayant avorté avec le procès de Marie-Claire à Bobigny en 1972. Ou bien encore celui d’Aix-en-Provence en 1978 où elle défend deux jeunes femmes violées, Anne et Araceli.
Car les femmes n’avaient pas d’autres choix que de se rebeller contre des textes injustes qui officialisaient leur domination. D’où un exposé sur le Code Napoléon de 1804. Un texte infâme qui fait régresser les droits des femmes depuis les avancées de la Révolution Française. Même si les femmes n’ont pas obtenu le droit de vote durant cette période comme l’a rappelé jeudi soir au FRAC le spectacle de Sandrine Gauvin, Olympes de Gouges et Robespierre.
Femmes hors la loi dans le monde…
L’un des grands mérites des colloques de Mix-Cité 45 est de nous donner à voir ce qui se passe ailleurs. C’est ainsi que l’on a pu découvrir des métisses hors la loi dans la lutte anticoloniale au Cameroun. Mais également comment à l’époque du Congo belge (actuelle République Démocratique du Congo) entre 1945 et 1960, les femmes subvenaient à leurs besoins en distillant clandestinement de l’alcool de maïs ou de manioc.
Retour en France avec un éclairage passionnant sur les Femen, mouvement né rappelons-le en 2008 en Ukraine. Ces femmes qui s’exhibent seins nus et se servent de leurs corps pour faire passer des slogans dans l’espace public montrent qu’il est nécessaire de déranger pour se faire remarquer. À l’instar des “performances” artistiques de Valie Export ou Deborah De Robertis qui elles aussi mettent leur corps en scène de façon provocante dans des musées ou dans la rue.
Ce sont aussi les Rote Zora en RFA dans les années 70 et 80. Ce groupe féministe revendiquait la lutte armée contre la violence quotidienne à l’égard des femmes mais sans jamais faire de victimes.
L’occasion aussi de découvrir de l’autre côté du rideau de fer, en RDA donc, la poétesse Helga M. Novak (1935-2013). Abandonnée par sa mère et née d’un père assassin, elle se cherchera une place et une identité toute sa vie. Une quête et une détresse qu’elle exprimera dans ses livres et surtout ses poèmes qui méritent d’être découverts.
Mais aussi dans la mythologie, les livres, les séries
Voyage dans le temps également. Où l’on découvre que malgré une absence totale de droits, les femmes se sont rebellées dès l’Antiquité à travers des figures mythiques plus ou moins connues : Médée, Lysistrata et sa fameuse grève du sexe imaginée de façon quelque peu ironique par Aristophane pour faire cesser la guerre, Clytemnestre ou bien encore Cassandre ou Électre.
Plus près de nous, les figures féminines hors la loi ont été évoquées dans des séries télé (Westworld et Penny Dreadful). Celles aussi des romans d’Hector Malot. Ou encore Gabriel de George Sand adapté par Laurent Delvert de la Comédie-Française au théâtre du Vieux Colombier et visible jusqu’au 30 octobre 2023.
Enfin, dans son discours de clôture Alima Boumediene-Thiery a salué « la richesse de ce colloque avec l’évocation de tous ces combats de femmes pour la justice et la liberté. Ces femmes sont sorties de l’ombre pour aller vers la lumière. Mais beaucoup se sont sacrifiées par l’exil, la prison, l’hôpital psychiatrique et même la mort pour tenter de changer nos sociétés. De nouvelles formes de combats émergent comme les Femen et d’autres que l’on ne connaît pas encore. Mais les voies du militantisme féministe vont se poursuivre ».
Enfin, on connaît déjà le thème du colloque 2024 et il est prometteur : les femmes et l’argent.
Affiche colloque Femmes hors la loi de Mix-Cité 45. Photo SD
Pour finir un petit quiz pour retrouver les femmes “hors la loi” représentées sur l’affiche de ce XIIIe colloque. Vous avez trouvé ? De gauche à droite et de haut en bas :
Gisèle Halimi
Sacha Shevchenko, co-fondatrice des Femen
Albertine Sarrazin (1937-1967), écrivaine française
Aung San Suu Kyi, femme politique birmane, prix Nobel de la paix en 1991
Madeleine Riffaud, résistante, poétesse française, 99 ans
Rosa Parks, activiste noire américaine (1913-2005)
Pour aller plus loin sur Magcentre : Les sorcières de passage à Orléans pour deux jours